Lituanie : les visages de l'inégalité
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Jessica Devergnies-WastraeteEn Lituanie, beaucoup reste à faire en termes d'inclusion. Gays, transgenres, végétaliens et handicapés souffrent encore de nombreuses discriminations. Pour la photographe Arcana Femina et le réalisateur Romas Zabarauskas, c'en est trop. Alors afin d'avertir sur ces inégalités, ils sortent un livre-photo « Friendly Stories », très éclairant.
Viktor et Dennis Klop-Paulikas
Viktor : « J’ai posé une condition à Dennis : si tu m’aimes, alors tu dois accepter la Lituanie avec moi. Je lui ai dit franchement : "S’il m'arrive quelque chose, tu vas devoir t’occuper de mes enfants". Je ne pourrai jamais abandonner ma famille. Cela me briserait le cœur de me séparer d’elle et c'est pourquoi j’ai posé cette condition. Heureusement, Dennis a accepté. ».
Dennis : « J’appréhendais la relation avec l’ex-femme de Viktor et avec les enfants. Mais ses efforts ont porté leurs fruits et petit à petit, nous sommes parvenus à construire une relation d’amitié. »
Viktor et Dennis se sont rencontrés aux Pays-Bas, où Viktor a émigré il y a plusieurs années en quête de meilleures opportunités. À l’époque, ils sont tous les deux mariés, mais au fil du temps, les sentiments sont trop forts, suffisamment pour tout quitter et mener une vie à deux. Très vite, ils se marieront et fêteront l’union avec leurs amis et leur famille en Lituanie. Le pays ne reconnaît pas les mariages homosexuels, raison pour laquelle le couple vit à présent dans une petite ville néerlandaise. Un jour, pense Viktor, « nous serons acceptés ».
Aiste Krušinskaitė
Aiste a toujours voulu vivre près de la mer. Après un violent traumatisme au dos qui l’a clouée dans un fauteuil roulant, elle s'est rendue à Palanga pour suivre une rééducation. Cela n'a cependant jamais empêché la jeune Lituanienne de diversifier ses talents. Aujourd'hui, Aistė est à la tête de sa propre entreprise de création d’accessoires, et habite dans un appartement situé dans les dunes de Šventoji, à l'ouest du pays. Une fois par an, elle joue dans des monologues comiques lors de la nuit de la scène ouverte « Humoro Klubas ». Elle avait l’habitude de monter sur scène plus souvent, mais elle a décidé de réduire la fréquence de ses spectacles pour « ne barber personne ».
« Je pense que la situation va principalement changer au moyen de l’éducation et de la visibilité, et pas par la législation. Les lois sont souvent contournées de façon comique. Un exemple : certaines rampes sont tellement raides… que si vous ne souffriez pas déjà d’un handicap, et bien vous terminerez probablement infirme en tentant la descente. »
Mohamed Zakaria Belmehdi
« Une des choses qui m’a attirée ici, c’est le lituanien. La linguistique m’intéresse et j’ai toujours trouvé la langue lituanienne fascinante. Certains disent que le français est la plus belle langue, mais pour moi le lituanien et les langues slaves sont bien plus jolis. J’ai donc appris la langue lituanienne, et maintenant je voudrais m’installer ici. Ce choix surprend beaucoup de personnes, mais je pense sincèrement que la société lituanienne est très accueillante et ouverte d’esprit. »
Mohamed a d’abord quitté le Maroc, son pays natal, pour des études de commerce à Londres. Après un certain temps, la difficulté de se faire des amis dans la capitale anglaise a raison de lui, le jeune homme décide alors de tout laisser tomber et de déménager à Kaunas pour y étudier les sciences politiques. Mohamed s’est complétement immergé dans le mode de vie lituanien : il s’est épris de la langue, s'adonne aux danses folkloriques et savoure la cuisine traditionnelle du pays. En tant que personne musulmane en Lituanie, il fait l’objet de quelques réactions caricaturales de la part de son entourage. On lui a même demandé si les femmes étaient autorisées à conduire dans son pays d’origine. Mais Mohamed s'en moque. À la fin de la journée, il croit en « l’humanité comme une unité ».
