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Le fabuleux déclin du président du Parlement européen

Published on

Story by

Katha Kloss

Translation by:

Florian Peeters

Politique

[OPINION] La nouvelle a été annoncée officiellement hier matin : Martin Schulz quitte Bruxelles pour revenir à Berlin. Alors c'est ça, le rêve européen ?

Süddeutsche Zeitungce matin : Martin Schulz a mené une carrière qui reflète parfaitement le rêve européen. Un American Dream qui lui est propre, mais au format européen. D'abord alcoolique sans emploi, puis maire, aujourd'hui président du Parlement européen (PE) et peut-être futur chancelier allemand en 2017.

C'est écrit en toutes lettres : Martin Schulz, président du PE depuis 2012, ne se présentera pas pour un prochain mandat. Toujours selon le journal, le membre de la SPD (la gauche en Allemagne, ndlr) serait intéressé par un poste au Bundestag l'année prochaine. D'autres rumeurs prétendent qu'il souhaiterait prendre la relève de l'actuel ministre des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier. Mais par la suite, ses ambitions ne se limiteront sûrement pas au ministère. « Martin #Schulz veut entrer au Bundestag. L'AfD (Alternative für Deutschland, parti eurosceptique allemand) fulmine déjà : un fugitif belge comme chancelier ? », s'amuse @heuteshow, émission de la ZDF, sur Twitter.

Sérieusement ? C'est une grande déception. La vérité, c'est que ce qui pourrait ressembler à une évolution professionnelle constitue, d'un point de vue européen, un véritable revers. Car Martin Schulz, malgré tout ce que l'on peut penser, était une des rares personnes qui parvenait à incarner l'Europe. On parle de quelqu'un qui a su garder son calme malgré des insultes de Berlusconi en pleine séance plénière (l'ancien président du Conseil italien lui avait proposé un rôle de kapo dans un camp de concentration pour un film italien, ndlr), de quelqu'un qui s'est toujours publiquement battu en faveur de l'Europe, qui s'est élevé contre l'irréductible Orbán de Hongrie, qui a expulsé un député grec d'Aube dorée de la salle plénière après que ce dernier a qualifié les Turcs d'animaux, qui a encore et toujours soutenu le droit de regard du Parlement, tout ça pour continuer à diriger le monstre tentaculaire qu'est l'Europe et à le faire sortir tant bien que mal de crises endémiques. Personne n'avait su insuffler autant d'humanité au Parlement européen avant lui. Il est arrivé alors que la crise financière paraissait incontrôlable. Et aujourd'hui, il s'en va. 

En 2010, Daniel Cohn-Bendit, député européen, à Schulz : « Ta gueule ! »

Au revoir, Président

Il faut le dire, Martin Schulz n'a pas choisi la bonne période pour quitter l'Europe. Aujourd'hui, l'ancien libraire a apparemment des ambitions pour la plus haute fonction d'Allemagne, et c'est plutôt déprimant. Surtout en 2016, pendant l'Annus Horribilis. Après le Brexit, le scandale du TTIP et au sein d'une Union plus désunie que jamais dans la gestion de la crise des réfugiés. Pourquoi maintenant alors que l'Europe perd de son éclat et que les sirènes populistes se font entendre de toute part ? Maintenant, alors que l'on a le plus besoin de lui au niveau européen ?  

Lorsque les ragôts pullulaient, le politique soutenait toujours qu'il ne tournerait pas le dos à l'Europe pour remplir une fonction nationale. Aujourd'hui, il déclare qu'être président du Parlement européen est un grand honneur. Martin Schulz a-t-il finalement succombé face à l'Europe, ce « géant enchaîné » ?

Certes, on pourrait penser que Schulz sera bien plus utile à l'Europe en tant que chancelier. Un grand destin l'attend peut-être. Mais on ne nous empêchera pas de penser que les projets du futur ex-président dans l'élite politique allemande ne rappellent pourtant pas un rêve européen, mais plutôt un fabuleux déclin.

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Translated from Martin Schulz: Vom europäischen Traum zur Seifenblase