La bombe à retardement des retraites
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Fernando GarciaMenacés d'implosion, les régimes européens de retraite ne paraissent plus être en mesure d'assurer aux générations présentes et futures des revenus décents. Confrontés à cette crise, les gouvernements portugais, polonais et allemand ont décidé de réagir.
Il semblerait que les actuels systèmes de retraite, fondés sur un idéal de croissance de l'économie et du niveau de vie de la population n'aient plus les reins assez solides pour faire face à la dure réalité d'une situation démographique marquée par la réduction des naissances et l'allongement de l'espérance de vie. Certains Etats membres de l'Union européenne, conscients de l'urgence de la situation, ont décidé de prendre le taureau par les cornes. Ces efforts suffiront-ils pour autant à financer les retraites des actifs d'aujourd'hui et de demain ? Il est encore trop tôt pour le dire. Une chose est certaine : la pilule sera sans doute amère.
De douloureuses réformes au Portugal
La gauche portugaise avait fait de la réforme des retraites son cheval de bataille lors de la campagne électorale de 2005. En mai dernier, à peine un peu plus d'un an après avoir remporté les législatives, le gouvernement socialiste a annoncé l'adoption de mesures visant à assainir un système touché par un déficit public considérable. L'âge du départ à la retraite des fonctionnaires s'est aligné sur celui du secteur privé, passant de 60 à 65 ans. Les retraités se verront en outre davantage imposés.
Les toutes dernières dispositions débattues devraient être définitivement votées dans le courant de l'été. Pour le Premier ministre portugais, José Socrates, il s'agit du paquet de mesures « le plus ambitieux mais aussi le plus exhaustif mis en place jusqu'ici en Europe ». Toujours dans l'optique d'enrayer la crise des retraites, les salariés pourront choisir de continuer à travailler au-delà de l'âge légal ou d'augmenter le montant de leurs cotisations vieillesse. Le Portugal deviendra ainsi le premier pays européen à « considérer les pensions de retraites comme un moyen possible d'influer sur sa politique de fécondité par le biais d'une réduction des cotisations pour les parents de famille nombreuses ».
C'est que le Portugal n'a pas d'autre choix que de mener une politique extrêmement rigoureuse en matière de dépenses publiques. « C'est maintenant que nous devons agir », a déclaré Socrates, lors de l'annonce par le gouvernement des réformes envisagées. Car « toute hésitation dans la conduite à tenir entraînera inévitablement une aggravation du déficit budgétaire ».
Le modèle des trois piliers
C'est pour se garantir d'une telle crise que la Pologne a procédé à une refonte majeure de l'ensemble de son dispositif de retraite en 1999, abandonnant l'ancien système de prélèvement des cotisations à la source au profit d'un modèle à « piliers multiples » dont la philosophie est exprimée par le slogan « la sécurité par la diversité ». La réforme du régime de l'assurance vieillesse s'est traduite par l'adoption de la théorie des trois piliers préconisés par la Banque mondiale. Le premier repose sur le principe de solidarité et de répartition assuré par l'Etat, le second sur des mécanismes obligatoires de capitalisation et le troisième sur des régimes complémentaires facultatifs. Le second, basé sur la création de fonds de pension privés et de plans individuels de retraite, met l'accent sur la responsabilité de chacun de se constituer une épargne personnelle.
Certains analystes ont salué cette volonté d'individualisation des droits à la retraite, applaudissant « l'indéniable succès » polonais. Soulignant que « ces mesures ont permis d'établir un lien clair et direct entre cotisations et prestations vieillesse », le Centre International de réforme des retraites ajoute que « d'un point de vue politique, c'était certainement ce qu'il y avait de plus judicieux à faire en l'état actuel des choses ». Seul bémol, ces réformes ont entravé le processus de préparation de la Pologne à son adhésion à l'Union européenne. En effet, les coûts élevés engendrés par l'adoption d'un nouveau modèle ont lourdement pesé sur les contraintes budgétaires imposées par les instances européennes comme critère d'accession.
Chronique d'un naufrage annoncé
Après avoir suivi l'exemple de la Pologne en adoptant le fameux modèle à trois piliers puis introduit la « Riester-Rente » en 2001 (une sorte d'assurance prévoyance vieillesse complémentaire supportée par l'Etat), le gouvernement Schröder a retravaillé sa copie en votant en 2004 la loi Rürup visant à combler les lacunes subsistantes. Cette seconde vague de réformes s'articule autour de deux mesures principales : d'un côté une réduction du montant retraite en vue de garantir la viabilité du régime, de l'autre une augmentation de l'imposition sur l'ensemble des revenus que touchent les salariés à l'heure de la retraite. Angela Merkel parviendra t-elle à sauver le système ?
Plusieurs facteurs sont à l'origine de la crise allemande : le taux de chômage élevé, les bouleversements démographiques importants et la faible croissance économique. Sans oublier le coût de la réunification des deux Allemagne et le défi budgétaire représenté par l'intégration des citoyens de la RDA au système de retraite de la RFA au lendemain de la chute du mur. Il est d'autant plus difficile d'apporter des solutions que le régime actuel de l'Allemagne compte parmi les plus prodigues d'Europe.
Comme au Portugal, « le problème des retraites se pose surtout en termes idéologiques ». Le système politique allemand est d’abord entièrement fondé sur le principe du consensus. Or le déploiement et la mise en application des différentes dispositions sous-entendent l'implication d'un certain nombre d'intervenants. D'autre part, le gouvernement espère pouvoir continuer à assurer un certain niveau de vie aux personnes en âge d'arrêter de travailler.
Grignoter les retraites des jeunes
Mais à ces considérations d'ordre social vient se greffer un dernier élément, peut être le plus délicat, qui ajoute à la complexité de la remise en cause de tout un canevas. « Sous un égalitarisme apparent, les différents régimes européens sont en fait d'une injustice flagrante envers des millions de citoyens. Les jeunes salariés sont condamnés à cotiser toujours plus pour supporter les pensions de leurs aînés et à toucher des revenus bien dérisoires quand viendra leur tour d'arrêter de travailler ». Tel est l'accablant constat de l'économiste libéral et ancien ministre chilien José Piñera, initiateur de la privatisation du régime de retraite dans son pays et conseiller auprès de nombreux gouvernements. La jeunesse européenne ne semble pas vraiment réaliser ce qui l'attend et déjà ses dirigeants la dépouillent allègrement, puisant dans son épargne vieillesse pour enrayer la crise actuelle.
Copyrights : Annisa Thompson (Portugal),Gary Cattell (Pologne), pixelquelle.de (Allemagne).
Translated from The pensions time bomb