Le mur Gordon Brown : les britanniques sont le bâton dans les roues du socialisme européen
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Fernando Navarro SordoLe mur de Berlin est tombé; le mur de Wall Street vient aussi de tomber; mais il reste encore le mur des travaillistes britanniques pour que le parti socialiste européen puisse se présenter comme alternative crédible à la majorité conservatrice qui domine l’Europe
L’absence de Gordon Brown durant Conseil des socialistes européens à Madrid pour la stratégie en vue des élections européennes apparaît comme un mauvais présage pour la famille socialiste. Il n’y aura vraisemblablement pas de candidat alternatif au conservateur Durão Barroso et ce sont les travaillistes britanniques qui en sont la cause.Poul Nyrup Rasmussen est à la hauteur
Si le leadership socialiste et la démocratie européenne ne progressent pas, ce n’est pas faute au président Poul Nyrup Rasmussen d’avoir organisé de manière impeccable le Conseil des socialistes européens à Madrid. Sans fissure apparente, le manifeste électoral des socialistes a été approuvé à l’unanimité. Un spectacle très différent de celui offert par les Libéraux en octobre à Stockholm où le manifeste a été approuvé par une faible majorité de 120 contre 80 voix.
A Madrid, les socialistes européens ont fait une démonstration de force. Avec la crise financière en toile de fond, ils ont organisé pendant quatre jours un évènement politico-pédagogique remarquable, orchestré par le charismatique Rasmussen en présence de Zapatero et des leaders socialistes de toute l’Europe… à l’exception de Gordon Brown. L’ambiance était euphorique parmi les 1400 assistants, sauf dans les rangs britanniques qui se sont contenté de soutenir le PSE du bout des lèvres.Danser avec la plus laide faute de mieux
Certes, les travaillistes britanniques ont approuvé le manifeste-programme du PSE et ses 70 mesures concrètes pour gagner les élections. Mais dans les couloirs c’est un tout autre son de cloche. Ils affirment sans complexe que, pour eux, l’UE ce n’est rien de plus qu’une organisation internationale comme l’OTAN, dénuée de tout projet politique. Ils assurent qu’ils prévoient de mener campagne au Royaume-Uni sur des enjeux nationaux et locaux, à l’inverse de ce qui a été présenté à Madrid par le PSE.
Il s’agit ici d’une attitude aussi provinciale que celle des conservateurs tchèques, italiens ou britanniques. Aussi provinciale que ces Français que les Britanniques critiquent pourtant avec délectation pour leur chauvinisme opiniâtre. Et ils ont le culot d’ajouter qu’en fin de compte cette campagne européenne ce n’est pas pour eux, « better the devil you know ».
No, we can’t avancer avec un autre mur
De fait, il sera difficile de présenter un candidat socialiste pour présider la Commission européenne. Comment assumer le risque que Rasmussen incarne de façon officielle le projet de changement en Europe - même si on répète comme des perroquets le “Yes we can” de Obama – si, au moment de choisir, Gordon Brown se rallie aux libéraux et aux conservateurs pour appuyer Durão Barroso ? Le risque est trop grand. Et malgré leurs appels à la désignation d’un leader des socialistes européens, ni José Sócrates, ni Zapatero, ni Gusenbauer, ni Martine Aubry ne feront un pas en avant pour abattre le troisième mur : le mur Gordon Brown.
Les socialistes affirment que la crise n’est pas cyclique, que c’est plutôt un cataclysme. Ils assurent que le temps des profits privatisés et des pertes nationalisées est révolu. Aubry agite le manifeste socialiste et le définit comme le « patrimoine de ceux qui n’ont pas de patrimoine ». Ils chantent tous en chœur qu’après la chute du mur de Berlin on vit enfin la chute du mur de Wall Street. Mais qui incarnera aux yeux des électeurs le programme des socialistes européens ? La démocratie a toujours exigé trois éléments pour gagner une élection: un programme original, un parti aux rangs bien serrés et un leader charismatique et autonome. Il manque encore aux socialistes européens deux de ces conditions pour gagner les élections en juin 2009.
(Photos: PSE)
Translated from The Gordon Brown wall: a British stone in the shoe of European socialism