Afrique : vague d'élections en série
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Florian ChapalainAprès les Sénégalais, ce sera bientôt le tour des Béninois, Mauritaniens, Nigérians, Maliens et Burkinabés de choisir librement leurs représentants.
Il y a une décennie, l'Afrique de l'Ouest vivait au rythme des coups d’état. Le Sénégal a toujours fait exception à la règle puisque le pays n’a pas connu de renversement de régime depuis son indépendance officielle, le 3 avril 1960. A cet égard, le gouvernement de Dakar est souvent considéré comme un modèle exemplaire de démocratie pour les sociétés post-coloniales.
Gilles Hervio, chef de délégation de la Commission européenne dans ce pays à majorité musulmane, admet être « impressionné par la mobilisation massive de la population et sa capacité à patienter des heures sous un soleil de plomb pour voter».
Quelques kilomètres plus au Nord, en Mauritanie, le sanglant coup d'Etat du 3 août 2005 a délogé l'ancien Président Maaouya Ould Taya après 21 ans d’exercice du pouvoir autoritaire. Ce vaste pays sub-saharien a organisé ses premières élections libres le 25 mars 2007, 47 ans après avoir obtenu son indépendance vis-à-vis de la France.
Mais le pluralisme politique souffle également sur le Nigéria. Avec une population de 140 millions d'habitants, cet Etat fédéral, hautement divisé tant d'un point de vue religieux qu'ethnique, va connaître les 14 et 21 avril prochains sa première transition d'un gouvernement civil à un autre. C'est un test important pour l'ancienne colonie britannique selon Josephine Osikena, membre du think tank londonien European Foreign Policy Centre, pour qui cette échéance électorale « aura des répercussions sur les élections à venir dans toute la région ».
L'UE en scène
Bruxelles s'est visiblement engagée en faveur de la démocratie à l'occasion de ces élections, à l'instar d'anciennes puissances coloniales comme la France et le Royaume-Uni. L'UE a, par exemple, déployé une Mission d'observation des élections en Mauritanie l'année dernière. Vandna Kalia, membre de la délégation européenne en place dans la capitale, Nouakchott, a ainsi décrit sa mission comme « l’assistance des autorités dans l'organisation et la supervision des élections ».
Mais l'intérêt de l'Europe pour la région ne se limite pas à « promouvoir la liberté ». Beaucoup de candidats à l'émigration vers l'Europe viennent en effet d'Afrique occidentale. Richard Reeve, expert de l'Afrique de l'Ouest pour le think thank britannique Royal Institute of International Affairs [Chatham House], considère cette immigration vers l'UE comme « la question brûlante du moment qui concernent particulièrement le Sénégal, le Mali et la Mauritanie. Les présidentiables ne veulent pas être vus en train de coopérer trop ouvertement avec Bruxelles pour limiter les migrations illégales ».
Quelque soit l'agenda européen, il ne fait aucun doute que Bruxelles s'attelle pleinement à soutenir les élections en Afrique de l'Ouest. « L'UE financera probablement les élections législatives en Guinée et au Togo d’ici l’été 207, même si les aides au développement ont été gelées en 1993 pour non respect des principes démocratiques. Il s’agit clairement de tester la volonté de ces pays de relancer une transition démocratique qui a échoué dans les années 90 », ajoute Reeve.
Dans le même temps, certains pays européens veillent activement au déroulement sans heurts des processus électoraux régionaux. A l'Ouest du Nigeria, le Bénin a connu ses premières élections libres en 1991. Les Pays-Bas « ont soutenu financièrement ces élections dans l'espoir qu'elles soient démocratiques, à l'image des précédentes », raconte Kees-Jaap Ouwerkerk, attaché de presse du ministère des Affaires étrangères hollandais.
Premier pas vers la démocratie.
Selon Reeve, «les avantages financiers du pouvoir » sont le principal obstacle à la démocratie en Afrique. « Les partis africains au pouvoir ont tendance à accaparer les ressources de l'Etat », justifie t-il.
