Diskutier Mit Mir: Quand les contraires politiques s’attirent
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Flavie PrieuxPlus que quelques jours avant que l’Allemagne se rende aux urnes. Même si beaucoup ont décrit cette campagne comme ennuyeuse et sans évènements, Louis Klamroth et son équipe de Diskutier Mit Mir mettent un peu de piment. Leur plateforme de chat en ligne rassemble par paire des gens de chaque extrême du spectre politique Allemand, forçant des étrangers à confronter et justifier leur vote à venir.
La fête est finie. Les lumières s’éteignent petit à petit. Louis est toujours présent à la table avec Katrin Göring-Eckardt, la nouvelle leader du parti conservateur des verts. Ils sont à l’Alte Kraftwerk, une ancienne usine électrique au centre de Berlin. Elle est maintenant utilisée pour des évènements et par des entreprises, et est aussi l’hôte d’un studio télé où Louis Klamroth réalise ses émissions de talkshow politique Klamroth’s Konter sur n-TV. Il est le plus jeune présentateur de talkshow de l’histoire Allemande. Konfrontativ, kritisch, kurzweilig” (“Conflictuel, critique et amusant”) c’est le mantra de l’émission. Il a reçu des invités de tout le spectre politique Allemand pour des entretiens de 20-30minutes lors d’une saison électorale bien chargée. Des segments en directs et cette émission hebdomadaire ont un peu pimentés la couverture de cette campagne réalisée par ce nouveau jeune visage. Parce qu’en dehors de ça, nous avoue Louis, ça a été un peu ennuyeux.
En dehors de son émission hebdomadaire, il a travaillé à un autre projet, qui avait pour but de faciliter la discussion entre les gens des deux côtés du spectre politique. Un espace en ligne où quelqu’un qui supporte Göring-Eckardt et les verts pouvait discuter avec un fan de Merkel ou un votant plus à droite encore. Cela s’appelle Diskutier mit Mir [NB. ”Discute avec moi” en Allemand].
Plus que quelques jours avant que l’Allemagne ne se rende aux urnes. La saison électorale est normalement une période de division, de polarisation et de débats animés. C’est normalement une période où les opinons politiques et les discutions vous tombent dessus à n’importe quel moment, et les plaisanteries politiques induites par l’alcool parviennent à vos oreille dans n’importe quel bar où vous vous rendez. Mais pas en Allemagne, où nombreux sont ceux qui ont décrit cette élection comme tranquille, ennuyeuse ou « déjà pliée ». Même Nigel Farage n’a pas réussi à la faire remuer. Le consensus général est qu’Angela Merkel restera chancelière, et la plupart des discussions portent sur l’aboutissement de la coalition qui doit encore être formée. Va-t-elle s’associée avec les verts, ses libéraux préférés ou la grande coalition va-t-elle perdurer (CDU et SPD) ? Et que va faire le parti plus à droite d’Alternative für Deutschland(Alternative pour l’Allemagne) ?
Eclater les bulles
Dans la vraie vie et sur les réseaux sociaux, les gens dont les idées sont opposées sur le spectre politique ne se parlent pas vraiment. Prenons cet exemple : un certain Peter est fan du AfD. Il est probablement très énervé à propos de ce qui est arrivé à Hambourg durant le G20 et à ses propres opinons sur l’immigration. S’il voulait en discuter avec Heike – qui est très inquiète du changement climatique et a probablement des opinions opposées sur le thème des migrants, mais serait peut-être sur la même longueur d’onde concernant l’évènement de Hambourg – où pourraient-ils en débattre ? Comment pourraient-ils se rencontrer ? Dans la vraie vie, à cause de la polarisation extrême du paysage médiatique, nous entrons rarement en contact avec des gens qui ont des opinons largement différentes des nôtres.
La bulle de filtre. Ce concept vague est devenu populaire après les chocs du Brexit et de l’élection de Trump en 2016. Il a conduit les analystes et les commentateurs à jouer des coudes entre eux pour faire la lumière sur le sujet. Qu’importe votre opinion sur la question, elle devient effectivement une réalité palpable dans le monde d’aujourd’hui. Mais est-il possible de faire éclater ces bulles ?
Le Reichstag | © Mick ter Reehorst
Des Pays-Bas à l’Allemagne
Trois jeunes dans le coup sont assis dans un espace de coworking Berlinois. Leur but ? Eclater les dites « bulles de filtres ». Ils rient : “C’est ambitieux hein ? La montée va être raide !”
