L’Europe s’enlise dans la guerre civile syrienne, davantage d’actes terroristes et une crise des réfugiés de plus grande ampleur nous attendent
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ALEXANDRA BORRALes pays européens ont renforcé récemment leur engagement dans la guerre civile syrienne. Dans quoi se sont-ils vraiment embarqués et quelles seront, en fin de compte, les conséquences pour l’Europe ?
La semaine dernière, j’étais à l’extérieur des Chambres du Parlement, la nuit précédant le débat qui allait avoir lieu à la chambre des Communes, au sujet de la motion du gouvernement britannique sur l’intervention en Syrie, dont la question principale et controversée, était l’intensification des frappes en Irak et en Syrie.
Les militants de l’association « Stop the War Coalition » étaient présents, en masse, pour protester contre la perspective de la Grande-Bretagne de bombarder la Syrie. Ce débat devait apporter une réponse à l’appel lancé par les alliés français-suite aux attaques tragiques du 13 novembre à Paris- de se joindre à eux dans les efforts qu'ils déploient pour frapper l’organisation terroriste EIIS ("l'Etat islamique en Irak et en Syrie"), qui est également appelée « le soi-disant État islamique » par la BBC, ou encore désignée par l'acronyme arabe Daech.
Finalement, après un long débat et le formidable discours final prononcé par Hilary Benn, Secrétaire d'État des Affaires étrangères du cabinet fantôme, les députés ont voté pour la motion. La Grande-Bretagne a donc répondu à l’appel de la France, en envoyant 16 avions de chasse supplémentaires, pour rejoindre la flotte de l’armée de l’Air, qui a auparavant, déjà bombardé Daech en Irak.
Vendredi 4 décembre, le parlement allemand a, lui aussi, voté en faveur d’une participation à la campagne de bombardement, et, dans un élan de solidarité, a même prévu d’envoyer du personnel militaire sur le terrain, ce qui démontre leur sincère volonté de joindre leurs efforts à ceux de la France.
La Belgique ainsi que le Danemark se sont déjà engagés dans la coalition pour lutter contre Daesh. Le conflit dans lequel l’Europe s’est impliquée au Moyen-Orient a de nombreuses répercutions. En outre, le problème réside dans le fait qu’il y a de nombreux non-dits, dont la responsabilité incombe à l’Europe.
Un des problèmes majeurs qui se présente pour l’Europe à cause de la guerre civile en Syrie, est le nombre croissant de personnes qui fuient leurs pays, ce qui engendra donc une augmentation des demandes d’asile. Au nom de la responsabilité de l’Europe, l’Allemagne est, pour l’heure, le pays qui paie le plus lourd tribut en matière d’accueil des réfugiés. Et d’ailleurs, cela n’est pas une bonne chose pour la cote de popularité de Merkel car actuellement dans ce pays, des partis eurosceptiques comme Alternative pour l'Allemagne, voient leur influence grandir.
L’autre problème est la menace terroriste émanant de Daesh, qui déclare la guerre à tous ceux qui ne partagent pas la même vision du monde. Créée par l’Arabie Saoudite et le Qatar (qui sont supposés être des alliés de l’occident), l’organisation terroriste est bien organisée et gouverne certaines régions du territoire syrien et irakien, parmi elles, les villes de Raqqa et de Mosul, cette dernière comptant 1,5 millions d’habitants.
Pour comprendre la décision, prise par les pays de l’UE, d’intensifier les bombardements contre Daesh en Syrie, nous devons la replacer dans le contexte post-attentats du 13 novembre. Cette décision n’a pas beaucoup de sens militairement, car les pays européens ne disposent pas de forces terrestres en nombre suffisant, pour permettre une réelle coordination afin de combattre Daesh. En outre, la coalition, qui n’a pas prévu d’envoyer de nouvelles troupes sur le terrain, va simplement procéder à des frappes aériennes.
La progression des forces armées, pour pouvoir éliminer les bastions de Daesh, sera lente, puisque -comme l’a expliqué le député Barry Gardner lors du débat à la Chambre des Communes- les frappes aériennes ont pour objectif de créer un cadre favorable afin de lancer une offensive terrestre. Si dans la pratique, il n’y a pas de forces terrestres, ce type d’actions aura une portée limitée. N’avoir recours qu’aux frappes aériennes ne sera donc efficace que temporairement.
Il est possible que la coalition affirme avoir neutralisé ou éliminé plusieurs leaders et combattants de Daesh, mais comme les officiels du renseignement américain l’ont évoqué, ce groupe terroriste dispose de plusieurs dirigeants, et a la faculté de se reconstituer, s’il est partiellement détruit, grâce à leur organisation décentralisée.
Par conséquent, les frappes aériennes resteront grandement inefficaces, tant qu’il n’y aura pas de coordination de la part des forces terrestres. Qui plus est, cela pourrait aggraver la situation de l’Europe en favorisant l’exode des réfugiés. Pire encore, davantage de civils innocents risqueraient de perdre la vie dans ce conflit.
