Berlin, une capitale politique ?
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Agnès LEROUXLa capitale aux milles visages peine à vibrer au rythme de la politique nationale. Mais cette polarité multiple frôle justement la modernité. Vision d’un Italien en goguette.
« Si les employés du chemin de fer décidaient d'occuper les voies, même les meilleurs Allemands achèteraient quand-même un billet. » C'est ainsi que Lénine aurait décrit à la moitié du XIXème siècle, les habitudes politiques de ses compatriotes. Une politique sans humour, sans élan ni passion mais faite de règles et de raisonnement. Quels ont été les changements de ces dernières 150 turbulentes années ?
Au premier coup d’œil, l’expression politique à Berlin ne se remarque pas. Peut-être la ville est-elle trop aérée, trop large, trop grande pour pouvoir capter un concentré de politique. Les palais qui abritent les institutions sont installés à Mitte, dans le centre historique de la capitale. Dans les quartiers limitrophes, le Dalaï Lama en visite à la Porte de Bansburg ou un Président étranger en voyage officielle à Berlin passent facilement inaperçus. Même les voitures circulent facilement.
« Finalement, tout va bien ici »
« C'est probablement une question culturelle », estime Bekir Yilmaz, président de la Türkische Gemeinde, l'association turque la plus importante de la ville. Cette communauté par exemple, s'identifie plus à la politique et la vit ensemble. Les Allemands ont une vision plus individualiste. C'est peut-être parce que finalement, tout va bien ici. » En effet, l’Allemagne est la quatrième puissance économique mondiale, une démocratie stable et un pays dont la qualité de vie est parmi les meilleures et où les services sont excellents. Il y a donc peu de motifs de descendre dans la rue pour manifester son mécontentement. « C'est aussi une question de nécessité, confirme Ilmaz. La communauté turque a forcément dû s'occuper de politique parce que nous sommes partis d'une position minoritaire. Pour les Allemands, c'est différent. »
Une jeune capitale
Mais la sensation persiste, il manque quelque chose de politique. D'une part, Berlin n'est pas le centre économique de l'Allemagne : Munich est la ville la plus riche, Hambourg la plus industrielle et le siège de la Banque centrale européenne (BCE) se situe à Francfort. De nombreux ministères se trouvent encore à Bonn. Peut-être la ville a-t-elle eu trop peu de temps pour s'habituer à son rôle de capitale ? Le Parlement et la Chancellerie sont en effet à Berlin depuis moins de dix ans.
Pourtant, la politique berlinoise a été très active dès les années 60 et 70 alors que Berlin Ouest était la ville-frontière. Les batailles de 68 ont été fondamentales et selon beaucoup, la ville héberge l'université la plus politisée du pays : la Freie Universität Berlin (l'université de l'ancien Berlin Ouest). « L'implication politique est en train de se réduire. Bien que les élus de l’Allgemeinen Studierendenausschusse, le Comité général des étudiants, soient presque tous de gauche, le pourcentage des votants est si bas que nous ne sommes pas représentatifs. Nous sommes plutôt un réseau qui offre des services et des opportunités aux étudiants », raconte Bastian, l’un des membres.
« L'Allemagne, au contraire de l'Italie et de la France par exemple, a une structure fédérale, ce qui explique que les citoyens soient souvent plus proches des autorités locales. Malgré cela, lorsque l'on manifeste contre quelque chose d'important (comme la guerre en Irak ou l'introduction des taxes universitaires) c'est Berlin qui endosse un rôle central dans le mouvement de protestation », poursuit le jeune étudiant.
Laboratoire de l'Europe de demain ?
Anna-Lena After est collaboratrice à la PolitikFabrik. Son bureau d'études s'occupe de projets rapprochant les gens de la politique. Il est financé par des fondations et des institutions et s'adresse aux étudiants et aux jeunes de toute l'Europe. « Berlin est probablement la ville la plus multiculturelle et la plus intéressante non seulement de l'Allemagne, mais de toute l'Europe, tranche-t-elle d’emblée. La politique n'est pas complètement éloignée de Berlin, mais elle ne l'occupe pas intégralement. Cela permet aussi de mieux travailler. Berlin n'est pas une ville à deux visages, mais à mille. »
Une ville pleine de vitalité, à la pointe et expérimentale, multiculturelle : la « nouvelle capitale de l'Europe » comme disent certains à cause de son dynamisme et son accessibilité, notamment sur le plan économique, profite des privilèges que lui offrent ses infrastructures. Mais sans l’orgueil pompeux qui caractérisent Londres, Rome ou Paris.
Si la ville semble y perdre en fascination et en conscience d'elle-même, elle y gagne en organisation et tranquillité. Les mille visages de la ville se parlent et s'opposent tous les jours, mais sans que jamais l'un ne l'emporte sur les autres. L'honorable Ströbele, député vert de la circonscription Keuzberg-Friedrichshain au Bundestag nous le confirme : « Tous les chemins ne mènent pas à Berlin, pour paraphraser un dicton populaire. Berlin a mille centres et c’est très bien ainsi. Cette multipolarité peut être la solution aux problèmes et aux nécessités du monde moderne. »
Translated from La Capitale dai mille volti: viaggio nella nuova Berlino