Francesca Vecchioni : « les séries peuvent en finir avec les stéréotypes »
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Lorena DagbaQuel est le plus puissant média de nos jours ? Les séries. C'est aussi valable pour la représentation de la diversité dans la société et la lutte contre la diffusion des stéréotypes. Qu'est-ce que cela signifie ? Francesca Vecchioni, fondatrice et présidente de l'association Diversity, nous en parle en détails.
Comment est née Diversity ?
Diversity est parti d'un dîner qui réunissait un groupe de femmes « audacieuses ». Elles se se sont mises à parler du manque de représentativité des femmes à la télévision. Et de facto, des difficultés qui découlent de ce manque de visibilité, notamment pour les jeunes, à imaginer un futur.
Un besoin d'identification
En réalité Diversity n'a pas seulement été créée pour répondre à la question de l'identification. Mais aussi, et surtout, pour diffuser une culture inclusive dans notre société : pour des raisons éthiques liées au bien-être, au bonheur, à la joie et à la possibilité pour chacun de grandir.
C'est-à-dire ?
Nous grandissons tous lorsque nous sommes confrontés à quelque-chose ou à quelqu'un de différent. Transmettre l'importance de la diversité comme valeur, c'est là tout le sens de l'inclusion. Cette action s'appuie sur une multitude de raisons économiques. On vit mieux dans une société inclusive, cela crée plus d'entreprises car une société plus avancée est également plus prolifique en termes d'idées.
Comment votre organisation se distingue-t-elle des nombreuses autres organisations à but non lucratif dans le domaine de l'égalité des droits ?
Lorsque nous avons fondé Diversity, nous nous sommes fait la réflexion qu'il n'existait aucune organisation à but non lucratif qui promouvait l'inclusion à travers la communication. C'est à dire l'analyse et l'étude des médias de masse ou des projets connexes.
De nombreuses associations mènent des actions et traitent l'inclusion de manière sectorielle, comme les associations LGBT, liées au genre ou à un groupe ethnique. À l'inverse, nous voulions quelque-chose d'intersectionnel car nous avons tous plusieurs identités.
« Dans le cadre des séries et plus largement du portrait dans les médias, des progrès ont été faits, mais cela reste insuffisant. »
Diversity se consacre également à la recherche et à l'analyse des médias. Où en sommes-nous en termes de représentation de la diversité dans les médias?
D'un point de vue holistique, dans le domaine des séries tv et des médias de façon plus large, il y a eu, sans aucun doute des progrès, mais ce n'est pas suffisant. Notamment si l'on considère les principaux critères de diversité utilisés dans la recherche universitaire : le genre, l'identité, l'orientation sexuelle, l'âge, le groupe ethnique, la religion, les conditions socio-économiques et le handicap.
Jusqu'à aujourd'hui aucune représentation n'a atteint un niveau d'équité. Si on prend, par exemple, le thème générationnel, on remarque que les personnes âgées ou les jeunes sont souvent mal ou peu représentés dans la publicité, les séries, les films et de façon plus générale, dans tout ce qui renvoie à un imaginaire collectif.
Comment combat-on les stéréotypes ?
Les stéréotypes existeront toujours car ils sont liés à notre façon neuro-cognitive de connaître la réalité, c'est à dire à travers des modèles. Il faut donc comprendre que nous raisonnons tous de cette manière mais que nous avons également la possibilité de comprendre l'autre. Cela me rappelle une nouvelle de Fredric Brown, « Sentinelle », à propos d'une guerre contre des aliens : le personnage principal, un soldat dans les tranchées, tue son ennemi. Quand l'auteur décrit ce dernier, on découvre qu'il s'agit d'un être humain. Pour résumer, jusqu'alors, le lecteur s'identifiait à l'alien. Nous sommes, donc, toujours nous et un autre en même temps : il ne faut pas en avoir peur.
Avec les Diversity Media Awards (DMA) vous récompensez, à travers plusieurs catégories, les médias de masse qui ont su diffuser une représentation qui valorise la diversité. Quel est le média le plus puissant en ce sens ?
