Encore une opportunité perdue ?
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florence brissetLe rôle supposé de la société civile dans la Convention se réduit à une simple question d’image.
La Convention européenne, forum créé pour institutionnaliser le débat sur le futur de l’Union européenne et de ses possibles réformes, est entrée dans la phase finale de ses travaux. Après avoir écouté les propositions de la société civile, des institutions, des gouvernements, de le jeunesse et de onze groupes de travail thématiques en son sein, le moment est arrivé pour la Convention de prendre des décisions et de coordonner les objectifs et les moyens de notre Europe.
Une méthode de travail contestable
Il n’est pas simple de trouver un accord. A ces mois durant lesquels de nouvelles propositions ont été apportées, il faut ajouter les visions différentes, et souvent contradictoires, des 118 membres de la Convention, imprégnés à leur tour de la perspective de chacun des Etats, partis, groupes de travail et institutions qu’ils représentent.
Prenant en compte ce panorama kaléidoscopique de l’Europe, la Présidence de la Convention a présenté ce 28 octobre dernier un projet de Constitution de l’Union européenne, qui est débattu actuellement par les membres de la Convention. Ce projet se divise juridiquement en deux blocs. D’un côté les quarante articles dédiés aux objectifs de l’Union : citoyenneté, droits fondamentaux, concurrence, institutions, finances, démocratie, affaires étrangères et processus d’adhésion. Un autre bloc se compose de politiques communautaires en vingt-trois articles. Aucune des remarques faites antérieurement ne sont importantes à ce niveau du debatlables n’est pour le moment inaliénable du débat, pas même ceux des groupes de travail. Tout est, de nouveau, contestable.
Il était évident que ce brouillon ne convaincrait pas tous les membres de la Convention. Ce qui était imprévisible, c’est que plus de mille amendements on été déposés dès les seize premiers articles du projet. La méthode de travail de la Convention se base sur le consensus. Le vote ne se réalise pas par le nombre de voix, il faut une large majorité de l’assemblée. Ce n’est pas l’unanimité, mais les positions doivent être largement acceptées. La Présidence regroupe les amendements par thème et par article, puis, dans les séances plénières, les orateurs les défendent en public. La Présidence est chargée de dégager un consensus.
Il n’est pas difficile d’imaginer la raison pour laquelle il a été nécessaire de mettre en place des séances supplémentaires. Non seulement les débats s’étendent indéfiniment, mais les négociations politiques dépendent de tout un processus. Comme les décisions ne se prennent pas au nombre de votes, les négociations informelles entre membres de la Convention prennent de l’importance, parallèlement au renforcement du rôle de la Présidence comme dernière instance dans la prise de décision. La date de fin des travaux, au départ fixée pour cette année, s’éloigne de plus en plus.
Il paraît logique de s’interroger sur la raison d’être de ce système qui est appelé à éliminer les déficiences de l’UE mais qui en pratique n’est que le reflet de ces mêmes problèmes. Cette méthode, comme première tentative de dépasser l’approche intergouvernementale dans la prise de décision, a déjà été utilisée par la Convention pour la Charte des Droits fondamentaux. Elle présentait les mêmes défauts qu’actuellement, sans avoir été améliorée.
L’hypothétique importance des citoyens
Le modèle de la Convention est une simple étape préalable à la décision gouvernementale, dans l’idée qu’une réforme ayant suscité un consensus entre ce large éventail d’idéologies sera plus facilement acceptée par les gouvernements des Etats membres. Ceux-ci doivent prendre une décision à l’unanimité. De plus, s’il est permis aux secteurs les plus critiques, comme peuvent l’être la jeunesse ou la société civile, d’intervenir dans ce processus, le succès paraît assuré. La société civile reçoit des « ballons-sondes » périodiques dans lesquels son intervention est présentée comme cruciale. Ce ne sont que des détails, parfois triviaux, qui font réaliser aux citoyens les changements imminents, et qui sous-tendent que l’opinion du grand public est essentielle. Pourtant, juridiquement, ni les opinions des citoyens ni même celles des membres de la Convention ne sont importantes. Il s’agit d’un système de sondage, un sondage coûteux et complexe, grâce auquel les gouvernements se tiennent au courant des opinions existantes avant de prendre leurs décisions. Les seules qui, légalement, ont une valeur.
Un peu plus tard que prévu, la Convention mettra un point final à ses travaux en adoptant un texte définitif. Cet avant-projet devrait être présenté par le Président [de la Convention] Giscard D’Estaing au Conseil européen du second semestre de cette année. Selon l’article 48 du traité de l’Union, seule la conférence intergouvernementale de 2004 sera compétente pour adopter cette Constitution européenne. En conséquence, ce seront une fois de plus les chefs d’Etat et de gouvernement qui prendront la décision finale.
Les dangers d’un référendum
Il semble clair qu’il s’agit d’une Constitution pour l’Europe. En droit, pour rédiger une Carta Magna, il faut un Constituant, peut-être représenté par la Convention outrepassant son mandat et un demos européen, qui approuve le texte par référendum. Il me paraît peu probable que cette dernière mesure soit mise en place. Ce serait très imprudent, étant donné que les gouvernements européens peuvent se heurter à un refus de la société civile. Il semble découler des débats qu’un Traité constitutionnel sera approuvé par les gouvernements, mais qu’il sera présenté aux citoyens européens comme une Constitution. C’est une opération de marketing.
A la marge des problèmes juridiques de fond que cela représente, le principal défi auquel est confronté ce processus est politique. Les problèmes auxquels la Convention va devoir faire face dans les prochains mois sont sérieux et nombreux. Je ne me risquerai pas à deviner quels seront les résultats. Deux fois nous avons échoué en essayant de créer une Europe citoyenne, allant plus loin que l’Europe économique. Au sein du panorama international actuel, il serait fâcheux que ce processus se répète dans un futur proche. J’espère seulement que cette fois nous n’échouerons pas.
Translated from “¿Otra oportunidad perdida?”