Danilas Pavilionis
Danilas est né dans une petite ville baptisée Ukmergė avant de déménager à Vilnius dès l’âge de 19 ans. Tout en étant un membre actif de la communauté LGBT+ de la ville, il suit également une formation d’infirmier. Transgenre, Danilas a connu différentes épreuves au cours de sa vie. En vrai, il a tout vu : du changement de son nom sur son badge pro à la modification de ses documents officiels. Mais la grande histoire, c'est sa prise d'hormones, dans un pays qui n'avait jamais vraiment connu ça. La plupart des médecins lituanien n'ont jamais fait l'expérience d'une personne transgenre. Malgré les obstacles, Danilas est convaincu que l'ouverture d'esprit dont fait preuve la société fera bien plus que des textes de lois afin d'instaurer la tolérance envers la communauté LGBT+ en Lituanie.
« Si les nouvelles dispositions sont adoptées, je vais avoir un choix difficile à faire. Soit je serai le bénévole qui tente de contribuer encore plus activement et essaie d’apporter des changements, soit je quitterai simplement la Lituanie. Ce n’est pas très drôle de passer sa vie avec des documents qui ne confirment pas ton nom et ton genre actuels. Admettons que je sois médecin et que le nom sur la porte de mon cabinet ne corresponde pas au nom que j’utilise. Ce serait bizarre, non seulement pour moi-même mais aussi pour les patients. »
Mindaugas Baltuška
« J’ai remarqué que les lieux de réunions pour végétaliens en Lituanie sont rarement accessibles aux personnes à mobilité réduite. Nombre de ces évènements ont lieu dans de petites salles ou des sous-sols. C’est dommage, car on pourrait croire que les végétaliens devraient par défaut être des personnes plus ouvertes d‘esprit. J’aimerais que nous comprenions tous la tolérance à une plus grande échelle. On ne devrait pas penser à tolérer un groupe de personnes ou un autre, mais à voir la tolérance comme un principe commun, universel. »
Avant son traumatisme, Mindaugas pratiquait le Parkour. Malgré son handicap, le jeune homme est parvenu à garder la forme, en parcourant à la nage la moitié de la lagune de Kaunas et en effectuant 1000 kilomètres à vélo à travers la Lituanie. Mindaugas est devenu actif dans d’autres domaines. Aujourd’hui, il consacre plus de temps à la peinture, à l’écriture, au bénévolat ainsi qu'à la photographie. Il est aussi devenu végétalien, au grand dam de sa grand-mère.
Oksana Morar
Il y a un an, Oksana est retournée s‘installer en Lituanie après de nombreuses années passées à Londres. Elle a décidé de s‘établir à Palanga, près de la mer Baltique. Il y a sept ans, Oksana s‘est découvert une passion pour la photographie sous-marine. Même si elle n'officie pas dans la mer Baltique en raison de conditions plus difficiles, elle est contente de vivre au bord de l’eau. « Peut-être parce que la mer ne fait pas de discriminations », nous souffle-t-elle. Dans les années à venir, Oksana espère contribuer davantage aux droits de la communauté LGBT+ en Lituanie.
« La relation qui m‘a amenée à Londres s‘est terminée au bout de six ans. Mais nous sommes toujours amies. Après mon divorce, ma sœur m’a dit : "Je suis désolée que vous divorciez, mais elle fait partie de notre famille à présent, alors nous continuerons à nous parler". Et cela continue en effet. Cela fait déjà 12 ans que nous nous sommes séparées, mais il nous arrive encore parfois de passer les fêtes ensemble avec nos familles respectives. »
La publication « Friendly Stories » fait partie de l'initiative « Friendly City » (« Ville sympa »). En plus de la 6e édition de la carte FRIENDLY CITY de la communauté LGBT+ et d’autres lieux de réunions « friendly », le livre-photo « Friendly Stories » a été publié et gratuitement distribué à tous les lieux de réunions « friendly » à Vilnius et à Kaunas. Vous pouvez tous les trouver sur le site : http://www.friendlycity.info.
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Translated from Lithuania: One step closer to an inclusive society