[fre] La fin de l'Europe ? Une critique de The Great European Disaster Movie
Published on
Translation by:
Annick EiseléLe ciel s'assombrit. L'Union Européenne s'est écroulée. Le nationalisme s'est implanté. Le dernier film d'Annalisa Piras et de Bill Emmott's dépeint une image sinistre de l'avenir et réfléchit à la manière dont on pourrait éviter d'arriver à la catastrophe sans même nous en rendre compte.
La catastrophe arrive ; l'Europe est divisée. Tel est le futur que nous apercevons dans The Great European Disaster Movie de la réalisatrice Annalisa Piras et du producteur, Bill Emmott.
Un film, deux parallèles
Nous suivons deux parallèles, le présent et le futur. Nous voyons un avion dans le ciel de l'Europe du futur. À son bord, un archéologiste (Angus Deayton) discute avec une autre passagère (Flavia Piras Trow). Il s'apprête à faire un discours sur un artéfact historique. Quel artéfact ? L'Union européenne. Dans ce futur, le nationalisme s'est implanté, et l'UE a été dissoute. Nigel Farage est le Premier Ministre de la Grande Angleterre, et Marine Le Pen est la Présidente de la France. Au même moment, l'Allemagne lutte seule contre la crise de l'énergie et ne peut accepter aucun passager. L'avion part donc en quête d'une destination qui l'acceptera. Nous découvrons également que nous sommes retournés dans le passé - nos passagers doivent remplir des critères strictes pour pouvoir entrer dans leur pays de destination.
« L'idée était celle d'un cauchemar qui se déroule dans le futur et auquel les gens pourraient s'identifier, » raconte la réalisatrice Annalisa Piras. « Les gens profitent de la liberté de mouvement au sein dde l'UE depuis 20 ans. Mais qu'arriverait-il si cette liberté nous était retirée ? C'est une chose à laquelle la jeune génération s'est habituée, mais elle n'est pas acquise. Nous entendons les mouvements anti-européens expliquer que nous serions mieux sans l'Europe. Par contre, personne ne met en avant les choses que nous pourrions perdre. L'idée était de réfléchir à ces choses et d'imaginer un futur dans 20 ans.
À notre époque, nous suivons des histoires et des études de cas à travers l'Europe afin d'analyser comment nous sommes arrivés à la crise actuelle. À Barcelone, nous suivons les histoires de personnes victimes de l'austérité. En Croatie, un photographe évoque le nationalisme et le conflit qui a enflammé les Balkans il y a seulement deux décénies. Au Royaume-Uni, nous rencontrons un élu faisant campagne pour UKIP (Le Parti de l'indépendance du Royaume-Uni) le a cou à Margate, dans Kent. Chaque groupe de personnage nous présente une histoire différente et dépeint une image fascinante de l'Europe d'aujourd'hui.
Une fiction teintée de réalité...
Le documentaire n'a pas manqué de susciter des critiques de la part des eurosceptiques, l'UKIP l'a qualifié de propagande pro-UE. Un article paru dan le Daily Telegraph l'a acccusé d'alarmisme. Pourtant l'œuvre dessine un portrait critique. Si elle est en faveur de l'Union, elle admet qu'un changement est nécessaire et offre une analyse de ce qu'il faudrait réformer dans l'UE. De nombreux commentateurs à Bruxelles et ailleurs parlent de la déconnection avec les institutions de l'UE, de la gestion de la crise bancaire, ainsi que d'un manque de responsabilité et de transparence. Elle rapelle également les succès de l'UE et propose des solutions pour résoudre la crise actuelle. La fiction est par ailleurs accompagnée de faits et de chiffres, ce qui permet de balayer quelques mythes par la même occasion et d'ajouter des éléments au débat généralement négatif au sujet de l'immigration. Par exemple, 2,3 millions de citoyens européens vivent au Royaume-Uni. Au cours des dix dernières années, ils ont payé 20 trillions de taxes de plus que ce qu'ils ont reçu en aides sociales.
