Festival de Roskilde 2009 : Dionysiaque mais… sécurisé !
Published on
Translation by:
Philippe-Alexandre SaulnierLoin d’en être à mon premier festival, j’ai déjà assisté plusieurs fois à celui qui se tient tous les ans à Roskilde, au début du mois de Juillet.
Habituellement, quand je viens pointer un œil dans les parages, si je ne sèche pas carrément la plupart des concerts ou que je me contente seulement d’y faire une courte apparition, il me suffit malgré tout pour me divertir, de me laisser porter comme un bouchon de liège qui flotte dans cette ambiance presque irréelle où les gens font ce que bon leur semble. Toutefois, afin de donner sa pleine raison d’être à cet article, je profiterai tout de même de l’occasion pour vous parler aussi un peu de… musique !
Chaque année, en juillet, le Danemark est en proie à un grand mouvement de transhumance. De tous les coins du pays, des gens de tous les âges emballent leurs paquetages et viennent bivouaquer sur l’île de Sjælland, à Roskilde, le temps du festival pop-rock en plein air. Depuis près de quatre décennies, celui qui reste l’un des évènements les plus populaires de toute la Scandinavie multiplie par trois l’indice démographique de la localité, qui devient durant cette courte période, la quatrième ville la plus peuplée de la patrie d’Andersen.
"La grande majorité des participants vient de toute la Scandinavie"
Après le rassemblement de musique rock de Werchter dans le Brabant flamand, ou celui de Szeget en Hongrie consacré aux tendances World metal electro, sans oublier de citer le Contemporary Performing Arts de Glastonbury dans le comté de Somerset en Angleterre, Roskilde arrive, par sa fréquentation, en quatrième position des festivals en Europe. La grande majorité des participants vient de toute la Scandinavie : un bon tiers de l’ensemble du Danemark, les autres de Norvège et de Suède, mais la manifestation compte aussi des fidèles venus d’Allemagne, des Pays-Bas et du Royaume-Uni.
Trentemøller au panthéon des grands Danois ?
Trentemøller ouvrit cette fois le festival en se produisant sur la scène principale qui, avec une capacité de remplissage de 60 000 personnes, se dresse comme une icône orange à la nuit tombée. Son spectacle très complet captive un large public passionné de musique pop-rock. Tous les Danois, y compris les festivaliers, semble toutefois croire que ce « pape » de la musique électronique compte parmi les meilleurs du monde dans sa catégorie. Je dois vous avouer, en passant, que je reste toujours un peu perplexe quand j’entends les Danois se gargariser avec tant fierté du prestige (supposé) de certains de leurs compatriotes et de leur réussite. Soyons sincères ! Le matraquage médiatique local avait tellement préparé le terrain par avance que, très honnêtement, j’aurais mieux apprécié la prestation de cet artiste s’il avait été originaire d’un autre pays.
La musique mise à part, le principal sujet de conversation sur le site reste toujours la météo. Cette année, Roskilde a été gratifié d’un ciel bleu et, comble de bonheur, pas de pluie ! Bien sûr, on pourrait penser que ce fut le top. Et bien non! Essayer donc de dormir (ou tout simplement de rester) sous une tente quand la température extérieure atteint les 30 degrés Celcius ! Ce fut une insupportable torture. Peut-être aussi parce que l’alcool m’a tenu malheureusement éveillé, je ne ne suis jamais réellement mis au lit de bonne heure. Pas plus de deux heures de sommeil avant que le soleil vienne me tirer de mon sac de couchage.
Around midnight consiste ici principalement en un chassé-croisé d’ombres furtives. La matinée du samedi matin s’est donc passée à décompresser activement dans le coin. Ce qu’on pourrait appeler la « Réception » se trouve dans une sorte de gigantesque construction en dur, au sol recouvert de sable.
Il y règne une ambiance très années 90, fleurant bon son petit parfum de vacances aux Baléares (On y a entendu beaucoup He's on the phone et la version 70 de Suicide is painless). Allongé et encore à moitié endormi, bercé par la fraîcheur ombragée, je suis loin de me sentir en exil. Je les ai déjà bien connus ces suées abondantes, ces gueules de bois épiques, ce manque de sommeil récurrent. Jusqu’au supplice de l’ognion cru mastiqué par mégarde dans le sandwich du vendredi soir, rien ne manque à l’inventaire ! Je sais où je suis mais je suis au bon endroit, au bon moment et avec les gens qu’il faut…
Pet shop boys : les petits garçons ont bien grandi !
