Catherine Hakim : Mesdames, utilisez votre capital érotique !
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Marianne PfisterPierre Bourdieu aidant, nous savons que nous disposons tous d’un capital économique, social, culturel…Cela dit, une sociologue britannique, Catherine Hakim, issue de la London School of Economics, a ajouté une appendice à la thèse : le capital érotique. Critique en surface d’un féminisme en apparence.
Selon Catherine Hakim, la présidente du Fonds monétaire internationale (FMI), Christine Lagarde, est le plus bel exemple d’une femme qui sait utiliser son capital érotique. Bonne nouvelle pour toutes les femmes qui ne s’appellent pas Gisele Bündchen et pour tous les hommes dont le nom de famille n’est pas Pitt, on peut acquérir un capital érotique, car il n’est qu’en partie inné ! Hakim distingue six éléments composant le capital érotique : la beauté, l’attirance sexuelle, les compétences sociales, la vivacité, le comportement en société et la sexualité. En règle générale les femmes disposent d’un plus grand capital érotique que les hommes car – ouvrez bien vos oreilles - elles le développent plus ! Jusqu’ici tout va bien. Il est seulement dommage que les femmes ne l’utilisent presque pas dans leur milieu professionnel. Et qui en est responsable ? Hakim, féministe auto proclamée répond : les hommes autant que les femmes. Et plus précisément, la société patriarcale et le féminisme.
Rien dans la tête, tout dans le soutien-gorge
Au cours des interviews, Catherine Hakim n’aborde presque pas ce sujet. En revanche, dans son article « Capital érotique », paru en 2010 dans la revue européenne de sociologie, elle expose plus clairement son argumentation : « En règle générale, comme les femmes disposent d’un plus grand capital érotique que les hommes, ces derniers nient son existence ou le considèrent sans importance. Et ils ont pris des mesures pour que les femmes ne puissent pas, légitimement, utiliser cet avantage relatif ». Selon Hakim, le patriarcat empêche les femmes d’utiliser leur capital érotique. On peut aussi le formuler ainsi : si elles recourent à leur capital érotique on fera en sorte qu’elles aient mauvaise conscience. Elles seront cataloguées parmi les idiotes. En effet, pourquoi utiliser leur capital érotique si ce n’est pour dissimuler leur déficience intellectuelle et leur manque de connaissances ? Rien dans la tête, tout dans le soutien-gorge. Le capital érotique peut ainsi devenir un inconvénient.
D’après Catherine, cette approche se retrouve aussi en sciences sociales : « le capital érotique n’est pas pris en compte car il concerne principalement les femmes et, en règle générale, les sciences sociales ne s’intéressent pas aux femmes et se focalisent sur les activités, les valeurs et les intérêts masculins ». Hakim appelle cela « le parti pris patriarcal ».
En fin de compte, Hakim réduit le féminisme à une simple maxime : les femmes sont les victimes de l’oppression masculine.
Cependant, et c’est ce qu’il y a de plus intéressant dans le concept d’Hakim : les femmes sont aussi responsables de cette situation ! Au lieu de se démarquer du point de vue patriarcal, les théories féministes ont renforcé, sous l’effet d’une fausse dichotomie, les objections morales contre l’utilisation du capital érotique. Pour les féministes, une femme est évaluée en fonction de son capital humain (sa formation et ce qu’elle a dans la tête) ou de son capital érotique (son apparence). Les deux ne peuvent fonctionner ensemble. Certes, Hakim modère quelque peu sa critique et reconnaît que les débats féministes sont variés et en constante évolution. Mais, en fin de compte, elle réduit le féminisme à une simple maxime : les femmes sont les victimes de l’oppression masculine. Le bâton du sexe doit avoir sa place : « l’hétérosexualité reste suspecte à beaucoup de féministes car finalement on atterrit ‘dans le lit de l’ennemi’ . C’est pour cela que les féministes réfutent l’idée qu’un physique attirant est un pouvoir que les femmes ont vis-à-vis des hommes ».
Dans la mauvaise direction
Dans son essai, Catherine Hakim soulève beaucoup de questions intéressantes mais prend pourtant la mauvaise direction. Il est important de se demander si les femmes ne sont pas en partie responsables des inégalités salariales basées sur le sexe. Au sein de l’Union européenne, le salaire horaire brut des hommes est de 17% supérieur à celui des femmes. Au cours d’une interview réalisée par Focus Online, Hakim déclare : « La plupart du temps les femmes ne postulent pas pour certains emplois et laissent volontairement les promotions aux hommes. Elles ne veulent pas passer leur soirée au bureau, accordent plus d’importance que les hommes à la vie de famille et, par conséquent, moins d’importance à leur succès professionnel. » On peut se demander si le recours au capital érotique est la solution. La tentative d’Hakim de faire du concept de capital érotique une théorie revalorisant le point de vue des féministes mérite d’être saluée. Même si, en fin de compte, elle s’emmêle les pédales dans une critique du féminisme plate et sans discernement. Selon Hakim, la solution pour faire face au patriarcat semble très simpliste : utiliser son capital érotique et coucher avec l’ennemi.
Photos : Beauty Is An Ugly Business (cc)candinski/flickr; Video: (cc)euronews/YouTube;Nymphen (cc)Gandalf's Gallery/flickr
Translated from Los, Frauen – nutzt euer erotisches Kapital!