Ces trois jeunes entrepreneurs sont Moritz Hohenfeld, Niklas Rakowski, et le charismatique Louis Klamroth, la star de cinéma. Leur plan est simple : inviter des gens des différents bords du spectre politique à avoir une conversation l’un avec l’autre sur un chat en ligne – Diskutier Mit Mir.
“Nous n’avons pas inventé le concept” admet Louis rapidement, “ C’est inspiré de Waarom Kies Jij? [NB. Pourquoi tu choisis? En Néerlandais], qui a été mis en place dans la période pré-électorale en Hollande en Février dernier. » Waarom Kies Jij était une plateforme qui permettais à des visiteurs aléatoire du site de choisir leur orientation politique et d’être matchés avec quelqu’un de « l’autre bord » dans le but d’avoir une conversation. L’initiative a été mise en place par un groupe d’étudiants Néerlandais qui avaient le sentiment que, particulièrement après les élections américaines, la polarisation de la société était quelque chose qui pouvait seulement être combattu en forçant les gens à débattre. Ils ont hébergés plus de 50 000 conversations dans la période pré-électorale et ont fait les gros titres des journaux avec leur intention d’éclater la bulle de filtre Hollandaise. NRC, un des plus gros journaux du pays s’est associé avec eux dans le but de faciliter les discutions dans la vie réelle, à côté de la possibilité de le faire en ligne.
Louis connaissait les personnes derrière cette innovation hollandaise et il nous raconte qu’il était sur le point de leur écrire quand ils l’ont contacté pour lui dire qu’il serait formidable d’utiliser cela en Allemagne aussi. « J’ai immédiatement appelé Moritz and Niklas et ils se sont lancés dans l’aventure. Nous avons tous été immédiatement convaincu par l’idée. Mais oui, maintenant on est mercredi soir à 22h45 et nous sommes encore en train de travailler. C’était plus de travail que ce que l’on pensait » admet Klamroth.
Les garçons se connaissent depuis la maternelle ou le lycée et ils ont toujours voulu monter ensemble un projet de ce type. « Il n’y a jamais eu de dispute ou de débat, juste des discutions. Nous communiquons parfaitement. » dit Louis. « Mais cela rend la chose assez peu professionnelle pour être honnête » ajoute Niklas en riant. Les bouteilles de bières vides et les néons de cet espace industriel de travail ne sont pas très flatteurs, mais ils gardent éveillés ces travailleurs acharnés. Pour décrire leur projet, ils ont créé un pitcth de présentation de 30 secondes :
Niklas: “ Nous mettons les gens en contact et nous les laissons discuter de politique. Nous relions des gens qui ont des idées politiques différentes et on leur permet de discuter de politique… pas vrai ? »
Louis: On veut éclater les bulles de filtre. On invite des gens avec toutes sorte d’idées politique à matcher ensemble sur notre plateforme et ils engagent une conversation, et commencent à se parler les uns aux autres au lieu des uns sur les autres ».
Moritz est plus pragmatique, il dit “ Vous allez sur le site, vous choisissez un parti ou une orientation, vous vous retrouver matcher avec quelqu’un qui est aussi éloigné possible de vous sur le spectre et le site facilite un espace de discussion pour vous deux. Un dialogue politique qui est rare en ligne. »
L’idée derrière tout ça est assez claire, particulièrement si on jette un œil au site. Tout y est assez simple, pas besoin de s’enregistrer, pas d’informations à fournir. Juste un simple – mais très bien désigné – système de type Chatroulette, où vous matcher avec votre antithèse politique. « Nous ne pouvons juger de la qualité des discussions » ajoute Niklas, « Nous ne sommes pas aptes à regarder les conversations. On peut voir des indicateurs, comme la longueur de la discussion et les thèmes choisis. Cela nous donne pas mal de feedback sans être intrusif ».
Diskutier Mit Mir | © Mick ter Reehorst
Après avoir parcouru le site web, c’est le moment de s’engager dans une conversation test avec Niklas. « Cela demande un effort de votre part, pour savoir sortir de votre zone de confort » dit-il. « La plupart du temps, quand cela arrive en ligne – sur Facebook, dans la section commentaire – cela ne se termine jamais par une discussion constructive, mais plutôt avec les gens qui glissent vers des discours de haine. La solution à cela est une discussion en direct avec la personne et sans audience. » Mais en quoi cela serait-il différent ? Particulièrement si vous avez des gens avec des idées si opposés discutant ensemble. Cela ne va-t-il pas être une conversation soit super superficielle ou super haineuse ?
