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[fre] L'accord entre l'UE et la Turquie est-il légal ?

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Betti Lace

Alors que les dirigeants sont réunis à Bruxelles pour trouver une solution à la crise migratoire, des tensions apparaissent suite à l’accord entre l’UE et la Turquie qui permet aux pays européens de renvoyer des migrants entrés illégalement vers celle-ci, en échange de l'accueil d’un syrien venant d'un camps de réfugiés. En dehors de la morale et de l'éthique, cet accord est-il réellement légal ?

Résumons les faits. Depuis 2015, plus d’un million de réfugiés atteignent le sol européen. Depuis plusieurs mois maintenant, les intentions de Bruxelles sont passées de la sollicitude et de la bonne volonté à l’écrasant désir de trouver une solution pour réduire le flux de migrants.

Aujourd’hui, l’accord final entre l’UE et la Turquie a été conclu. Conformément à cette entente, tout réfugié entré illégalement en Europe en traversant la mer Égée serait renvoyé  vers la Turquie, tandis qu’un réfugié syrien se trouvant actuellement dans un camp turc serait accueilli en Europe dans le cadre d’une « réinstallation humanitaire ».

En échange, la Turquie demande 6 milliards d’euros à des fins humanitaires, la facilitation de l'accès au visa pour les citoyens turcs, ainsi que le réexamen et l’accélération de son processus d’adhésion à l’Union Européenne.

Cependant, cet accord inédit  est toujours en lutte avec la légalité. Bien que le but de l’Europe soit que le renvoi vers la Turquie de tous les migrants illégaux se fasse dans le respect des lois européennes et internationales, quelques failles subsistent.

Voyons quels sont les points en désaccord avec les deux systèmes judiciaires principaux : la loi internationale et la loi européenne.

 La loi internationale et les Conventions de Genève

Les Conventions de Genève stipulent qu' "aucun des États contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée".

Selon Human Rights Watch, deux conditions sont nécessaires pour qu’un pays soit considéré comme sûr : que « le pays offre une véritable possibilité de protection, et qu’il n’y ait pas de risque que celui-ci renvoie [les migrants] vers leur pays d’origine ou un autre pays où ils pourraient se retrouver face à des risques pour leur vie ou leur liberté ».

La question est par conséquent : comment être sûr que la Turquie n’expulsera pas les réfugiés ?

Eh bien, la réponse est... on ne peut rien prédire.

On sait que le gouvernement turc a déjà renvoyé des réfugiés syriens vers la Syrie. Qu'est-ce qui garantit que cela ne se reproduira pas, s'il se retrouve submergé par des centaines de réfugiés, provenant à la fois de la Grèce et du Moyen-Orient ?

Mais ce n'est pas tout. Alors que la Turquie est signataire des Conventions de Genève, c'est le seul pays pour le moment qui applique des limitations géographique, ce qui signifie qu'actuellement seuls les européens ont la garantie d'obtenir un statut de réfugié dans le pays, tandis que les personnes venant de pays non-européens ne peuvent pas être certains d'obtenir l'asile.

Alors comment faire, quand la grande majorité des demandeurs d'asile en provenance de la Grèce sont syriens, irakiens - de l'Afrique et du Moyen-Orient en général ?

Les syriens ont pour l'instant la garantie d'une "protection temporaire", ainsi appelée par la Turquie, qui leur donne le droit de vivre dans le pays mais ne leur fournit pas le statut de réfugié et ne leur évite pas les nombreux défis auxquels ils doivent faire face en matière de protection, d'emploi et d'éducation.

Toutefois, les non-syriens sont dans une situation encore moins enviable.

Les lois de l'UE et directives d'accueil

Les négociation du Conseil Européen sont-elles en accord avec ses propre règles ?

Alors que l'on peut lire dans l'Article 19 de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne que les "expulsions collectives sont interdites", l'accord déclare explicitement qu' "il n'y aura aucune expulsion collective".

Un point pour l'Europe !

Ensuite, les lois européennes garantissent, comme les Conventions de Genève, le traitement de chaque demande d'asile déposée par un réfugié.

Cependant, comme nous l'avons vu précédemment, la Turquie n'a actuellement donné aucune assurance sur ces droits concernant les réfugiés non européens.

En revanche, d'après certaines sources du Conseil, tous les réfugiés quittant la Grèce auront droit à une audition d'asile, à un avocat et de faire appel de la décision.

Deux points pour l'Europe !

Finalement, le transfert des réfugiés vers la Turquie plutôt que leur pays d'origine correspond au principe de "pays tiers [...] considéré comme sûr", évoqué dans les articles 39 et 40 de la directive 2013/32 du Parlement européen et du Conseil.

Conformément à cette loi, les états-membres peuvent ne pas imposer d'examination de la demande d'asile d'un réfugié si celui-ci a essayé ou est entré sur le territoire depuis un pays tiers sûr.

Suivant cela, un pays tiers sûr peut être appelé ainsi s'il répond à une série de règles qui inclus le principe de "non refoulement" et il doit impérativement avoir ratifié les Conventions de Genève sans limitations géographiques.

Félicitations l'UE ! La Turquie reste le seul pays de la Convention avec des limitations géographiques.

De ce fait, considérer la Turquie comme un pays tiers sûr est non seulement extrêmement contestable, mais ressemble aussi à une flagrante violation de la seconde législation européenne.

Bien que l'accord entre l'UE et la Turquie paraît vouloir respecter à la fois les lois internationales et celles de l'UE concernant les réfugiés et les migrants, les nombreuses faiblesses qui demeurent dans le texte conclu aujourd'hui par Bruxelles et Ankara le rendent discutable d'un point de vue légal.

Nous n'avons maintenant qu'à attendre et voir comment l'affaire va se jouer.

Translated from Is the EU-Turkey refugee deal legal ?