Conversations au cœur de la Jungle de Calais
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Marie-Emmanuelle MOKWAPILe bénévolat ne se résume pas simplement à faire don de ses biens matériels, ou à construire des orphelinats à l’autre bout du monde. Parfois, cela peut prendre l'aspect d'une simple conversation.
Le camp des réfugiés de Calais, plus connu sous le nom de « Jungle », abrite actuellement près de 7 300 ressortissants d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient : ces personnes tentent d’effectuer la traversée de la Manche afin de s’installer et de travailler au Royaume-Uni. À la suite de leurs témoignages relayés aux infos, Adela, 23 ans, étudiante à Sheffield, a décidé en juin dernier de leur apporter son aide.
« Je ne savais pas trop comment j’allais m’y rendre, confie-t-elle. Il était clair que je ne pouvais pas errer seule dans un camp de réfugiés… J’ai entendu parler de Care4Calais, une ONG qui gère un entrepôt de dons à 15 minutes en voiture de la Jungle. »
Adela à Sheffield, et pendant sa mission de bénévole avec Care4Calais. Bougez le panneau pour afficher chaque photo.
Toutes les auberges de jeunesse étant complètes, Adela a fini par passer six jours dans un camping voisin : les propriétaires du camping n’avaient visiblement pas l’air très ravis de savoir la Jungle à proximité. « Nous n’étions pas autorisés à révéler à quiconque le but de notre présence ici. Il y a un an de ça à peu près, des bénévoles de longue durée ont séjourné ici : dès que les propriétaires ont découvert qui ils étaient, ils les ont virés du camping ».
La mission bénévole d’Adela était divisée en deux actions principales. Le matin, elle était chargée de trier la montagne de dons de vêtements. L’après-midi, elle s’attelait soit à prodiguer des cours d’art plastique et d’anglais, soit à distribuer des ballots de vêtements et des colis alimentaires à celles et ceux qui en avaient besoin. L’abondance des dons l’a étonné : « Les réfugiés reçoivent des dons de vêtements en excellent état, dans le camp, chacun se balade avec une paire de baskets Nike dernier cri et un survêtement neuf ».
En réalité, les vêtements que l’ONG Care4Calais ne retenait pas étaient le plus souvent envoyés aux quatre coins du monde. « Je trouvais ça étrange, parce que ces dons avaient déjà parcouru une telle distance pour arriver à Calais et que par la suite, l’organisation payait davantage pour les transférer vers la Syrie, dans certains cas, pour les renvoyer vers l’Angleterre au profit d’œuvres de charité locales ».
L’après-midi, Adela enseignait l’anglais dans la Jungle : elle s’est rapidement rendu compte que de nombreux réfugiés étaient surqualifiés. « Certains réfugiés parlaient parfaitement l’anglais, dans leurs pays d’origine. Ils étaient médecins, enseignants, je crois qu’ils assistaient aux cours parce qu’ils avaient juste envie de faire un brin de conversation. Les gens s’ennuyaient là-bas. Le problème n’est pas de survivre dans la Jungle, les réfugiés ne manquent de rien. Il s’agit plutôt d’améliorer le quotidien. »
Bien entendu, à l’inverse de nombreux camps de réfugiés, la Jungle n’est avant tout qu’une étape transitoire vers la destination finale. Pour ces personnes qui ont parcouru des milliers de kilomètres jusqu’à Calais, la ligne d’arrivée que représente l’Angleterre doit paraître tellement proche et frustrante à la fois.
« Le dernier jour de mission, j’ai rencontré un homme là-bas. Je lui ai demandé "Que faites-vous lorsque vous n’assistez pas aux cours d’anglais ?" Il m’a répondu, "Le matin, je me lève, j’essaie de passer la clôture, puis la police m’arrête. Après le déjeuner, je retourne à la clôture pour la franchir à nouveau, la police m’arrête encore, puis je retourne au camp. Enfin, le soir, je retente ma chance. Chaque jour depuis mon arrivée, et ce trois fois par jour, je tente de franchir cette clôture pour atteindre l’Angleterre". Son témoignage était si bouleversant, parce qu’il paraissait si déterminé, mais même s’il arrivait en Angleterre, il est probable qu’il soit arrêté et renvoyé à Calais. »
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Cet article fait partie de notre dossier The Other Side of Summer qui fait la lumière sur ces jeunes qui ont sacrifié leur été pour aider les autres.
Translated from Conversations from the Calais Jungle