Affaire Buttiglione : l'heure du choix pour Barroso
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Simon LoubrisLe désaveu du Commissaire Buttiglione par le Parlement européen doit faire réfléchir le Président de la Commission. C'est la nature des rapports politiques entre le Parlement et la Commission Barroso qui se joue.
Avec le désaveu infligé aux candidats-commissaires Rocco Buttiglione et Laszlo Covacs et les âpres critiques lancées contre leurs trois collègues Neelie Koes, Mariann Fischer- Boel et Ingrida Udre, le Parlement européen assume finalement ses responsabilités (avec 25 bonnes années de retard sur sa première élection au suffrage universel en 1979) : influencer, d’une façon décisive, le choix du gouvernement de l'Union Européenne pour les cinq prochaines années.
« Inquisition anti-catholique »
Certains ont pensé que la démocratie était advenue, de façon tout à fait inattendue. D’autres, comme le cardinal Renato Raffaele Martino ont crié à l’inquisition laïque contre une culture catholique mise à l’index. En réalité, dans ce match, ce n’est pas seulement la tête et le portefeuille du commissaire à la Justice et aux Affaires Intérieurs promis à Buttiglione – un homme politique italien proposé par son gouvernement, et qui dénigre l’homosexualité et les filles mères - qui sont en jeu. La vraie question concerne la nature politique des rapports entre le Parlemente européen et la Commission. C’est le dernier chapitre d’une lutte cinquantenaire entre ceux qui croient en une confédération d’Etats-Nations comme antidote à la centralisation bureaucratique de Bruxelles et ceux qui savent que les conditions de la réalisation d’un gouvernement démocratique, fédéral et transnational sont présentes en Europe.
Un coup de fil et tout s’arrange ?
Cet épisode pourrait se transformer une source de légitimité pour la Commission européenne, marquant la fin de sa dépendance à l’égard des capitales nationales et inaugurant une réelle interdépendance avec l'unique institution démocratiquement élue : le Parlement. C’est l’hypothèse et le projet d'une Europe dans laquelle les décisions les plus importantes sont prises dans l’enceinte institutionnelle la plus transparente et la plus contrôlable (y compris d’un point de vue médiatique). C’est l'hypothèse d'une Union européenne dans laquelle un vote du Parlement européen ne peut pas être inversé par quelques coups de téléphone entre deux ou trois capitales nationales ou par un petit déjeuner entre ministres. C’est la possibilité de renverser la tendance actuelle de nationalisation croissante des institutions communautaires.
Strasbourg passe à la trappe
Mais dans l’Union Européenne d’aujourd’hui, l’attaque pirate de la Commission parlementaire des Libertés Publiques contre Buttiglione pourrait se transformer en simple anecdote pour petits spécialistes du droit communautaire. Comme dans le cas de l’élection-partage du siège de président de Parlement européen, les deux principaux groupes du Parlement ont acté une trêve aux relents de collusion politicienne : les socialistes ne remueront pas le couteau dans la plaie et les stigmates du très « populaire »Buttiglione, et les membres du Parti populaires ne s’acharneront pas contre la socialiste hongroise Covacs. Et lorsque Barroso rencontrera le 21 octobre les chefs de groupe pour discuter du vote de confiance à la Commission dans son ensemble, l’orage sera déjà passé. Et Buttiglione & Cie resteront en place (avec leurs portefeuilles) à la barbe d’un Parlement démocratiquement élu et malgré les tentatives d’ « inquisition laïque ».
Dans les jours qui viennent, il reviendra à Barroso de décider sur quoi fonder la légitimité et le pouvoir de sa Commission : il peut se contenter de quelques coups de téléphone à Rome et à Paris et continuer ses petites affaires. Ou bien donner un nouveau poids au Parlement et accepter publiquement l’ « inquisition », avec quelques Buttiglione en moins et quelques miettes de démocratie en plus.
Translated from Caso Buttiglione: la vera scelta di Barroso