« Je ne comprends pas l'homophobie car je n'ai jamais compris la haine »
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Pauline BilletJeune engagé auprès de la cause LGBT, futur médecin et transformiste à ses heures. Voici la présentation sensationnelle que l'on pourrait faire de Thibault Chiarabini. C'est pourtant de personnes comme lui que la société française a besoin pour confirmer que « le changement, c'est maintenant ». Premier témoignage de notre série de portraits LGBT.
« Si tu caches une partie de ta vie, quelqu'un finira peut-être par avoir un certain pouvoir sur toi. Moi, je ne cache rien : je suis le seul maître de ma vie. » À seulement 24 ans, Thibault Chiarabini, co-président du Mouvement d'Affirmation des Jeunes Gais, Lesbiennes, Bi et Trans (MAG), n'a pas peur de parler ouvertement, que ce soit des problèmes qu'il a eu avec son père quand il lui a annoncé son homosexualité, ou de son goût pour la mode, le maquillage, et le transformisme : « j'ai fait mon coming-out à 16 ans, d'un coup, comme ça. Ma mère l'a bien accepté mais elle avait peur que je me suicide à 30 ans. C'était ça, l'idée qu'elle se faisait des gais. »
Né dans le sud-est de la France au sein d'une famille italienne, cet étudiant en cinquième année de Médecine assure que les principales villes de France acceptent l'homosexualité, « sauf Marseille » : « c'est sûr que là-bas, il y a une forte population immigrée hostile aux LGBT, mais l'homophobie n'est pas une question d'origines, c'est une question d'éducation ». Élevé dans une famille catholique, il souligne que seulement les plus intégristes sont homophobes : « c'est sûr qu'il y a une sorte homophobie qui provient de la religion. Dans la Bible,il est écrit que l'homosexuel doit mourir. Cependant, le reste des catholiques accepte l'homosexualité. Ma grand-mère italienne est catholique, elle sait que je suis gai, et ça ne fait rien ». Il rajoute : « C'est le fait que nos députés soient homophobes qui est vraiment effrayant ».
C'est étonnant de pouvoir constater que la France en est revenu au temps des croisades. Entre les 340 000 manifestants qui protestaient contre le mariage pour tous le 13 janvier dernier, et les 125 000 personnes qui, il y a deux semaines, battaient le pavé parisien pour soutenir son adoption, la lutte est arrivée jusqu'à l'Assemblée Nationale. Celle qui mène la danse face à tant d'acharnement, c'est Christiane Taubira, ministre de la Justice. « Elle sait ce que ça veut dire, d'appartenir à une minorité. Avec cette loi, c'est d'êtres humains dont il s'agit, pas de chiffres », affirme Chiarabini, en référence à l'aile droite de l'Assemblée qui se plaint que le mariage pour tous n'est, aux vues de l'état actuel de l'économie, pas une priorité. Cependant, au détriment de la brièveté du débat, ce sont les partis de droite qui ont présenté la plupart des 5362 amendements au projet, parmi lesquels le droit à l'inceste et à la polygamie.
« La société française est, de fait, conservatrice »
« Dès le début du débat sur les droits sociaux, la droite a commencé à ressortir son argument religieux. » Ce n'était pas le cas lors du dernier gouvernement ? « La législature de Sarkozy s'est basée sur des lois portant sur l'économie. En cinq ans de mandat, je n'ai constaté aucun changement. Il n'a absolument rien fait. » Et il n'hésite pas une seconde quand il s'agit de le mettre sur le même plan que Berlusconi. « Le droit au mariage pour tous permettrait à la société de mieux comprendre l'homosexualité », d'après Chiarabini. Néanmoins, il semble que la controverse liée à cette loi a fait resurgir une homophobie latente. « Ces derniers temps, j'ai du faire face à des insultes du genre "sale pédé" dans le métro. Disons que les gens se montrent plus réceptifs depuis que le débat a commencé, autant dans le bon que dans le mauvais sens du terme. »
« Les gens se montrent plus réceptifs depuis que le débat a commencé, autant dans le bon que dans le mauvais sens du terme. »
Il reste surprenant, avec 63% des français favorables au mariage homosexuel - et 49% à l'adoption, - que le projet ait suscité une telle polémique. « De Civitas à Frigide Barjot, et avec l'attention médiatique, ils ont réussi à normaliser l'homophobie. Ainsi, la plupart des amendements à ce projet sont totalement homophobes et personne n'est puni, alors que c'est interdit par la loi. » L'association qu'il co-préside, MAG, lutte contre la discrimination due à des raisons d'orientation sexuelle dans les écoles : « Le problème, c'est la génération antérieure et la façon dont ils éduquent leurs enfants. C'est sûr que mon père a été élevé au sein d'une société répressive, où règne l'homme machiste, mais moi, ils m'ont enseigné des valeurs telles que l'égalité et le respect de celui qui est différent. Moi, je ne comprends pas l'homophobie, parce que de toute façon je n'ai jamais compris la haine. »
Et qu'est ce que le futur réserve à cette génération LGBT ? « J'espère que l'approbation du mariage pour tous servira à changer l'image qu'ont de nous les hétérosexuels. La société française est, de fait, conservatrice. On suppose que la devise de la République – liberté, égalité, fraternité – défend le fait que nous sommes tous égaux. Pourtant, pour le moment, et pour reprendre Orwell, nous sommes tous égaux, mais certains le sont plus que d'autres. »
Photos : Couverture, © Adrien le Coärer ; Texte, © Thibault Chiarabini.
Translated from Thibault Chiarabini: “Que nuestros diputados sean homófobos es lo que verdaderamente da miedo”