Kosovo : une terre d'opportunités pour les jeunes Kosovars
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jonathan B.Indépendant depuis trois ans, le Kosovo fait ses comptes, entre promesses manquées et frustrations des jeunes revenus au pays. « Après dix années d’aide humanitaire abondante, il n’y a plus eu aucune poussée économique dans le pays », mais plutôt une augmentation de la corruption. Toutefois, les personnes motivées sont toujours présentes.
Une nouvelle classe dirigeante est en train d’émerger au Kosovo. Mais elle risque d’être étouffée par la lenteur et la corruption d’un pays qui n’a pas tenu, jusqu’à présent, ses promesses envers les jeunes. « C’est une élite, ils ne représentent pas le pays mais une contre-tendance. Ils sont revenus pour changer les choses », explique Agron Bajrami, rédacteur en chef de Koha Ditore, premier quotidien du pays. Voltairiens ? Naïfs ? Accrochés aux réseaux sociaux comme les carbonari à leurs pamphlets au XIXe siècle ? Peut-être, ou alors la nouvelle classe éclairée qui transformera le pays, d’un état d’apathie corrompue à l’intégration européenne.
Un pays d'opportunité
Ils ne se reconnaissent pas dans Vetevendosje!, l'ancien mouvement critique d’extrême gauche favorable à l’autodétermination du peuple kosovar, aujourd’hui troisième force politique du pays, situé dans l’opposition. Ni dans la vieille garde réhabilitée au sein des structures gouvernementales. Kosovars d’origine albanaise pour la plupart, ils cherchent le dialogue avec la partie serbe. Instruits et tournés vers l’Europe, ils ont à cœur de modifier leurs positions sociales et professionnelles. Ayant voyagé et étudié à l’étranger, cette génération cosmopolite analyse l’isolement des jeunes serbes comme un obstacle à l’existence d’un Etat de droit et à son développement démocratique. Qu'ils reviennent d’Allemagne, de Suisse, d’Angleterre ou des Etats-Unis d’Amérique, ils retournent tous dans un pays embourbé. Mais pour eux, c’est une terre d'opportunités.
Kosovo, un pays à deux vitesses
« Actuellement, une partie importante de la jeunessea déjà perdu cette vision d’un Kosovo comme terre d’opportunité », tempère l’ambassadeur italien au Kosovo, Michael Giffoni. L’optimisme, fort au moment de l’indépendance, diminue aussi vite que se développe la crise économique interne. « La situation risque de se transformer en bombe à retardement », s'inquiète le diplomate.
Ceux qui reviennent au pays sont frais et enthousiastes, et ramènent avec eux un savoir-faire novateur. Ils sont disposés à réagir, explique Arben Avdiu. Le jeune homme est de retour d’Arizona, aux Etats-Unis, où il était consultant en comptabilité financière. « Je suis revenu voici deux ans, après l’indépendance. Bien qu’ici, dans mon domaine, je ne puisse pas faire grand-chose, je me suis retroussé les manches et avec trois associés nous nous sommes lancé dans l’agriculture. » L’idée est simple : dépasser le concept d’agriculture familiale, jusqu’à aujourd’hui le seul mode d’exploitation de la terre au Kosovo. « Le terrain est bon et le climat favorable. J’ai l’intention d’implanter mon business ici, et je n’en repartirai pas », assure t-il.
Corruption et esprit d'entreprise
Et la corruption ? Elle est palpable. Toutefois, les jeunes n’en parlent pas facilement. Ils évitent la question comme la peste. C'est une chose que nous devons accepter pour le moment, disent-ils. Mais parfois, payer le pizzo (l’impôt mafieux) n’est plus supportable. Ainsi, de nombreux jeunes travailleurs autonomes se résignent à abandonner leurs projets d’entreprises.