Le média le plus puissant, selon moi, c'est les séries TV. Avec les DMA nous récompensons les films, séries, programmes télévisés mais aussi les chaînes d'information.
« Les séries TV font partie des médias les plus proches de la réalité. Elles ont tendance à en représenter plusieurs aspects et à en donner une vision vaste en lien avec beaucoup de thématiques. »
Comment affirmer avec certitude quel est le média le plus puissant ?
L'importance de la représentation est aussi une question de quantité. En effet, une des questions phare c'est : « Combien de personnes vont voir cette image ? ». Par exemple, en Italie, la télévision généraliste atteint un grand pourcentage de la population, encore aujourd'hui. L'impact, en termes quantitatif, est très important.
Comment distingue-t-ton une représentation qui valorise la diversité, d'une mise en scène forcée ?
Il existe des fiches d'analyse et des tests spécifiques. Il y a par exemple le test de Vito Russo en ce qui concerne la représentation de la communauté LGBT (il s'agit d'un test conçu par l'Alliance des Gays et Lesbiennes contre la diffamation, GLAAD. Dans ce cas précis, pour une bonne représentation, il faut remplir trois critères : la présence d'au-moins un personnage LGBT, son orientation sexuelle, qui ne doit pas être le trait de caractère principal du personnage, et le rôle crucial du personnage (sa suppression aurait des conséquences significatives, ndlr).
« En ce qui concerne le respect des droits de la communauté LGBT, des classements embarrassants ont été publiés. Par exemple, l'Association internationale lesbienne et gay (ILGA EU) place l'Italie à la 35ème position sur 49, en Europe. »
Et sur d'autres thématiques ?
On évalue, par exemple, si une personne en situation de handicap n'est pas uniquement présente en raison de sa situation, mais pour des raisons plus complexes. Plus simplement : ce ne doit pas être un stéréotype. Si c'est le cas le personnage devient problématique. C'est aussi valable pour les portraits générationnels ou les caractéristiques d'appartenance à une culture donnée. Pour résumer, les personnes doivent être interchangeables dans le contexte. Il faut se poser la question : « Est-ce que le personnage serait traité de la même façon si c'était un homme, blanc et jeune ? ».
Généralement, dans les séries qui représentent la diversité, on retrouve deux approches : embellir la réalité ou mettre l'accent sur le récit critique.
Les deux situations existent : on a d'un côté le récit très positif qui cherche à ouvrir la voie pour pousser la société à s'améliorer et de l'autre le récit critique. Ce dernier ne pose pas de problème, montrer les peurs et discriminations est très important. Il faut un regard critique interne, c'est à dire si on arrive véritablement à comprendre l'intensité de ce qui est représenté.
Éduquer à la valorisation de la diversité serait donc un devoir des séries ?
Evidemment, on ne peut pas demander à ceux qui produisent un contenu média quelconque de suivre une écriture éthique. C'est une forme d'art, après tout et par conséquent chacun jouit de sa liberté d'expression. Cependant, il est important de reconnaître qu'une certaine représentation aura un effet donné sur la société.
Au-delà du problème de la représentation, comment se situe l'Italie en termes de valorisation et d'acceptation de la diversité, au niveau européen ?
En ce qui concerne le respect des droits de la communauté LGBT, des classements embarrassants ont été publiés. Par exemple, l'Association internationale lesbienne et gay (ILGA EU) place l'Italie à la 35ème position sur 49, en Europe.
Les pays en tête de ce classement valorisent-ils un domaine de la diversité en particulier ?
Les pays les plus avancés le sont sur toutes les thématiques car lorsqu'on s'intéresse à l'inclusion on tend à le faire sur plusieurs fronts. Il y a de nombreux exemples dans les pays du nord de l'Europe, mais aucun n'applique encore un équité parfaite.
Translated from Francesca Vecchioni: «Netflix e le serie tv possono affossare gli stereotipi»