Femme d'affaire le jour, éleveuse la nuit
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Anaïs DE VITATandis que les villages d'Europe sont de plus en plus délaissés pour les grandes villes, quelques uns vont à contre courant et retournent à la ferme. Zlatina Antova, une jeune bulgare, suit ce mouvement.
"Personne ne nous fait vraiment confiance, on se demande comment des jeunes comme nous en sont arrivés là", constate Zlatina Antova, jeune femme de 27 ans. Pendant la semaine, elle travaille au technopôle de Sofia, et les week-ends elle élève son bétail dans le village de Brakyovtsi, à l'ouest de la Bulgarie, où elle souhaite implanter sa propre ferme de bovins.
Zlatina et son compagnon ont acheté dix vaches jusqu'à présent. Ils ont déjà un veau et attendent la naissance de cinq autres. Les vaches vivent dans un bâtiment rénové près de leur maison de campagne. Pendant la semaine, ce sont les proches du couple qui s'occupent du bétail. Le week-end, Zlatina prend le relais et traie, nourrit les animaux et nettoie l'étable.
Ces deux-là ont sans doute des envies matérielles différentes de celles de la plupart des jeunes de leur âge. Ils rêvent de "tracteurs, de réservoirs de réfrigération du lait, et à tous les éléments permettant de moderniser leur exploitation", pour se développer. Pour le moment, ils possèdent l'équipement nécessaire, "tous les types d'outils, des bidons de lait, une machine à traire. Machine qui peut sembler étrange pour le profane, mais que Zlatina a obtenu très difficilement. Son mari et elle-même attendent d'être enregistrés au registre des agriculteurs- éleveurs. Pour cela, ils ont principalement besoin de la machine à traire, d'un pâturage et d'une étable propre.
"Quand je suis loin de mes bêtes, elles me manquent. Nous élevons également des volailles : poulets, canards et dindes pour les besoins de la famille. Toutes ces espèces sont différentes et je suis fascinée par leur côté affectif. Je ne réfléchis pas trop aux différences entre les deux mondes dans lesquels j'évolue - le business et l'agriculture, sans doute parce que je n'en ai pas trop le temps."
Qui a renversé le lait ?
Selon le registre des états civils bulgare, le village de Brakyovtsi est peuplé de près de 50 habitants et se situe à l'Ouest de la Bulgarie, là où la vie rurale s'éteind à la manière d'autres villages dans le pays.
Zlatina et son compagnon font partie de ceux qui ont décidé d'aller à contre courant. Pendant la transition démocratique, la Bulgarie a perdu près de 10 millions de moutons. Le cheptel du pays comptait 2,3 millions de têtes en 1990, comparé aux 560 000 de 2012.
Pour continuer avec les stats, 1 130 villages de Bulgarie comptent 1 à 49 personnes âgées. Quelques 200 villages fantômes sont totalement désertés. Le ministère de l'Agriculture constate que la quantité de lait transformé en Bulgarie est en baisse constante. Le nombre de packs de lait et de yahourts a globalement diminué de 2 % l'année dernière.
La génération FarmVille et l'administration
La plupart des jeunes doivent bien savoir comment diriger une ferme depuis que le jeu FarmVille est arrivé sur Facebook. Mais l'administration leur met des bâtons dans les roues : ces jeunes en reconversion font face à l'incompréhension des organismes qui devraient leur donner un coup de pouce.
"Ce qui me choque le plus, c'est que l'administration nous regarde avec de grands yeux, comme si on était fous et que nous ne savions pas ce que nous voulions," explique Zlatina. "D'un point de vue administratif, c'est la préparation des documents nécessaires qui est contraignante car un document en appelle forcément un autre."
Il existe des fonds européens pour aider à démarrer et à moderniser les exploitations agricoles, mais elles ont été suspendues et "personne ne sait s'il y en aura à nouveau un jour ou non", explique Zlatina. Et puis l'instabilité politique des derniers mois n'a fait que retarder les projets des jeunes agriculteurs.
"Nous avons de la chance de posséder notre propre ferme et d'être dans une région propice à son développement économique, si je peux m'exprimer en ces termes. Je m'attends encore à des "surprises" car les subventions nous ont été refusées par divers programmes à cause de manoeuvres de la part d'un comité agricole qui n'aide que ses semblables."
Si Zlatina et son compagnon se voit octroyés des aides, ils pourront réaliser leur rêve. Il y a quelques temps de cela, ils ont tous deux perdu leur emploi au même moment. Ils ont alors décidé d'investir dans cette activité d'élevage. Plus tard, ils ont retrouvé du travail, mais n'ont pas abandonné leurs projets champêtres, en commençant par acheter des vaches dont les parents s'occupent en semaine.
"A vrai dire, être seul pour régler toute la paperasse est un vrai calvaire, mais ça ne doit pas décourager ceux qui souhaitent se lancer. Chacun de nous prend part à la création des documents et apprend les spécificités de l'élevage du bétail.
Zlatina reçoit de nombreuses commandes pour acheminer son lait. Elle n'aime pas le pain tout fait et préfère le pétrir elle-même - "la cuisine maison est accessible à tous et fiable. "
"C'est sûr aujourd'hui on a oublié ce qu'est la vie à la campagne et quels efforts elle suppose. Quand nous faisons nos courses, nous ne pensons jamais à la manière dont les produits ont été acheminés... Nous devons être disponibles à la ferme 24/24h et 7/7j. Et puis, notre travail c'est de ne jamais laisser un animal affamé ou sale. Au final, le plaisir avec lequel on mange de la bonne nourriture, le nôtre, permet d'oublier tous nos efforts.
Translated from Business Park by Day, Farmer by Night