Le Corps Mince de Françoise: «On aime bien s’en prendre aux bobos»
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Audrey DuquenneCe trio vient d'Helsinki, enregistre à Berlin et est managé au Royaume-Uni. Nous l’avons rencontré à Paris pour disséquer leur périple à travers l’Europe et pour comprendre pourquoi exactement il égratigne autant les garçons et la Finlande, dans des chansons pop expérimentales et criardes.
« On aime Londres, sa culture. On y a fait beaucoup de concerts. On n’a pas de fans là-bas, mais un bon soutien de l’industrie »
« Il y a deux jours, un grand hippie qui était vraiment défoncé et vraiment saoul est monté sur la scène eta commencé à me sauter dessus. Il a complètement gâché la dernière chanson. » Quand Mia, 19 ans, la guitariste du groupe Le Corps Mince De Françoise (LCMDF), se souvient de son pire souvenir sur scène avec un fort accent un peu sec, les autres membres du groupe éclatent de rire. « Je me suis demandée ce que je pouvais bien foutre ici et si ça en valait la peine ! », explique sa grande sœur Emma, 21 ans, la chanteuse, avec un léger zézaiement. Elles ressemblent à n’importe quelles filles au rouge à lèvre rouge et aux vêtements tartan en train de boire un verre à la terrasse de La Maroquinerie. Dans une heure, elles seront sur scène à hurler dans une salle de 500 places, nichée à l’Est de Paris. Sur scène, Emma, Mia et Malin (22 ans), sont bruyantes, flamboyantes, sautillantes et décontractées. Mais pour le moment, elles ont l’air de s’ennuyer comme dans leur entraînant tube bidouillé par ordinateur Cool and Bored, ou encore Bitch of the Bitches, des titres qu’elles prononcent avec un fort accent finlandais. « On joue tous les soirs », nous explique Emma. « On ne se fait des soucis que pour nos voix – des fois j’ai du mal à contrôler la mienne tellement elle part loin. »
Musique de chambre
LCMDF a fait ses débuts dans la chambre d’Emma pendant l’été 2006 pour un projet solo en dehors de l’école. « J’ai mis quelques chansons pop sur MySpace. On avait 17 ans quand on les a écrites, avec beaucoup d’autodérision, une sorte de journal d’Emma M en 2008. Les réactions ont été immédiates, explique-t-elle. J’ai laissé tomber ma deuxième année de design et graphisme à l’Université d’Helsinki parce que le groupe me prenait trop de temps. » Mia a étudié la guitare classique pendant deux ans avant de rejoindre sa sœur lors d’un concert. « C’était la première fois que je jouais de la guitare électrique. Après ça, nous n’avons jamais arrêté de tourner. » Malin, la copine d’Emma, partage le même bagage classique. « Je n’avais jamais joué de synthé car j’ai appris le piano classique pendant 13 ans. Mais je connais Emma depuis la crèche et nous avions déjà eu beaucoup de projets musicaux toutes les deux. »
Emma fuit toute comparaison avec les frasques des Gallagher ou des frères Davies. « On s’entend vraiment bien. C’est sûrement plus ennuyeux de travailler avec ses deux meilleures amies qu’avec ses sœurs », rigole Emma. La mère des Kemppainens dirige un magazine sur la campagne pendant que leur drogué de père hippie (« c’est pour rire », disent-elles), a créé la première émission de radio pour les jeunes en Finlande. « Ils sont tous les deux auteurs, aussi. Papa écrit un roman. » Malin passe sous silence ses parents plus « normaux » - ils sont enseignants. En guise d’anecdote intéressante sur sa famille, elle admet que le nom Le Corps Mince de Françoise est un hommage à son pauvre chat anorexique.
