Le guide abrasif des manifestations en Slovénie, 2012/2013
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Annick EiseléLa révolution durant son grand tour d'Europe, a atteint la Slovénie. Depuis novembre, un nouveau mouvement social exigeant la démission de l'élite politique slovène a changé dramatiquement le climat politique du pays. La police affirme ne pas avoir utilisé ce niveau de contrôle de la foule depuis l’éclatement de la Yougoslovie en 1991.
Des groupes de jeunes radicaux attaquent la police à coups de pierres tandis que des hélicoptères volent au-dessus d'eux. Du gaz lacrymogène, des bouteilles et des fumigènes ont rempli le ciel et les bennes à ordure brûlent au coin des rues. Tout ça pendant que le peuple sillonne les rues, crie, scande des slogans et se bagarre avec la police. Les officiers semblent incapables de contrôler la foule. Mais où se passe cette scène explosive ? La réponse a de quoi surprendre - : elle se tient au beau milieu d’une campagne verte et tranquille de la côte adriatique.
2013 : l'année de la démocratie
Le gouvernement actuel est « cliniquement mort »
Au cours des derniers mois, des milliers de personnes à travers le pays se sont rassemblées contre les inégalités sociales et la corruption. La culture - de plus en plus répandue - de protestation et de résistance qui se développe depuis le début de la crise de l'euro en 2008 a atteint des coins de l'Europe dont on ne soupçonnait aucune tendance révolutionnaire. La Slovénie était considérée comme une nation stable et un modèle d'intégration (le pays est membre de l’UE depuis en 2004, ndlr). Mais lorsque les manifestations se sont propagées de Maribor à Ljubljana en décembre 2012, cette perception a changé. À travers l'Europe, la frustration à l'encontre des politiciens considérés comme corrompus et éloignés des préoccupations de la population de leurs pays s'accroit à une vitesse folle. En Slovénie, le mécontentement de la jeunesse du pays s'est étendu. Le taux de chômage est passé de 2 à 17,5%, rien qu'en 2012. Pour eux, manifester est donc une nouvelle forme de démocratie.
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Les troubles en Slovénie ont débuté avec l'installation de radars high-tech visant à régulariser les infractions aux codes de la route aux alentours de Maribor. Supporté par 5 millions d'euros d'argent public et géré par une entreprise privée, le projet est censé rapporter des fonds. Les habitants de Maribor n'allaient pas accepter de payer un million d'euros par radar pour qu'une entreprise privée en récolte le bénéfice. Des citoyens désemparés ont détruit 11 radars. Le maire, Franc Kangler, déjà sous le coup de 12 chefs d'accusation pour corruption, a été déclaré ennemi public n°1. Ces manifestations, connu sous le nom du « Troisième Soulèvement de Maribor » se sont étendues à la capitale, Ljubljana. Environ 5 000 manifestants se sont heurtés à la police alors que d’autres ont scandé « voleurs » devant le Parlement.
Dégage, Janez
Le caractère étendue des manifestations est un signe du mécontentement envers la classe politique slovène, maintenant considérée comme illégitime mais aussi envers le chemin toujours plus direct qu’emprunte le pays vers la privatisation et la soumission à l'UE qu'elle soutient. En ce moment le Premier ministre, Janez Jansa et le chef de l'opposition (qui est aussi le maire de la capitale) font tout deux l’objet d'une enquête suite à des accusations de corruption. Beaucoup ont peur que la Slovénie devienne le prochain pays de l'UE contraint de demander une aide financière. Durant les premiers jours des manifestations, Andrej Kurnik, un professeur de la faculté des sciences sociales de l'université de Ljubljana a déclaré que le nombre de manifestants était suffisant pour changer les choses. Après des semaines de mobilisation, il semble avoir raison. Le journal populaire slovène Delo, affirme que le gouvernement actuel est « cliniquement mort ». L'analyste politique Tomas Saunik croit qu'avec ou sans démission officielle, « Janez Jansa tombera ». Cela semble être exactement ce que les participants au mouvement espèrent : « nous voulons le départ de l'élite corrompu en place depuis la chute du communisme », déclare un jeune de 20 ans de Ljubljana.
Les événements en Slovénie inquiètent de nombreuses personnes dans la région, particulièrement au sein de la Croatie voisine. Si ce genre d’évènement peut survenir dans la paisible Slovénie, les chances que cela se propage dans l'ensemble des Balkans de l'Ouest sont très fortes. Des pays comme la Croatie (17.3%) et la Bosnie-Herzegovine (43.3%) ont un taux de chômage identique ou plus élevé que la Slovénie (à 12.2%), et la crise de la zone euro a endommagé leurs économies.
Alors que la Croatie doit rejoindre l'UE en juillet, beaucoup craignent que les problèmes à la périphérie de l'UE puissent se répandre jusque dans son 28ème et plus jeune État membre. En octobre, la première grande manifestation contre l'austérité s'est déroulée en Croatie. Environ 7 000 fonctionnaires ont participé à une manifestation organisée par une union pour protester contre les plans de coupe du budget, et la police même a organisé sa propre manifestation appelant à la fin de l'austérité. Si le nouveau mouvement slovène est capable d'évincer le gouvernement actuel - le gouvernement de coalition est tombé le 23 janvier après que Jansa a refusé de se retirer - cela pourrait donner de l’élan à d'autres citoyens mécontents, ailleurs. Pendant des années, les Européens ont fermé les yeux, tandis que les politiciens se remplissaient les poches d’argent public. Ces protestants affirment leur ras-de-bol devant un système financier qui ne profite qu’aux élites, alors que la majorité des citoyens se trouve dans une situation de plus en plus précaire. Ils tiennent leurs gouvernements responsables. Après tout, le travail d'un politicien est d'organiser la société afin de promouvoir le bien-être de leurs compatriotes. Les citoyens européens sont tout bonnement en train de virer leur classe politique dirigeante.
L'auteure est une chercheuses en sciences-politiques, diplôme d'un master en études d'Europe du centre et du Sud-Est, obtenu à l'UCL, à Londres.
Photos : Une © Protestival official facebook page ; Texte :Jansa (cc) European People's Party - EPP/ flickr
Translated from Rough guide to Slovenian protests, 2012/2013