Il est toujours possible de trouver des échappatoires pour réussir ses projets. Ainsi, Bujar Nracaj, jeune architecte qui avait immigré en Suisse dans les années 90 pour y finir ses études, est revenu avec une idée : la Bunateka, une bibliothèque installée dans les cours des écoles où les enfants peuvent s’amuser en apprenant. Comment éliminer le problème de la corruption des appels d’offres ? « Le gouvernement norvégien qui a cru en moi a déjà financé la réalisation de Bunateke dans sept écoles ».
Bujar n’est pas le seul « illuminé » à s’être opposé au pizzo. Le grand mémorial de Prekaz, construit en souvenir des 59 victimes assiégées pendant trois jours et massacrées lors d’une attaque serbe en 1999, a été fortement souhaité par la communauté locale et a été réalisé sous l’impulsion d’un des survivants de la famille : Murat Jashari, aujourd’hui leader charismatique du Kosovo. Le projet a été approuvé avec une clause bien précise : des appels d’offres transparents. L’idée de base était de créer une fondation avec principalement des financements étrangers. Le gouvernement a voulu participer, mais la famille Jashari a posé la condition de la transparence quant à l’origine des fonds. Aujourd’hui, le mausolée de Prekaz est amené à devenir l’un des lieux de pèlerinage parmi les plus importants au Kosovo. Avec ses 59 cercueils disposés sur un sol en marbre de Carrare.
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A côté des jeunes Kosovars de retour au pays, on trouve des étrangers qui ne veulent pas le quitter. Sarah Wischmann a laissée son pays pour s'installer à Pristina. Amoureuse d’un Albanais-Kosovar et « de la bonté et de l’orgueil du peuple balkanique », cette jeune allemande n’a pas réfléchie deux fois quand, voici deux ans, elle a décidée de venir vivre au cœur de l’ex-Yougoslavie, où elle travaille sur le projet Kosovo 2.0, avec le jeune entrepreneur Ardit Bejko.
Des jeunes bloqués par un visa ?
La cocotte chauffe sous le couvercle de l’apathie. Que se passera-t-il quand les citoyens du dernier né des Etats balkaniques obtiendront un visa pour voyager ? Assistera-t-on à une nouvelle diaspora vers les pays plus émancipés ? Non, il n’y aura aucune fuite des cerveaux ou de main d’œuvre, affirme Njomsa. A 30 ans, après une vie passé à l’étranger, entre l’Albanie, l’Allemagne, la Libye et la Russie, ce psychologue est revenu au Kosovo pour développer son activité. « Ce pays, explique-t-il, est une vrai terre d’opportunités. Certes, le visa aura une fonction positive au niveau psychologique : il permettra de voyager plus librement, de s’instruire, de connaître de nouvelles cultures, de se sentir intégré à la communauté internationale et de dépasser ce complexe d’enfant non désiré de l’Europe. Mais il n'entraînera pas une émigration massive vers l’étranger comme cela s’est passé avant la guerre. »
L'UE est attendue au tournant
Avant tout, il est nécessaire de créer de la cohésion autour du gouvernement, explique Jashari, afin que le Kosovo devienne une entité respectable aux yeux de la communauté internationale. « Ce n'est qu'après cela qu'on pourra penser aux réformes internes ». Et l’ambassadeur italien d'ajouter que pour y parvenir, « l’unique chemin à suivreest la prospective européenne qui permettrait de garantir la stabilité dans la région, la prospérité et les droits des citoyens. Il est d’autre part impensable, conclut Michael Giffoni, que soit accueilli au sein de l’Union Européenne une Serbie qui ne reconnaitrait pas le Kosovo ».
Cet article fait partie d’Orient Express Reporter 2010-2011, la série de reportages réalisés par cafebabel.com dans les Balkans. Pour en savoir plus sur Orient Express Reporter.
Photos : toutes les photos réalisées par ©Ezequiel Scagnetti, sauf la Bunateka : courtoisie de bunateka.com
Translated from Kosovo under 30: “Should I stay or should I go?”