La Bavière cajole sa communauté juive
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pauline fréourInaugurée le 9 novembre, la nouvelle synagogue de Munich a repris possession du cœur de la ville.
Le Théâtre national planté sur la Gärtnerplatz, est une imposante construction du XIXeme siècle qui semble régner sur un îlot de fleurs et de gazon lustré. Le contraste avec la vétuste synagogue, à la façade sale et vieillie, n’en est que plus saisissant.
Flanquée d’un centre culturel, la nouvelle synagogue ‘Ohel Jacob’ de la capitale bavaroise, inauguré sur la Jakobsplatz, va conférer à la communauté juive munichoise une visibilité et une légitimité accrue. Une révolution pour les quelque 9 000 juifs de la ville qui ne seront plus contraints de pratiquer leur culte à l’écart du reste de la population, dans des locaux vétustes.
Retour symbolique
Ellen Presser est la directrice du nouveau Centre pour la communauté juive, inauguré en même temps que la synagogue. Installée dans un petit café kasher, proche de la Gärtnerplatz, elle explique que ces nouveaux bâtiments représentent, pour la communauté juive de la ville, un retour au cœur de Munich. A la fois géographique et symbolique.
« Douze années de nazisme ont détruit toutes les structures de notre culte. Après la Deuxième Guerre mondiale, il ne restait qu’un bâtiment encore debout : l’actuelle synagogue de Reichenbachstrasse. Et encore…sa survie est uniquement due au fait qu’elle était située au fond d’une cour, dissuadant les nazis de la raser à moins de vouloir détruire aussi les bâtiments environnants ». Pour Presser, cette nouvelle synagogue va « faire revenir la communauté dans le centre ville, où elle se trouvait avant l’été 1938. Cette année-là, Hitler a ordonné la destruction de la synagogue d’alors. Les autres lieux de culte furent rasés pendant la ‘Nuit de cristal’, le 9 novembre de la même année. »
Depuis la fin de la période nazie, la communauté juive de Munich n’a cessé d’augmenter jusqu’à atteindre 4 000 fidèles à la fin des années 1980. A la chute du communisme, l’arrivée d’immigrés en provenance d’Europe de l’Est a plus que doublé cette population, évaluée aujourd’hui à près de 9 000 personnes.
Menace néo-nazie
Le retour des juifs au cœur de la ville n’a pourtant été ni rapide, ni évident. Et la communauté religieuse ne n’est toujours pas vraiment intégrée aux autochtones. Des membres d’un groupuscule d’extrême droite ont même été arrêtés en novembre 2003 : ils prévoyaient de faire exploser une bombe durant la cérémonie de lancement des travaux du futur centre culturel juif.
En mai 2005, certains ont été condamnés à des peines de 2 à 7 ans de prison. « Ca a été un choc, » reconnaît Presser. « Et pas seulement pour la communauté juive. Beaucoup de personnes se sont alors rendu compte de la réalité de la menace ».
Aux dernières élections régionales de septembre 2006, le parti d'extrême droite allemand NPD a ainsi progressé dans certains Länder d’Allemagne de l’Est, une région actuellement en prise à des difficultés économiques. « On ne peut pas faire abstraction du fait que le NPD est désormais non seulement autorisé à parler haut et fort, mais aussi à décider de la façon dont les Länder et le gouvernement fonctionnent. C’est effrayant. Ces gens sont prêts à se servir de la démocratie pour atteindre leurs buts ».
En 2005, la polie allemande a enregistré 6 606 crimes et délits attribués à l’extrême droite. Un chiffre qui a grimpé à 8 000 pour les huit premiers mois de l’année 2006. Charlotte Knobloch, présidente du Conseil central des juifs allemands, estimait le 24 octobre dernier que « les attaques antisémites sont de plus en plus agressives et ostentatoires, à l’instar de l’année 1933 », celle où les nazis ont pris le pouvoir en Allemagne.
Munich, havre de tolérance
Ellen Presser estime toutefois que le cas de Munich est différent. « Je pense qu’il existe une différence entre le Nord et le Sud de l’Allemagne. La municipalité de Munich est socialiste, mais le Land de Bavière reste très conservateur. Conséquence : la ‘droite de la droite’ y est relativement faible. Néanmoins, on ne peut ignorer cette tentative d’attentat à la bombe perpétrée par des néo-nazis– et visant des juifs mais aussi un grand nombre de figures politiques allemandes qui assistaient à cette cérémonie ».
Le complot a-t-il remis en question la construction d’une synagogue aussi « visible », au milieu de la ville ? « La paix est possible », s’exclame Ellen, qui refuse qu’une partie de la population munichoise, installée et bien intégrée, doive se cacher en périphérie. « La minorité juive et le reste de la population partagent beaucoup de choses, » constate-t-elle. « Aux XVIème et XVIIème siècles, les juifs vivaient dans des ghettos. Cette époque appartient au passé. Beaucoup de gens de confession différente, fréquentent par exemple cet endroit, et certains ne remarquent même pas que c’est un établissement juif. Il ressemble à n’importe quel autre café. Nous sommes plus sereins aujourd’hui et nous cherchons à nouer de véritables liens, ici, à Munich. »
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