Le Royaume-Uni pourrait, visiblement, viser à limiter les pertes civiles, mais étant donné que ces civils, seront des Sunnites- qui, comme l’a fait remarquer le député M. Edward Leigh, pendant le débat à la chambre des Communes- accorderont peut-être leur préférence à Daesh plutôt qu’aux milices Shiites qui sont actuellement au pouvoir. Et ce, même s’ils ne partagent pas les mêmes idées extrémistes que Daesh. Il est cependant probable qu’ils rejoignent les rangs de Daesh s’ils voient que l’Occident les bombarde.
On peut s’attendre à ce que Daesh utilise ces frappes aériennes pour leurs campagnes de propagande, de façon à encourager autant de gens que possible à les rejoindre, pour faire le jihad. Puisque Daesh a pris le contrôle d’une région qui compte une population d’environ 6 millions d’habitants, les conséquences militaires pour, l’Europe d’une part et la région elle-même d’autre part, bien qu’encore inconnues, seront certainement considérables. A l’heure actuelle, environ 9 millions de Syriens ont déjà fui leur pays et actuellement 1,6 millions d’entre eux ont trouvé refuge en Turquie. Ces réfugiés pourraient parfaitement décider de s’établir en Europe, en l’absence d’une issue rapide au conflit.
Afin de gérer la crise des réfugiés, l’Europe a signé un pacte avec la Turquie visant à s’assurer qu’elle ferme ses frontières avec la Syrie, prévoyant l’octroi par l’UE de 3,4 milliards de dollars. Cet argent sera alloué progressivement, et ce, aussi longtemps que la Turquie remplira ses engagements. Bien qu’il y ait le risque que cela paralyse la situation et ainsi fasse perdre du temps, au moins, cela montre la détermination de l’Europe à voir les choses évoluer et attend de la Turquie qu’elle ferme ses frontières. Cet argent sera donc octroyé à bon escient.
Il faut le reconnaître, le choix de la Russie et de l’Iran, pays avec un rôle désormais plus actif dans la région, de soutenir Assad, qui exerce encore un contrôle sur la majeure partie du pays, peut s’avérer utile pour vaincre contre Daesh. Pour le moment, le groupe de combattants, plus connu sous le nom de l’Armée Syrienne Libre , est incapable d’y arriver, de la même manière que les Kurdes en Syrie et au Nord de l’Irak, qui ont à présent le soutien de la coalition, même s’ils sont considérés comme la force terrestre la plus efficace.
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A l’heure actuelle, la Turquie-qui a longtemps espéré faire partie de l’Union Européenne- se sent particulièrement concernée par la problématique kurde, minorité ethnique vivant en Turquie, qui a de nombreux combattants en Syrie (et en Irak), et qui fait partie des Unités de protection du peuple (les YPG). Considérant le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) de Turquie comme un groupe terroriste, la Turquie (et les Etats-Unis) craignent qu’ils acquièrent des armes par le biais des YPG.
L’objectif des Kurdes sur le long terme est d’établir leur propre État, peut-être de la même manière que les Juifs ont réussi à le faire en Israël. Donc, il semblerait que la Turquie ait laissé ouvertes ses frontières avec la Syrie pour permettre à Daesh de lui vendre du pétrole, constituant pour ces derniers, une des sources de financement de leur guerre.
Ce sujet préoccupant a été soulevé par des députés conservateurs « rebelles », tel que, David Davis, lors du débat de la chambre des Communes. En tant que membre de l’OTAN et allié de la coalition occidentale, la Turquie ne devrait pas permettre que de tels faits se produisent. Cependant, la Turquie considère peut-être les Kurdes comme une plus grande menace sur le court terme que ne l’est Daesh, un point également évoqué par l’ancien leader du SNP, Alex Salmond, lors de ce débat à la chambre des Communes.
En dernier lieu, il est reconnu que Daesh ne peut pas gagner la bataille. Il est probable, que ce soit les Kurdes qui puissent vaincre Daesh, dans l’éventualité d’un renversement du régime d’Assad, et si les représentants kurdes savent tirer leur épingle du jeu lors des discussions diplomatiques, comme par exemple, lors des pourparlers de Vienne. Suivant la direction que va prendre la guerre entre l’armée syrienne libre, les Kurdes, et Assad, la Turquie pourrait fermer les yeux sur les combattants de Daesh qui traversent ses frontières, à moins que l’Europe ne se décide à entreprendre une action diplomatique vigoureuse.
Plus le combat sera long pour éliminer Daesh, plus les réfugiés seront nombreux à venir en Europe, et plus la menace terroriste sera importante. Tout laisse à penser, que les gouvernements occidentaux adopteront en conséquence, des lois qui réduiront nos libertés civiles au nom de la sécurité nationale.
Translated from Europe and the Syrian civil war: Greater crises await