Les couacs de la « nouvelle Europe »
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Prune AntoineAbstention record aux élections parlementaires européennes et score remarquable des partis populistes. Au sein même des 10 nouveaux pays de l’Union. Mais qu’est ce qui ne va pas au juste dans la « jeune Europe »?
Un mois pile après avoir rejoint les 25, les nouveaux Etats-membres semblent tourner le dos au projet communautaire. Preuves à l’appui : les cinq pays avec le plus faible taux de participation aux élections parlementaires européennes de juin 2004 étaient la Slovaquie (17%), la Pologne (20,9%), l’Estonie (27%), la Slovénie (27,6%) et la République Tchèque. Sans compter ceux qui se sont révélés les plus favorables aux formations ouvertement anti-européennes : des mouvements qui ont remporté 30% des voix en Pologne et en Lituanie, 36% en République Tchèque (communistes inclus) et près de 20% en Slovaquie. Pourquoi ?
Las des politiques
Les populations d’Europe centrale sont lasses des politiques en général. Ils ne croient plus qu’un quelconque changement de gouvernement puisse faire une réelle différence, de ce côté-là leur processus électoral semble vain. Ils sont fatigués des scandales de corruption et du paysage politique, aux personnalités qui ne se renouvellent pas. Ils aspirent au changement que la classe politique a été et parait incapable de leur donner en raison notamment des
bouleversements économiques que ces pays ont et, dans une certaine mesure, sont toujours en train de surmonter. Au fil des années, les gouvernements de droite comme de gauche ont opté pour des mesures identiques, laissant à l’électorat l’impression que quelque soit son choix, il n’aurait finalement aucun impact sur la prise de décision.
Une lassitude qui a conduit à l’émergence de partis populistes, indifféremment de droite ou de gauche, considérant l’avènement de la période post-89 comme fondamentalement mauvaise et désireux de la modifier. Andzej Lepper, leader du mouvement Samoobrona n’hésite ainsi pas à proclamer « Votez pour nous, tous les autres ont déjà eu le pouvoir ». Le matin, il propose de légaliser les unions gays. L’après-midi, il cite le Pape. Il prétend aussi vouloir renégocier le traité d’adhésion à l’Union. Lui, comme les autres, profitent des oreilles rabâchées de citoyens qui, eu égard à leurs propres difficultés économiques, constituent des cibles faciles pour les démagogues de tous poils. D’autres électeurs pensent que les populistes sont semblables aux autres partis politiques : ils mentent. Ceux-là décident de ne pas voter du tout. En Slovaquie, l’abstention a atteint 17%.
Pourquoi ?
Autre motif de cette faible participation : le manque de connaissances des mécanismes de l’Union et du rôle du Parlement. Et aucun responsable n’a jamais tenté d’expliquer à l’opinion pourquoi elle devait aller voter ! Pardonnez moi, Monsieur le Président Kwasniewsky (selon qui la responsabilité de l’abstention incombe au peuple), mais vous ne devriez pas attendre des gens qu’ils votent pour une institution dont ils ne savent rien. Ce ne sont d’ailleurs pas seulement les gens ordinaires qui ignorent tout du Parlement européen. La majorité des candidats parlementaires polonais n’en avaient eux-mêmes pas la moindre idée quand ils appelaient à une « efficace représentation polonaise en Europe ». Les députés communautaires fonctionnent en partis transnationaux et non en équipes nationales.
Pour couronner le tout, la communication autour des élections était difficilement perceptible, la faute aux élections de cet automne (les partis s’économisent pour la campagne à venir). Les candidats et partis en jeu ne sont donc pas parvenus à capter l’intérêt du public. Conséquence ? L’abstention en Pologne a grimpé aux alentours de 20%
Les nouveaux sont-ils eurosceptiques ?
Cela signifie t-il que les Polonais et les autres sont eurosceptiques ? Au premier coup d’œil, l’hypothèse parait plausible : 80% d’entre eux n’ont pas voté. Et ceux qui se sont rendus aux urnes ont plébiscité les partis eurosceptiques. Si l’on prend en compte le désenchantement qui entoure la sphère politique et le manque d’informations sur les institutions communautaires, 20% de participants ne sont néanmoins pas synonymes « d’euro scepticisme. »
N’oublions pas que les politiciens européens n’existent pas (encore) et que chaque élection parlementaire européenne ne fait que refléter le débat politique national. Ainsi, une participation de 20% ne finit par consacrer que les sentiments désillusionnés des polonais vis-à-vis de leur propre gouvernement et non ce qu’ils ressentent pour l’Union.
Dans quelques mois, les élections parlementaires auront lieu en Pologne. Nous verrons bien alors l’abstention et le nombre des voix remportées par les nationalistes.
Publié le 18 juin 2004 dans la rubrique Orient Espresso
Translated from New Europe: What went wrong?