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L'élite Erasmus: étoile montante d'une Europe en crise

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Société

Qu’est-ce qu’une Anglaise grande gueule, une beauté fatale ukrainienne et un Casanova polonais ont en commun ? Ils sont tous membres du réseau régional de la jeunesse (RRJ) de l’assemblée des régions d’Europe. 150 têtes bien pleines qui se réunissent chaque année pour discuter de la manière dont l’Europe peut leur permettre de surmonter le marasme économique. Rencontre.

L’assurance dont fait preuve Charlotte Kudé alors qu’elle adresse son discours de bienvenue aux jeunes européens qui ont pris place dans la grande salle de conférence est presque intimidante. A l’âge où beaucoup d’entre nous en sommes encore à rouler nos cigarettes la mine maussade, cette jeune femme de 18 ans est parvenue à se faire élire présidente d’un réseau de jeunes, représentant 270 régions et 33 pays.

Son auditoire ne vient pas seulement de Milan, Francfort ou Berlin, mais de territoires aussi divers que le Gävleborg en Suède, où l’ensoleillement est faible, l’archipel atlantique des Acores ou encore l’extrémité orientale de Géorgie. Voilà la véritable génération internationale d’Europe : une bande de jeunes gens âgés d’une vingtaine d’années pour qui le fait de prendre le premier avion pour Paris ne pose aucun problème, qui n’est pas plus impressionnée à l’idée de suivre pendant trois jours une conférence entièrement en anglais, la plupart ayant au moins deux langues étrangères en magasin. Cette génération post-Erasmus, sacrifiée par l’avidité de banquiers plus âgés qu’eux, sont plus que jamais prêts à utiliser l’Europe pour reprendre en main leur avenir volé.

« Dans le futur, toutes ces personnes seront en politique »

Chaque nouvelle arrivée est ponctuée par des hurlements de joie et de reconnaissance de la part des autres participants. Cet assortiment varié de jeunes a formé, depuis leur dernière rencontre, il y a un an, un réseau de communication solide. Pléthore de businessmen doucereux guette, comme des requins autour de cet énorme appât que forme cette jeunesse ambitieuse. Ils sont par trop conscients que ce n’est qu’une question de temps avant que ces nouveaux venus qui s’esclaffent encore ne deviennent les futures élites en costume de l’échiquier politique européen.

Mikko Savola est un producteur laitier costaud, âgé de 28 ans, membre du Conseil de la région finlandaise d’Ostrobotnie du Sud. « Dans le futur, toutes ces personnes seront en politique », assure-t-il d’un ton bourru. « C’est comme un tour de chauffe. Les jeunes peuvent atteindre des positions influentes, s’ils travaillent pour cela. Pour ma part, je suis entré dans mon Conseil régional à 19 ans. » Il n’a pas tort : la Lithuanienne Vaida dirige un projet international de rénovation urbaine dans les Etats baltes. Louis, l’adolescent britannique aux cheveux ébouriffés, distribue ses cartes de visites brillantes faisant la promotion de sa boîte de design Web, et lorsque l’on demande combien de participants ont l’intention de créer leur propre entreprise, presque toutes les mains se lèvent autour de la table ronde. « Qui dit différentes régions dit des manières de penser différentes », explique Bart Lever, un géant néerlandais. « Se rencontrer, c’est aussi l’opportunité de trouver des solutions aux problèmes de chacun. »

Si changement il doit y avoir ici, il ne viendra pas d’en haut. Tandis qu’une succession d’associations adressent des discours ennuyeux et répétitifs, enchaînant les formules plates comme « nous devons susciter des opportunités » ou « des solutions doivent être trouvées » (l’altière présidente de l’Assemblée des Régions, Michèle Sabban, contrairement à sa protégée du réseau régional de la jeunesse, en connait un rayon en matière de rhétorique désincarnée), la véritable action se déroulait dans la salle de restauration ou les salons, en dehors de la salle de conférence. Les jeunes participants échangeaient calmement leurs cartes de visites, convenaient de se retrouver, parlaient échanges et partageaient leurs connaissances.

Avec la confiance de ceux qui ont vécu l’expérience Erasmus, ils ne semblent pas se rendre compte que leur aisance dans les relations internationales – domaine dans lequel l’Europe n’a guère brillé historiquement – est pratiquement une seconde nature pour eux. Il ne leur a probablement pas traversé l’esprit que discuter tranquillement dans une langue étrangère avec quelqu’un originaire de l’autre côté du continent, et peut-être convenir d’une courte visite à l’occasion, est quelque chose dont beaucoup de la génération de leurs parents pouvaient à peine imaginer. Alors que le système économique du XXe siècle s’effondre devant nos yeux, ces quelques élites Erasmus prises au hasard montrent que même s’ils n’en sont pas toujours conscients, un horizon tel qu’ils n’ont jamais eu s’ouvre aux Européens du XXIe siècle.

Photos: © AER/Orangelog.eu

Translated from Meet the Erasmus elite: bright stars in a global recession?