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[fre] La faune des concerts : Zoologie au concert de Sokolov

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Flavie Prieux

Il y a quelques jours, Bozar a accueilli le célèbre pianiste Russe Grigory Sokolov. Cafébabel a eu l’honneur de participer à cet évènement et de profiter de l’interprétation de Mozart et de Beethoven par ce très grand artiste.

Mr. Sokolov entre sur scène comme dans sa maison, avec une perception complète de l’espace et avec assurance. Il s’assoit sur son tabouret et commence le plus simplement du monde à remuer ses doigts avec agilité sur le clavier. Sokolov aiguise un sourire et « chante » chaque note qu’il connait par cœur. A cet instant, tout semble naturel et simple pour lui. Mais on est loin de la simplicité. Puis, quand fini la sonata, il se lève et sors de scène comme il y est entré. Son interprétation révèle combien ce grand pianiste joue encore avec plaisir et ne se fait pas prier pour plusieurs rappels.

Mais si la plupart des journalistes décriraient avec plus de précisions sa performance, aujourd’hui je voudrais aborder un tout autre sujet, la zoologie. Oui, j’ai bien dit la zoologie. En fait, je pense qu’au cours de ce type de performance, on peut facilement repérer les espèces qui peuplent la faune de la salle de concert. Bien sûr, Sokolov représente alors, le roi lion.  

Et nous y sommes, sur ma gauche, le premier sujet à étudier pour cet article. Un jeune homme, d’environ 16 ans et son costume tout neuf, qui est même un peu trop grand pour lui. C’est l’étudiant pianiste typique du conservatoire. Ses parents lui ont probablement offert le billet pour assister au concert de son idole, en récompense pour ses bonnes notes. Il est assis inconfortablement dans son fauteuil, écoutant avec précision et observant avec attention les mains du pianiste, essayant de percevoir les astuces. La pie.

A ses côtés, une femme seule d’une quarantaine d’années lit le programme du concert. Ses lunettes perchées sur son nez, elle a l’air un peu déçue d’avoir un si jeune garçon à ses côtés. En effet, elle s’attendait à pouvoir engager la conversation afin de démontrer son expertise de la musique et enfin trouver son prince charmant. Bien que pour ce que l’on en sait, cela n’arrive jamais. Malgré ses plus beaux bijoux et le collier qui souligne son décolleté, elle a rarement la chance de rencontrer un homme sympa (et riche) pour tarir sa solitude. Le paon.

Quelques rangs devant, on trouve le couple marié. Elle, une superbe femme d’affaire, habillée d’un tailleur de marque, qui sourit à tout le monde et fait partager les effluves de son couteux parfum à ses voisins. On dirait qu’elle connait tous les gens de la salle de concert et qu’elle dédie un peu de son temps à chacun de ces « amis » supposés. Lui, le mari, se tient simplement derrière elle, engoncé dans sa cravate qu’il voudrait vraiment pouvoir retirer. Par moment, quand sa femme est distraite par une discussion sur la dodécaphonie wagnérienne, il jette un coup d’œil à sa montre, espérant que le temps passe plus vite. Mais il devrait se souvenir qu’à un concert de piano, le temps peut sembler long ! Deux exemples magnifiques de mantes religieuses.

Puis, mon regard se perd, cherchant mon personnage préféré. C’est une espèce rare, surtout dans un environnement comme celui de BOZAR qui n’est pas son habitat naturel. En effet, ici les conditions de vie sont particulières : les billets sont un peu chers. Mais je finis par l’apercevoir, en haut du dernier balcon, au troisième rang. Caché derrière la foule, il préfère rester assis même à l’entracte, de peur d’attirer la pitié. Il a l’air embarrassé de passer son samedi soir à écouter un concert de piano plutôt que de boire dans un pub d’Ixelles avec ses amis. L’étudiant, sans le sou, est surement l’auditeur le plus sincère. Le poisson hors de l’eau.

Juste devant lui, on peut apercevoir le spécimen du vieux couple. Ils connaissent chaque partie du concert, surement parce qu’ils étaient déjà nés quand Mozart les a composé ! C’est leur folie du samedi soir : membre de Bozar depuis 25ans, ils passent tous leurs samedis soirs ici depuis la chute du mur de Berlin. Et même si ils s’endorment la plupart du temps, ils ne se lassent pas de la musique. Et pourtant, ils sont presque sourds ! Les tortues géantes.

La faune qui peuple le premier rang quant à elle, est représentée avec éclat par la famille parfaite : Fortunée, blonde, yeux bleus, délicate, éduquée. La mère, le père, une fille de 18 ans et un garçon de 12. Une fois par mois ils se rendent ensemble à un concert. C’est comme le repas familial du dimanche. C’est leur idée d’un moment partagé ensemble, en tant que famille, une manière de partager une passion commune. Mais ce n’est pas vraiment une passion commune, la fille aurait préféré aller à cette soirée dont tout le monde parle. Le fils quant à lui est perdu dans ses pensées, il cherche comment passé le niveau 8 de Call of Duty. Mais ils sont trop bien élevés pour le faire remarquer. Les pingouins. 

E

Et le meilleur pour la fin, les hyènes affamées. Au centre de la fosse, nous, la presse, qui observons tout le monde. Nous profitons du concert mais avec une petite angoisse, stressé de devoir rédiger un article dessus. Tandis que résonne les notes de musique nous sommes déjà en train d’écrire sur nos carnet chaque idées qui nous traversent l’esprit. Et la musique peut servir de support à travers lequel nos pensées se développent. Tandis que la musique se répand dans la salle, elle apporte une inspiration et les mots viennent tout seuls. Les voici donc, mes mots, pour lesquels vous devriez remercier Mozart, Beethoven et Mr Sokolov !

Translated from Concert’s fauna: zoology of Sokolov's exhibition