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Kristin Trosits: « Les gens ont besoin de théâtre et le théâtre a besoin d'eux »

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elisabette

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Journée venteuse dans une Cologne quasi printanière. Je fais quelques pas dans le centre, en compagnie de Kristin Trosits ; nous nous dirigeons tout d’abord vers la merveilleuse cathédrale, symbole de la ville, puis au sein du Musée Ludwig et finalement sur les rives du Rhin, artère de cette grande ville et de toute la région.

Quand je demande à Kristin de se décrire, elle sourit et en regardant le fleuve, me dit : « Metteur en scène, une jeune metteur en scène ». Pas la peine d'en dire plus, le théâtre est sa vie. 

Talent précoce

Elle a débuté très jeune, à Löbau, sa ville natale, dans les environs de Dresde, en Allemagne de l’Est. Elle n’avait pas même 10 ans. Soutenue par de bons enseignants et par un excellent mentor, elle a commencé à jouer sur scène et à cultiver son plus grand hobby. « J’étais jeune, mais j’agissais comme une vraie professionnelle. »

Agée de 20 ans, elle fait le grand saut vers l’Ouest, à Cologne, une ville à la vie artistique et théâtrale très riche. « Un choix simple » selon elle : « J’adore voyager et à Cologne, c’était bien plus facile. J’aime Paris et d’ici je pouvais m’y rendre aisément. La dernière raison, mais qui n’était pas la moindre, était que je voulais m’échapper et vivre dans une ville plus ouverte, où je pouvais facilement trouver ce dont j’avais besoin. » Cologne est l’un des centres médiatiques et télévisuels de l’Allemagne, l’idéal pour son parcours d’études. Elle a ainsi pu faire la connaissance de membres de la profession et finalement rejoindre la chaîne de télévision WDR pour sa première grande expérience professionnelle. La transition entre le métier d'acteur et celui de metteur en scène a été presque immédiate. Elle commence en dirigeant Momo de Ende, un projet intergénérationnel avec des acteurs âgés de 12 à 70 ans.

« Enseigner est une manière d'apprendre »

En 2008, la jeune auteure commence à travailler sur d'autres projets, notamment plus pédagogiques, en collaborant avec l’école de théâtre THEAS, située à quelques kilomètres de Cologne, à Bergisch Gladbach. « Mon envie de vivre le théâtre et de m’amuser est une occasion pédagogique pour entrer dans ce monde et tous peuvent collaborer, en apprenant quelque chose. » C’est pour cela que Kristin a commencé à enseigner le théâtre, aux jeunes et aux moins jeunes : « Enseigner est une manière d’apprendre, de partager et de rêver ». Onze jeunes artistes, entre 12 et 18 ans, provenant de différentes écoles et formations, ont été sélectionnés pour créer le Junges Ensemble (Jeune Ensemble). Kristin y voit « un groupe uni. Notre philosophie est de travailler ensemble. » Ces jeunes talents ont dû écrire les pièces, travailler les caractères des différents personnages et concevoir la pièce dans sa totalité. « Ensemble, ils ont réussi à tout préparer, jusqu'aux plus petits détails. »

Besetzt (occupé, septembre 2009) fut un succès : « Ils ont donné le meilleur d’eux-mêmes pour transmettre le message. » Le projet est parti d’une recherche détaillée et minutieuse qui a porté ses fruits. Faisant écho au premier, ont suivi Leben Lassen (Laisser vivre - avril 2010) sur la violence à l’école, et Füße Hoch (Pieds en l'air – décembre 2010), une introspection de la jeunesse à la recherche de son identité et du sens de la vie.

Paris, Lisbonne, étapes vers la consécration

« L’expérience acquise en Allemagne ne me suffisait plus et je devais partir. » Son grand rêve est et restera Paris. Berlin serait une alternative, avant tout pour reprendre des études de direction artistique. Parisiano-centriste ? « D’autres pays m’attirent... l’Italie, Londres, New York, ou encore Vienne. » A l’origine, Kristin s’était installée pour une période d’environ un an, dans l’une des capitales mondiales du théâtre, Paris, où elle a pu étudier le français. Puis, elle est partie en 2007 pour Lisbonne où elle a terminé ses études en Communication et Média et a eu un premier contact avec le Théâtre National São Carlos. Grâce à cette aventure, elle est retournée dans la capitale portugaise pendant le premier semestre 2010, et a réalisé un de ses plus grands rêves: participer à la réalisation d’Eugène Onéguine de Tchaïkovski, comme assistante à la direction... A seulement 24 ans. « Voir mon nom sur ces livrets m’a fait pleurer, je me suis réellement sentie différente. »

« No money, no culture... »

« Même dans les périodes les plus dures, quand la situation n’est pas des meilleures, il est possible de lutter pour la culture, pour réaliser quelque chose et transmettre un message», commente la jeune metteur en scène. « Je n’ai pas peur ! poursuit-elle. J’ai progressé seule et il est toujours plus difficile de lancer des projets et de trouver les fonds pour les financer». Parfois, l’argent gagné ne suffit pas à compenser les dépenses effectuées. L’activité théâtrale représente des coût très importants. Les éclairages et la scène, les acteurs et la direction perçoivent tous un pourcentage derrière la représentation d’une pièce. Si l’absence de fonds va jusqu'à handicaper les grands théâtres de l'opéra, comme cela est arrivé au Thalia Theater de Halle, également en Allemagne, inutile de songer à la réalité financière des petits théâtres. « Plus aucun ne se créerait, le monde du théâtre deviendrait apathique! ». Cependant, il n’en est pas ainsi, explique Kristin, l’envie de lutter et de produire de l’art rend chaque petite pièce plus intéressante, plus travaillée. « No money, no culture... », ajoute-t-elle, et elle regarde en souriant le Rhin à sa gauche.

Reste que Kristin est jeune et n’en tient pas compte, le théâtre est son champ de bataille : « Les gens ont besoin du théâtre et le théâtre a besoin des gens. Que ce soit pour une scène d’opéra ou une petite salle de province, je donnerai ma vie ! »

Photos : courtoisie du ©Théâtre Theas

Translated from Kristin Trosits: «Per il teatro darò la vita!»