Venir à Roskilde ne se résume pas à s’en tenir stricto sensu au seul programme des concerts. Se consacrer aux joies du camping et à toutes les activités qui se déroulent sur le site du festival suffit amplement à ne plus savoir où donner de la tête. C’est fou tout ce que l’on peut faire pour s’occuper ici : discuter politique sur le tas, se rafraîchir un peu sous le canon à neige, recharger son téléphone mobile en pédalant sur des vélos de fabrication locale transformés en dynamos électriques, assiter à des lectures ou à des cours gratuits d’éducation sexuelle, sans se priver, non plus, de patiner, de nager, de pêcher, de jouer dans la réalité virtuelle, de délirer toute la nuit dans des soirées de pirates et même de se faire toiletter par des mannequins légèrement vêtus dans une station de lavage automatique à vocation humaine, sorte de carwash pour Homo sapiens. Il faut bien reconnaître qu’après tout ça, il ne reste que peu de temps pour assister aux concerts.
"Ici, on peut même se faire toiletter par des mannequins légèrement vêtus"
Mais encore une fois, je sais où je suis. A la bonne place, à la bonne heure et avec les gens qu’il faut! Cependant, il y a tout de même un concert que je n’aurais voulu manquer sous aucun pretexte. Celui du samedi soir. Y-a-t-il quelqu’un dans la salle qui a une dent contre les Pet Shop Boys ? Il faut bien le reconnaître : leur spectacle est pour le moins phénoménal. Son côté propre sur lui et sa perfection esthétique m’en ferait presque oublier le petit fumet d’urine qui émane des alentours. Toutefois, ce qui me déprime un peu dans leur tenue de scène, malgré les bons souvenirs que cela ravive, c’est qu’ils se mettent à ressembler un peu à un de ces vieux couples à la Truman Capote, vêtu dans d’exubérantes couleurs, nimbant soudain leur légende d’une touche un peu pathétique qui me fait inévitablement penser que Niel Tennant semble avoir pris de la bouteille.
40 ans et presque pas une ride !
Roskilde n’est peut-être pas le plus grand, ni le plus furieux des festivals européens, mais je doute fort que l’on en trouve un qui offre des infrastructures aussi performantes et une organisation aussi bien planifiée. Après l’enfer logistique que fut, juste une semaine auparavant, la Fusion de Berlin, j’ai été heureusement surpris de constater que le train à bord duquel je suis monté en gare centrale de Copenhague mettait moins d’une heure pour arriver sur place.
Après pratiquement quarante années d’existence, le festival peut se vanter d’avoir sa propre gare de desserte, mais également sa radio, son journal, sa patinoire, son cinéma, ses lacs artificiels, sa grande roue, son supermarché sur le site et tout ce que l’on peut trouver de consommable à consommer, à commencer par la soupe macrobiotique déshydratée au Havane cubain dont il sera possible de savourer l’arôme au bar à whisky, le tout payable en carte de crédit.
En l’an 2000, l’accident qui avait causé la mort accidentelle de 9 jeunes hommes au cours d’une bousculade, en provoquant de nombreuses critiques à l’encontre de l’organisation, a entrainé d’importants investissements en matière de sécurité et de prévention. Les mouvements de foule sont aujourd’hui savamment régulés. Par exemple, circuler juché sur les épaules d’une autre personne est désormais interdit.
Dans les grands espaces de spectacles, la surface habitable a été divisée en plusieurs secteurs que séparent des couloirs de circulation permettant de rendre les mouvements de masse plus fluides. L’endroit parait aussi bien sécurisé que n’importe quelle salle de théâtre suédoise construite selon des normes strictes. Il ne faut pas oublier que Roskilde constitue le plus grand évènement culturel de toute la Scandinavie.
On pourrait presque y voir une réplique des grandes Dionysies de l’Antiquité grecque revues par l’Etat-Providence à la mode scandinave… en plus rock! Et le dieu vénéré des lieux se nomme avant tout confort. Certes, il y a beaucoup de réglementations à respecter, de barres et des ceintures de sécurité à tous les coins de rue, mais tout le monde y est le bienvenu !
Translated from Roskilde festival '09, dionysian mini-version of modern Scandinavian welfare states