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Istanbul : des Erasmus racontent l'enfer

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Politique

Que vous soyez un activiste politique chez vous ou ailleurs, chaque étudiant Erasmus venu ce semestre à Istanbul fait partie de « l’enfer du Parc Gezi », comme on l’appelle sur les les réseaux sociaux. La manifestation visant à arrêter la transformation d’un petit parc en un centre commercial de style ottoman s’est muée en un grand mouvement de protestations contre le gouvernement.

Les sirènes de l’ambulance retentissent. Impossible de ne pas réaliser qu’après au moins quatre mois passés à Istanbul, où j’étudie les sciences des médias et de la communication à l’université de Bilgi, il n’y a aucun média indépendant. La Turquie pourrait même être considérée comme une dictature militaire : personne n’est autorisé à dénoncer le Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan. Alors que tout le monde s’attendait à des déclarations concernant la brutale réponse aux émeutes pacifiques dans le parc Gezi le 1er juin, il a passé son intervention quotidienne à parler des méfaits de la cigarette et à recommander aux familles d’avoir au moins six enfants. Une autre dose quotidienne de propagande islamique.

Zone d’émeutes

Les émeutes se poursuivent en raison des manifestations concernant la décision du Parti pour la justice et le développement (AKP) de traiter sévèrement une affaire initialement pacifique. Éviter les quartiers est impossible. A Kabatas (non loin du Bosphore), les embouteillages sont aggravés par un métro bloqué. Je marche à travers les nuages poussiéreux des gaz lacrymogènes. Il y a des yeux rouges, des pleurs et des toux dans les rues et les bus, étouffés que nous sommes dans la terrible chaleur de la mi-journée. La police met un terme aux « émeutes » immédiatement. Je vois les canons à eau. Les gens sont couchés dans les rues, blessés, peinant à respirer, obtenant les premiers soins (s’ils arrivent à temps) de la personne la plus proche.

Tout le monde est touché. Les vieux, les jeunes, les hommes, les femmes, les touristes, les enfants, même les femmes enceintes qui manifestent dans les rues. En tant qu’étudiants étrangers, nous sommes impressionnés par la solidarité sur les réseaux sociaux qui permet aux kémalistes (les disciples du fondateur de la république de Turquie laïque, Mustafa Kemal Atatürk), et aux autres mouvements de gauche d’organiser et de partager des vidéos et des livestreams via Twitter. Ils nous aident à savoir ce qui se passe réellement, et nous envoient les mots de passe des connexions internet wifi dans le quartier de Taksim (depuis que les réseaux 3G ont été bloqués).

Ce pays est en guerre

La lenteur des nouvelles parvenues, comme le nombre réel de personnes tuées, est insupportable. (selon l’association médicale turque et à l’heure où nous écrivons, une personne est décédée, deux sont dans un état critique et 1 485 personnes sont blessées à Istanbul). Sur Twitter, nous apprenons que quatre étudiants sont morts vers vingt heures. Personne d’autre n’en parle. Les photos et informations de nos amis proches de la place Taksim, qui est ensanglantée, indiquent qu’il nous est difficile de rester sur place. A deux heures du matin, tout le monde, dans notre voisinage, est dans la rue, claquant des mains et avec des casseroles, et criant : « Erdogan démission ». Nous ne nous attendions pas à ce qu’à cette heure tardive, la police poursuivrait avec ses gaz lacrymogènes et canons à eau les foules sans fin de manifestants qui arrivent.

"Vous aboyez face à une génération qui bat la police et qui a joué à GTA pendant toute son enfance."

Nous ne nous aventurons pas au-delà de Taksim, mais nous félicitions ces nouveaux arrivants. Chaque citoyen vivant en Turquie devrait se soulever contre la terreur gouvernementale. Chaque étudiant turc qui a risqué sa vie pour attirer l’attention internationale et rompre le silence a tout mon respect et mon soutien total. Pendant quatre jours, Erdogan quitte le pays pour une tournée en Afrique du Nord. Le parc Gezi est plus calme, mais nous attendrons de voir si les rues seront encore occupées cette nuit. Le monde devrait savoir comment les droits humains sont respectés dans les rues d’Istanbul, Izmir et Ankara.

Auteure : Ηλέκτρα

Photos : (cc) resim77; Textes : immeubles rasés © amis anonymes de l'auteur, taxi et portrait d'Atatürk (cc) walt74/ flickr/ official site; taf sur le mur de Taksim  © courtoisie de Engin Onder/ @140journos

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Translated from Greek-German erasmus student on Istanbul’s Gezi Park protests