« Oui c’est sur que les deux sont possible. Mais l’expérience néerlandaise a montré que sur les 35 000 conversations ils n’ont eu a bannir qu’une seule personne”, nous explique les garçons. Moritz mentionne qu’ils planifie de cibler des communautés spécifiques avec les publicité de facebook personalisées, et d’utiliser la présence médiqtique de Louis. Niklas se réfère à un pojet similaire par le Die ZeitOnline, appellé Deutschland Spricht. « C’était un beau projet, les discussions étaient probablement plus intéressantes que les nôtres, mais notre projet en ligne est plus facile à utiliser. Vous pouvez matcher des gens de Bavière avec des gens d’Hambourg et ils peuvent parler de la Grèce ou de l’Euro » nous dit Moritz. « Nous ne vendons pas ça comme une start-up sociale, c’est d’abord une plateforme… c’est trois clics sur un site et vous êtes dans une conversation. C’est aussi simple que ça se doit de l’être».
Une discussion avec DMM | © Mick ter Reehorst
Des conversations fructueuses
Nous sommes à deux semaines de l’élection et Louis est heureux du lancement. Ils ont eu 80 000 clics dans les deux premières semaines et plus de 10 000 conversations. « Mais je suis plus fier de la longueur des conversations. La plupart des visiteurs passent environ 8 minutes sur le site web. Nous avons réussi à en faire un outil engageant, où les gens restent pour des conversations pleines de sens. » Quand on leur demande comment sont les élections en ce moment, Louis mentionne qu’elles fonctionnent à l’opposé de Diskutier Mit Mir : « Le cycle électoral n’est pas très polarisé, ce qui est une bonne chose bien sûr, mais cela signifie que les gens sont moins volontaires ou même moins amenés à s’engager dans ce style de conversation controversées. »
Le premier débat télévisé entre la chancelière Merkel et son principal opposant (et partenaire dans la coalition actuelle) Martin Schulz du parti Social-démocrate (SPD) a largement été vu comme remporté par Merkel et a montré la stabilité de sa position. Il a aussi montré la nature non-polarisée de ces élections. Les deux candidats se sont affrontés sur les thèmes des migrants et de la Turquie, mais Schulz n’a jamais semblé à même de montrer une nécessité pour l’Allemagne de se diriger dans une autre direction. La principale conclusion : La position de Merkel est assurée et il n’y a pas de menace réelle pour la direction dans laquelle elle a mené l’Allemagne ces dernières années.
Mais même si les élections Allemandes ne sont pas polarisées, les garçons de Diskutier Mit Mir ont réussi à faire marcher les choses. « Nous avons réussi à avoir des gens avec des opinions politiques différentes qui sont venus sur notre site et ont discutés. Du parti de l’AfD et des AntiFa, des chrétiens et des jeunes geeks de start-up, des jeunes mères et des retraités. Souvent, il est difficile d’avoir l’adhésion de deux extrêmes à votre travail, et nous l’avons réussi. Je suis content pour ça. » Le groupe est aussi en cours de discussion pour faire perdurer le projet après les élections, peut-être au niveau Européen. « Vous pouvez utiliser cet outil pour n’importe quelle discussion sociétale. Que ce soit des élections régionales ou un referendum Européen. Ce que vous voulez. C’est vraiment très cool et très nécessaire » dit Louis. C’est prometteur que cet outil puisse s’utiliser à des niveaux régionaux ou Européen. Cela pourrait être exactement ce dont a besoin le continent en ce moment.
Les cycles électoraux polarisés de pays comme les Pays-Bas, l’Autriche, le Royaume-Uni, la France et de gros évènements comme le G20 à Hambourg ont montrés ce qu’il se passait quand les gens se retranchaient dans leurs propres bulles et n’en sortaient pas pour discuter. WaaromKiesJij aux Pays-Bas, Diskutier Mit Mir en Allemagne et d’autres projets dans tout le continent pourraient être des outils très utiles pour permettre aux gens d’engager des conversations. Cela serait très certainement bénéfique pour toute l’Europe.
Translated from Diskutier Mit Mir: Where political opposites attract