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élections turques : des visages connus pour relever de nouveaux défis

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Translation by:

Camille Baissat

Politique

Alors que l’ancien premier ministre Erdogan a récemment été élu en tant que président, deux jeunes Turcs nous livrent leur sentiment sur l’avenir de leur pays et sur la relation qu’entretient la Turquie avec l’Union européenne.

Recep Tayyip Erdogan a gagné la première élection présidentielle au suffrage universel qu’a connue la Turquie. Une fois de plus, ce dernier s’est avéré être une figure politique habile et charismatique, très appréciée pour les décisions prises pour orienter le pays. Ayant été premier ministre pendant douze ans, Erdogan est considéré comme l’une des figures politiques les plus influentes depuis Mustafa « Atatürk » Kemal (« Le père des Turcs »). On le voit notamment comme le responsable politique ayant permis à la Turquie de se développer jusqu’à devenir la 17ème puissance économique mondiale et qui a permis au pays de faire son entrée au G20 pour la toute première fois. 

En raison des règles posées par le Parti pour la Justice et le Développement (AKP), Erdogan ne pouvait être candidat pour briguer un quatrième mandat en tant que premier ministre, c’est pourquoi il s’est présenté en tant que candidat pour les présidentielles. Après avoir gagné le soutien de 52% des votants dès le premier tour le 10 août, Erdogan souhaite remodeler le système turc afin de renforcer la place du chef d’Etat, qui deviendrait ainsi la personne la plus influente, remplaçant de fait le premier ministre.

Bogdan Pavel, un journaliste de cafébabel a rencontré et interviewé deux jeunes avant la tenue des élections. Efehan tout comme Ismail sont socialement engagés au sein de l’organisation YASOM (Information Youth Centre) à Istanbul. Il leur a demandé quels étaient selon eux les plus grands défis auxquels la Turquie sera confrontée à l’avenir.

Bogdan Pavel : Pensez-vous que les jeunes se sentent impuissants quand on repense aux manifestations qui se sont tenues en Turquie en 2013 et 2014 [dirigées contre les dérives autoritaires du gouvernement Erdogan, ndlt] ?

Efehan : La population turque est l’une des plus jeunes dans le monde et on peut dire que la jeunesse aborde de multiples visages. Il y a un groupe qui se satisfait de l’orientation actuelle que prend le pays, notamment en raison de la hausse de niveau de vie et qui pense que la Turquie est en train de monter. Et de l’autre côté, il y a un autre groupe qui est mécontent, en raison de la montée récente de l’autoritarisme en Turquie. Mais pour moi, c’est dur de dire que la situation est sans espoir. Et je dis cela en pensant aux manifestations récentes qui se sont tenues au Parc de Gezi ou à d’autres initiatives civiles comme « Vote and Beyond », introduite pendant les élections de mars 2014, qui a recruté et entraîné des observateurs électoraux volontaires et impartiaux. Elle a notamment rassemblé 30 000 volontaires à Istanbul.

Ismail : En réalité, les manifestations ont donné naissance à un autre type d’espoir pour les jeunes puisqu’auparavant ils se sentaient oppressés par le gouvernement (la plupart des gens décide de soutenir le gouvernement car ils ne sont pas assez bien informés ou éduqués, ou alors pour des raisons financières).

BP : Selon un Eurobaromètre récent (juillet 2014), le chômage, qui touche en particulier les jeunes de moins de 25 ans, est la seconde préoccupation des citoyens européens : comment se dessine la situation en Turquie ?

E : Le chômage chez les jeunes pose également problème en Turquie (il s’élève à 17% en 2013 selon Eurostat), mais pas autant que dans certains pays du sud de l’Union européenne. Bien entendu, l’emploi et les perspectives d’avenir sont les principales préoccupations des jeunes, mais la croissance économique qu’a connue la Turquie ces dernières années a gardé le chômage relativement au rabais.

I : Les gens sont sans espoir et ils se fichent de l’éducation. En fait, la plupart d’entre eux essaient de travailler pour le gouvernement (petits fonctionnaires etc) car ils croient que c’est la clé pour bénéficier d’une sécurité de l’emploi à vie. Au sein du secteur privé, les conditions de travail sont très mauvaises pour de nombreuses personnes et les salaires sont faibles, ce qui fait que nombre de jeunes ne croient pas qu’il est possible de faire décemment carrière dans le privé. 

BP : Que pensez-vous de la politique étrangère actuelle de la Turquie ? Pensez-vous que la Turquie peut devenir membre de l’Union européenne ? Ou pensez-vous qu’elle se tourne davantage vers l’Asie ?​

E : La politique « zéro problème avec les voisins » de Davutoglu (le ministre turque des affaires étrangères) était ambitieuse mais elle est maintenant coincée en raison des défis sécuritaires dans le voisinage élargi, en Irak et en Ukraine. Depuis le milieu du mois de juin, 49 diplomates et citoyens turques ont été pris en otage par l'Etat Islamique à Mossoul. C’est le principal problème qu’il faut régler. A long-terme, je vois la Turquie en tant que membre de l’Union européenne. Selon moi, à l’heure actuelle les deux parties ne sont pas prêtes pour un tel changement.

I : C’est le plus gros dilemme. Notre économie est au bord du gouffre et notre peuple refuse de réagir. Une partie de la population souhaite intégrer l’Union européenne, l’autre partie ne le désire pas. Ainsi, à moins qu’il n’y ait un gros changement en Turquie, la situation risque de rester identique pendant encore 20 ou 30 ans.

Le principal défi auquel la Turquie est confrontée est d’harmoniser ses ambitions. Bien que la situation économique ait été améliorée, la démocratie doit encore être consolidée. Ce changement est nécessaire si le pays souhaite devenir membre de l’Union européenne et s’il veut donner une meilleure image à sa population.

Translated from Turkish Elections: Old Face, New Challenges