Hongrie : l’extrême droite veut enterrer le gouvernement
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Prune AntoineA Budapest, les manifestants d’extrême droite et les supporteurs de l’opposition se sont rassemblés pour demander la démission du Premier ministre Ferenc Gyurcsány.
22 septembre, sixième jour de manifestation : les violences qui menacent la capitale hongroise ne montrent aucun signe d’apaisement. Les affrontements entre jeunes et forces de l’ordre ont continué jusque tard dans la nuit. Près de 200 personnes ont été blessées et au moins 160 arrêtées. Le 18 septembre, durant ce que le Premier ministre a qualifié de « nuit la plus longue et sombre de notre histoire » depuis la chute du communisme en 1989, des émeutiers ont saccagé le siège de la télévision publique hongroise le 18 septembre. L’un des contestataires a même dit : « la nuit dernière, je me suis senti comme nos parents en 1956, il y a cinquante ans. C’est une révolution qui commence ici.” »
Tôt le matin, je traverse la place Kossuth en direction d’un groupe de manifestants. La nuit précédente, 15 000 personnes se sont rassemblées en face du Parlement hongrois afin de réclamer la démission de Gyurcsány. A présent, les rues sont calmes et seul le ronronnement des voitures de nettoyage rappelle le soulèvement de la nuit passée. En scrutant les visages de la foule qui se hâte vers son travail, je remarque que chacun semble encore choqué et excité par la nuit passée.
Pique nique, cercueil et mensonges
La fronde survenue ces jours derniers à Budapest trouve son origine dans des paroles prononcées par Gyurcsány en mai dernier devant le groupe parlementaire socialiste réuni au bord du lac Balaton. Il y reconnaissait avoir menti pour remporter les élections législatives d’avril. «Nous avons merdé, pas un peu, beaucoup. Personne en Europe n'a fait de pareilles conneries, sauf nous… [en laissant filer les déficits publics] Il est évident que nous avons menti tout au long des 18 derniers mois. »
Suite à la réélection du leader socialiste au poste de chef du gouvernement, des mesures strictes avaient été prises pour régler le déficit public et lancer les réformes structurelles nécessaires. La réduction drastique des dépenses publiques avait alors heurté de plein fouet la classe moyenne hongroise.
Aujourd'hui, nulle trace de cette classe moyenne asphyxiée par le train de réformes. Seuls une cinquantaine de manifestants sont étendus sur les pelouses situées en face du Parlement. Seule l’extrême droite et les ultra nationalistes hongrois semblent avoir investi les lieux. Des membres du Front national hongrois, du Mouvement jeune de 64 comtés, du Jobbik (Mouvement pour une meilleure Hongrie) et d’autres mouvements se sont rassemblés pour exprimer leur mécontentement. Drapeau national et insignes extrémistes entourent le symbole de la démocratie nationale, le Parlement.
Au milieu de la place, sont supendus des portraits du Premier ministre socialiste et du leader de la coalition libérale Gábor Kuncze, drapés de noir. Sur une banderole cette inscription : « Nous sommes en train d’enterrer le gouvernement de Gyurcsány : pour vous, il n’y aura pas de résurrection. » Aux alentours, les vendeurs de rues continuent à proposer nonchalamment des bretzels sales et des publicités aux passants.
L’atmosphère rappelle vaguement celle des Premier mai dans les années 70 entre pique-niques en plein air et revendications syndicalistes. Quelques touristes s’approchent prudemment des manifestants. Les médias, journalistes de presse écrite et chaînes de télé, sont massées autour des contestataires, en rangs plus nombreux même. Derrière le cordon de sécurité, une trentaine de policiers montent la garde. Ils semblent prêts à rester un moment sur place, au moins jusqu’aux prochaines élections locales qui se dérouleront le 1er octobre. Gyurcsány a d’ailleurs depuis affirmé «vouloir mater l’opposition.»
Tirer parti du scandale
Selon les propos de Viktor Orbán, le chef de file du Fidesz, principal parti conservateur d’opposition, cette prochaine échéance électorale servira de « referendum. » Les électeurs devront décider s’ils veulent que le gouvernement reste ou non en place. Selon lui, le mensonge avoué du parti socialiste « remet en question la légitimité du gouvernement actuel. »
En dépit des remous provoqués par sa déclaration, le Premier ministre Gyurcsány a martelé ne pas vouloir démissionner et ne regrette pas ses propos. D’après un sondage réalisé par l’institut Századvég, un centre d’analyses politiques, 54% des Hongrois sont favorables à une démission de Gyurcsány alors que 48% préfèreraient qu’il se maintienne à la tête du pays. Aujourd’hui, la réaction des marchés financiers montre que la crise pourrait avoir de sérieuses conséquences économiques.
Personne ne sait encore si les socialistes seront en mesure de calmer les émeutes qui ont enflammées la capitale hongroise. Le parti conservateur pourrait certes tirer parti du scandale. Quoiqu’il en soit, l’alliance de certains conservateurs avec les mouvements d’extrême droite sur la place Kossuth n’augure rien de bon. Et le lourd déploiement des forces de l’ordre indique que la crise est loin d’être résolue.
Crédit photos : Judit Járadi
Translated from Hungarian crisis: far-right stages PM’s death