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Macédoine : une grève de la faim contre la persécution des migrants

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Elodie Red

Société

Depuis dix ans, de profonds troubles politiques secouent le pays, jour après jour manifestations et contre-manifestations ont lieu et certains évoquent même une guerre civile. Au milieu de tout ça, un homme a entamé une grève de la faim à Skopje, capitale de la Macédoine.

L'homme en question, Suad Misini, est un analyste politique, spécialiste des affaires intérieures, bien connu du grand public. Mais son combat n'a rien à voir avec la crise interieure, actuellement  omniprésente dans la société Macédonienne. Il ne cherche pas des excuses au parti actuellement au pouvoir, ne prend part à aucune manifestation antigouvernementale et n'est pas non plus un militant du mouvement nationaliste de la minorité albanaise.

Il observe sa grève de la faim seul, refuse de manger, de boire de l'eau ou de recevoir une quelconque assistance médicale en raison de son indignation face à la gestion de la situation des immigrés en Macédoine. Attendez! Il y a des immigrés en Macédoine ? Ne sont-ce pas les Macédoniens eux-mêmes qui fuient leur pays en masse à la poursuite d'une vie meilleure en Europe de l'Ouest ? Après tout, on estime à près de 400 000, le nombre de personnes qui ont émigré de Macédoine vers les pays européens au coeur de la dernière décennie, la plupart pour raisons économiques.

Il est difficile pour les locaux de se dire qu'ils ne sont pas en bas de la chaîne de la souffrance. La vague de réfugiés fuyant le carnage au Moyen-Orient a pris tout le monde par surprise, y compris les gouvernements qui étaient sous les tirs. Des centaines de milliers de personnes épuisées errent à pied au coeur de la Macédoine, les maigres possessions qu'ils ont pu sauver des horreurs de la guerre en Syrie sur le dos, à la recherche d'un refuge aux portes de l'Europe.

Mais la Macédoine ne correspond pas à leur idée de l'Europe. Elle ne fait pas partie de leur destination de rêve - le monde devéloppé de l'Union Européenne. La Macédoine n'est qu'une escale sur la longue route du salut, une alternative un tout petit peu moins effrayante que les bateaux de la mort qui traversent la Méditerranée. Par conséquent, si l'on s'en tient à un raisonnement classique, ces gens-là ne sont pas le problème de la Macédoine. L'ironie du sort est telle que c'est bien là qu'est le problème. Concentrés sur leurs propres soucis, les Macédoniens n'étaient pas du tout prêts à accueillir ces immigrés, que ce soit au niveau institutionnel, ou humain.

L'indigne vérité c'est que ces immigrés ont fait ressortir le pire des Macédoniens sur les deux aspects. La plupart des voyageurs ont été retenus dans un complexe particulier par les autorités, jusqu'à ce que l'on décide de leur sort. Alors que le gouvernement fait cela dans la plus pure tradition bureautique, encore un peu plus ralentie par le fait que l'ensemble de ses ressources soient consacrées au contrôle de toute dissidence intérieure, cette ruine crasseuse appelée le Centre pour Immigrés accueille beaucoup plus que les 150 personnes qu'elle est sensée accueillir, avec des femmes et des enfants vivant dans des conditions inhumaines.

Les immigrés qui ont réussi à passer à travers les mailles du filet et ont ainsi évité cette prison surpeuplée ne sont pas beaucoup plus chanceux. Certains se retrouvent au coeur des réseaux de trafic d'êtres humaines. D'autres se font souvent agresser et battre par des petites frappes alors qu'ils marchent le long des voies ferrées en direction du Nord. Les commerçants essaient quant à eux de profiter de leur tragédie, en vendant, sans vergogne, de la nourriture et de l'eau à plus de trois fois le prix habituel, tel le point culminant de la décadence morale en des temps difficiles.

Pour beaucoup, c'est cela qui a causé le plus grand choc : voir l'autrefois illustre hospitalité macédonienne glisser vers l'indifférence, le cynisme et la cupidité, après n'avoir pas pu comprendre que des gens bien plus pauvres que nous avaient besoin de notre aide, immédiatement. Petit à petit, certains commençent à réagir à l'horreur avec compassion, et dénoncent la façon dont les immigrés ont été traités dans le pays.

Une marche de la solidarité a été organisée en face du centre de détention, afin de réclamer de meilleurs traitements, alors que des actions humanitaires semblables sont aussi organisées pour les immigrés qui sont sur les routes. Le gouvernement a aussi commencé à prendre le problème plus sérieusement, il a annoncé une nouvelle législation qui devrait faciliter la vie des immigrés qui traversent le pays, un peu comme cela a été fait en Serbie.

C'est exactement ce que veut Suad Misini. Sa grève de la faim pour ceux qui sont affamés est une mission dont le but est de sensibiliser les gens au problème, mais aussi d'amener à de véritables prises d'actions en faisant appel aux valeurs humaines fondamentales. Alors que le débat s'intensifie, beaucoup continuent d'affirmer que c'est un problème que l'UE doit traiter, et que la Macédoine a déjà beaucoup à faire avec ses propres ennuis. Ils soulignent par là les propres manquements de l'UE dans la gestion des immigrés.

Ces personnes ont peut-être raison. Il serait cependant bon de leur rappeler que l'ambition de la Macédoine vis à l'Union européenne n'est pas d'en faire partie seulement de manière officielle mais aussi d'en adopter les idées. L'isolationnisme auto-centré et le mépris des droits de l'homme n'en font pas partie.

Des immigrés retenus dans un petit complexe en Macédoine.

Translated from One man’s fight against migrant persecution in Macedonia