La date de sortie de The Great European Disaster Movie est importante. L'influence des partis politiques nationalistes comme Podemos de Pablo Iglesias et Syriza d'Alexis Tsipras a continué de croître. L'avenir économique et politique de la Grèce est toujours en jeu. De plus, le Royaume-Uni semble parti pour organiser un référendum sur son statut de membre de l'UE.
Contribuer à éveiller les consciences
Maintenant que le film est distribué à l'international et que des projections indépendantes sont organisées, on espère qu'il entraînera un débat. Annalisa commente : « En tant qu'auteurs et journalistes, la seule chose que nous pouvons espérer est que le film contribue à une prise de conscience des Européens. Nous avons vu que cela ne viendrait pas des dirigeants politiques. Nous devons nous rendre compte de ce que nous risquons afin que les dirigeants qui se trouvent en haut et en bas de l'échelle ressentent la pression et trouvent des solutions. Les gens doivent réfléchir à ce que nous pourrions perdre et à la façon dont on devrait changer les choses. Ce dont nous avons besoin de manière urgente est un véritable débat sur la manière de réformer l'UE et de l'améliorer. »
Le débat est déjà en train de prendre forme. Le 9 mai, à l'occasion de la journée de l'Europe, Annalisa Piras était invitée à King's College à Londres avec le candidate aux élections britanniques 2015, Anuja Prashar et avec l'ancien Ministre pour l'Europe, Denis MacShane par le the Young European Movement afin de discuter du film et de la manière d'éviter « la grande catastrophe européenne ». Le pannel est parvenu à un consensus ; ils sont tombés d'accord qu'un débat pluriel et équilibré est nécessaire au cours de la période précédent n'importe quel referendum. Et une sortie de la Grande-Bretgne n'est pas une issue prévue d'avance. Les chiffres peuvent changer. Les derniers chiffres des sondages YouGov montre que le soutien de la Grande-Bretagne pour rester dans l'Union est à son plus haut historique à 45% contre 35% qui voterait en faveur d'une sortie, il s'agit du résultat le plus favorable pour le maintien du pays au sein de l'Union depuis que YouGov a commencé à poser la question.
Annalisa est prudente en ce qui concerne la direction du débat en Grande-Bretagne :
« La Grande-Bretagne est très importante pour l'Europe, son rôle est essentiel. Il aurait fallu que les Britanniques aient eu l'occasion de débatre avec de véritables informations sur le pour et contre. Maintenant je ne suis plus sûre, on craint qu'il n'y ait pas beaucoup de changements et le débat a peu de chance d'être informé et équilibré. Le risque est que la Grande-Bretagne quitte l'UE *sur des faux-semblants. C'est un moment déterninant, le reste de l'Europe regarde ce qu'il se passe avec attention. Le film voulait créer le débat en Grande-Bretagne, car on s'inquiète que le pays puisse sortir de l'Union à la manière d'un somnanbule. Cette sortie pourrait être un déclencheur ou créer un effet boule de neige, et l'UE pourrait atteindre le point de non retour. »
La conversation sur l'Europe étant souvent déterminée par la question simpliste Dedans ou Dehors plutôt que par une analyse approfondie, le documentaire offre une chance unique d'ouvrir la conversation des deux côtés. Il étudie les problème avec l'urgence requise par la crise actuelle. Il envisage ce que l'on risque de perdre si l'Union s'effondre et considère ce que l'on a gagné.
Le documentaire se penche sur le paradoxe entre la manière dont les personnes à l'extérieur de l'Europe perçoivent l'Union par rapport aux personnes qui se trouvent à l'intérieur. Alors que les informations sont dominées par les nombreux migrants qui risquent leurs vies pour traverser la Méditerranée, Annalisa commente, « Nous voulons mettre fin à l'autosatisfaction des Européens qui sont à l'intérieur de l'Union et la considère comme acquise. Pour les gens qui viennent d'Afrique, l'Europe est la terre promise. Nous sommes tellement à l'intérieur que nous nous en rendons pas compte ; nous ne le comprenons pas. »
Translated from Reviewing the end of Europe: The Great European Disaster Movie