À la découverte des églises médiévales oubliées de Bulgarie
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Sophie EhrsamLe photographe anglais James Crouchman redécouvre les monastères et les églises du Moyen-âge qui parsèment la Bulgarie. Il lui tient à cœur de fixer par l’image l'existence de ces monuments à l’abandon qui risquent de tomber dans l’oubli.
« Tout le monde met en avant la beauté de la nature bulgare. Mais en plus des beaux paysages (comme on en trouve dans d’autres pays), la Bulgarie a quelque chose d’unique qu’on ne trouve nulle part ailleurs avec ses édifices religieux du Moyen-âge. C’est là le vrai trésor du pays. » Ainsi s'exprime le photographe anglais James Crouchman en regardant des photos des lieux qu’il a visités.
M-a-l-o-m-a-l-o-v-o, prononce-t-il avec application. C’est le nom d’un village dont je n’ai jamais entendu parler, moi qui suis bulgare, il me le répète comme un gars du coin le ferait pour un étranger. À côté du village se trouve un monastère oublié.
James Crouchman, du haut de ses 30 ans, a un nouveau projet qui concerne les églises et monastères médiévaux de Bulgarie. Né à King’s Lynn, il a vécu en Sicile et réside actuellement à Sofia (la capitale bulgare), ce qui ne l’empêche pas de voyager dans le nord-ouest du pays, en quête de lieux historiques qu’il photographie et de traditions qu’il étudie.
Il redécouvre les monastères et les églises du Moyen-âge, qui ne sont pas très connus, même des Bulgares. Ces édifices ont souvent plus de 700 ans et remontent à l’époque médiévale.
« Concentrons-nous sur trois sites de la région : Goech, Dragoman et Trun. C’est à mes yeux une contrée magique, explique James. Suffisamment prospère sous l’empire ottoman pour que les gens d’ici puissent bâtir des églises et réaliser des peintures magnifiques. »
Sur les églises et les légendes qui leur sont associées, James a beaucoup appris des gens du coin qu’il rencontre souvent lors de ses excursions dans la région. Tel un chroniqueur de lieux oubliés, James discute avec eux et mémorise leurs récits, parcourt des kilomètres de plaines et de montagnes en photographiant de fresques d’églises saisissantes malgré les outrages du temps.
La majeure partie de ces églises et de ces monastères sont en très mauvais état et auraient bien besoin d’être rénovés. Mis à mal lors des grandes invasions, ils s’effondrent aussi faute d’entretien. Certains sont verrouillés (on parle de clés cachées dans les environs), d’autres ouverts, comme si une main invisible en avait poussé la porte.
« Je suis venu en Bulgarie parce que je voulais trouver un endroit qui ne me soit pas familier, comme une toile vierge. La Bulgarie semblait faire l’affaire. Je me suis toujours intéressé à ce genre de lieux et le nord-ouest de la Bulgarie est l’une des régions les plus méconnues d’Europe. Il n’y a pas longtemps, j’ai rencontré une vieille femme dans le village de Godech qui m’a raconté des histoires d’églises cachées, ça m’a fasciné. »
Beaucoup sont abandonnées, comme St Iliya dans le village de Gorochevtsi, délaissée comme un livre qu’on n’a pas lu jusqu’au bout. Nombre de ces édifices sont également la cible des chasseurs de trésor, comme le monastère de Malomalovskiya, vieux de plusieurs siècles. On ne sait pas quand il a été fondé à cause de toutes les sources écrites détruites pendant la période ottomane, mais il a subi des dégradations supplémentaires dans les années 1990 quand des pillards s’y sont introduits par effraction.
« Je suis devenu obsédé par ces églises, reconnaît James. Les gens n’en parlent pas beaucoup, et ça m’étonne tant elles sont belles. En même temps, elles sont à l’abandon et on en trouve difficilement des photos. D’un côté je m’en réjouis parce que ça fait de moi un explorateur, ce qui me plaît bien comme sensation, mais d’un autre côté c’est triste. »
« C’est fou, il n’y a pas longtemps, une femme m’a dit où trouver la clé d’une église de l’ouest des Balkans (« Stara Planina » en bulgare), mais j’ai dû promettre de ne le dire à personne, parce que seuls les gens du coin le savent », raconte James.
Il y en a tellement que c’est difficile de faire une liste des plus remarquables. L’église Saint Nicholas de Kalotina, qui date de 1331 environ (pendant le règne du tsar Ivan Aleksandre) est toujours ouverte. Une petite vieille qui vit dans une maisonnette garde la clé d’une des plus fascinantes églises médiévales que j’aie jamais vues. Mais les fresques sont presque totalement effacées. Et l’église St Sas à Vasilovtsi est elle aussi une sorte de miracle, une petite église avec des fresques incroyables.
Pour moi, la photographie documentaire est très importante et devrait restituer la beauté comme la laideur. J’ai remarqué que les Bulgares voulaient souvent qu’on voie seulement ce qui est beau. Il faut voir les deux. On ne peut pas changer les choses ou les cacher, il faut les reconnaître et c’est comme ça qu’on peut aller vers une amélioration, un changement. »
Translated from Exploring the abandoned medieval churches of Bulgaria