Dans la région, le plus difficile consiste ainsi à faire disparaître l'héritage des régimes corrompus précédents. Le dictateur malien Moussa Traoré a par exemple détourné près d'un milliard d'euros entre 1968 et 1991. Un chiffre indécent pour un pays qui figure à la 175ème place sur 177, dans le classement réalisé par les Nations unies sur la richesse et l'indice de développement humain (IDH).
Autre obstacle aux élections «libres et démocratiques» : les «graves irrégularités lors de l'inscription sur les listes électorales et les urnes pré-remplies », explique Alex Vines, chef du programme Afrique au ‘Chatham House’.
Osikena ajoute encore que bien souvent, « il n'y a aucune idéologie derrière les partis politiques en Afrique de l'Ouest ». La simple promesse d'un avenir meilleur est suffisamment attractive pour nombre délecteurs. Et beaucoup ont pu être séduits par des campagnes basées sur des motifs faciles, comme une corruption moindre et davantage d'emplois. La formule a besoin de faire ses preuves pour devenir un véritable remède à la misère de millions de personnes sur le continent africain. Cependant, cette vague d’élections est un bon point de départ : la démocratie commence à mûrir en Afrique.
Marathon électoral au Nigéria
En avril 2000, la Commission européenne a dressé une liste de principes susceptibles de s’appliquer aux Missions d’observation électorale (MOE) déployées par l’UE sur le terrain de pays instables en période électorale. Cette aide, qualifiée de « complément politique à l’assistance électorale »est un atout important pour la stratégie de politique extérieure de Bruxelles. A long terme, l’Union ne cache pas son objectif de promouvoir la démocratie dans le monde.
Les dirigeants africains eux n’hésitent plus à inviter fréquemment les observateurs électoraux européens. Même si les gouvernements hôtes bénéficient en contrepartie de cette présence sur place d’une assistance à l'organisation des élections et d'une aide financière, leurs dirigeants tiennent à démontrer à la communauté internationale leur respect des droits de l’homme et des principes de l’Etat de droit.
Au Nigéria, le géant démographique -pays le plus peuplé d’Afrique avec 108 millions d’habitants- et économique -6ème pays producteur de pétrole au monde- du continent africain, c’est un vrai marathon électoral qui s’annonce. Les élection parlementaires auront lieu le 12 avril, suivies dans la foulée par les présidentielles les 13 et 14 avril puis par l’élection des gouverneurs locaux le 19 avril et enfin par celle des assemblées locales le 3 mai.
Dans quelques jours, l’actuel chef d’Etat, Olusegun Obasanjo, qui avait mis fin en 1999 à plus de quinze ans de régime militaire, devra faire face aux candidats de l'opposition. L’ensemble du processus électoral sera supervisé et sécurisé par une mission de l’Union européenne. C’est le Hollandais Max van den Berg, eurodéputé et vice-président de la Commission développement et coopération, qui mènera la tâche à bien, aidé en cela par une enveloppe conséquente de 30 500 euros.
Dans un Etat aussi complexe et divisé que le Nigéria, l’accession à la tête du gouvernement est synonyme de contrôle de l’ensemble de la production de l’or noir. Une main mise qui suscite bien des convoitises. Le Nigeria connaît, grâce au pétrole, une croissance économique de 5,6 % par an. Cependant, les difficultés sociales, politiques et économiques auxquelles le pays doit faire face sont étroitement liées entre elles : on assiste notamment à une augmentation des enlèvements d'employés étrangers des entreprises de l’industrie pétrolière présentes sur place. Le but de ces kidnapings n’est pas seulement de révéler la face cachée de l’industrie pétrolière mais surtout de dénoncer la marginalisation dont souffrent les groupes politiques minoritaires au sein du pays.
Article écrit par Elsa González Aimé
Traduit par Anna Manchanda
Translated from Voting fair and free under an African sun