Une fois les chansons de MySpace postées sur des blogs de musique renommés, comme Big Stereo et Discobelle, le groupe signe au Royaume-Uni. « On aime Londres, la culture, nous dit Emma. On y a fait beaucoup de concerts. On n’a pas de fans là-bas, mais un bon soutien de l’industrie. » En tant que principale auteur, Emma travaille avec un producteur à Berlin, où elle a déménagé en janvier. « On va beaucoup tourner donc je vais rester à Helsinki un an ou deux pour être avec mes amis, se dit Mia. C’est comme des vacances quand tu es partie si longtemps. » « Je me sens vraiment bien à Helsinki », ajoute Malin. « Mais Berlin est tellement moins cher », réplique Emma. « J’ai payé des loyers là-bas, mais je n’y suis jamais. Helsinki est vraiment au nord, vraiment petite, aussi cher que Paris, mais on y beaucoup moins de choses pour le même prix. »
En Finlande, point de musique
Maintenant, les Finlandais voient « Le Korrps Mince de Frankoisy » sur des chaînes de télé locales, des couvertures de magazines et dans des « lieux choisis » d’Helsinki. Le groupe en est arrivé là en rejetant les plus petites maisons de disques et en se lançant dans le « e-network » mondial. « Il n’y a pas d’industrie musicale en Finlande, regrette Emma, ou c’est très petit, tout le monde se connaît contrairement à la Suède, où c’est plutôt massif. La Finlande produit beaucoup de musique ‘heavy’ ou ‘emo’. Je pense que nous sommes le premier groupe électro pop à chanter en anglais », dit-elle avec son accent finlandais. « Au début les gens étaient vraiment désarçonnés. »
« Il n’y a pas d’industrie musicale en Finlande. Soitc’est très petit, tout le monde se connaît contrairement à la Suède, soit c’est plutôt massif »
Ce n’est pas que les portes ne s’ouvrent pas aux jeunes. « Personne ne fait rien », rectifie Emma en haussant les épaules. « La culture finlandaise, c’est de se cacher et de ne rien montrer de ce que vous faîtes avant que ça soit parfait. La démo de mon groupe de garage était complètement publique ; c’est pour ça que personne en Finlande n’en voyait le potentiel. Il y a beaucoup de jalousie. Certains me demandent comment c’est possible. ‘Oh mon dieu, vous devez être une professionnelle !’ Mais je suis juste une fille ! Il y a quand même un forum finlandais sur Internet qui a pris beaucoup d’ampleur, avec beaucoup de jeunes de la campagne ! Certains nous trouvent gênantes, tellement dépassées, mais au moins quelqu’un fait quelque chose. Je suis presque en train d’écrire l’histoire musicale de la Finlande en ce moment. » Leurs fans sont généralement « des femmes de 16-25 ans et des hommes de 25-35 ans à peu près dans tous les concerts. Les filles au premier rang, les mecs à l’arrière. Il y a quelque chose en nous qui fait qu’on croise beaucoup d’originaux, j’adore ça. »
Leur prochain album restera pop mais sera plus expérimental. Vont-elles conserver leurs chansons anti-hommes comme Ray Ban Glasses, qui a effrayé les journalistes masculins de The Guardian ? (« Je ne sortirai pas avec un mec s’il porte encore des lunettes Ray Ban »). « On s’en prend aux bobos et à nous-mêmes en même temps », nous explique Emma, des Ray Ban sur le nez. « On se dit ok, on s’en branle de dire qu’on est à la mode, on chante juste sur ce qu’on est. Des gens qui jouent de la musique. J’en ai marre du blabla féministe. Les gens nous mettent dans des catégories auxquelles on ne veut pas appartenir. Et il y a tellement de mecs qui écrivent des paroles comme ‘shake that booty’ [« remue ces fesses »] », dit Emma en riant. « Dès que vous jouez avec les mots sur les mecs, les gens font ‘haha’ d’un air choqué ! » Elles, ajouteraient sûrement un « ha ha I don’t wear a bra-hah » [« haha je ne porte pas de soutif »] en grognant, à l’image d’un autre de leurs fameux textes.
Le corps mince de Françoise - le 3 novembre 2009 lors du Festival Inrocks de Paris à la Boule noire et le 14 novembre 2009 au Cargo de Caen.
Translated from Le Corps Mince de Francoise: 'fuck off saying we’re trendy. We sing about what we are'