Zoopsie Comedi
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Née au début des années 1980, Zoopsie Comedi mêle revue chorégraphique et danse contemporaine. C'est aujourd'hui le hip-hop qui y affleure délicatement, un signe des temps. L'idée de remonter le spectacle a surgi vingt-cinq ans plus tard. Une inspiration de Christian Lacroix qui s'inscrit dans une volonté de revoir le spectacle, mais également une envie de le refaire, mieux.
Il lui semble également que ce spectacle dégage quelque chose d'incontournable non reproduit depuis.
Par A.Z.
Les costumes, réalisés par Christian Lacroix sont à la fois beaux, délirants, mais surtout marrants. On a d'ailleurs beaucoup de mal à croire le créateur quand il se définit comme l'homme le moins drôle du monde. En effet, que ce soit dans le premier spectacle monté, ou celui proposé aujourd'hui, les costumes suffisent à eux seuls à nous scotcher le sourire aux lèvres et à nous faire entrer dans un monde surréaliste. Costumes qui sont restés les mêmes, à quelques exceptions près. Outre le fait que deux personnages aient été revus entièrement afin de mieux coller à notre époque, on peut également signaler que les danseurs sont aujourd'hui beaucoup plus couverts. Adieu seins nus et bonjour tissu ! Une régression que Lacroix explique en quelques mots par le fait que de nos jours le corps est offert partout. Il a donc préféré cette fois le suggérer plutôt que le montrer.
Un savant fou et son assistant non moins déluré parcourent quelques vingt tableaux à la poursuite de leur dulcinée. En passant, bien malin qui pourra dire de qui elle est réellement l'amante. Une trame narrative pour le moins ténue qui va peu à peu se diluer jusqu'à disparaître totalement, ce qu'on pardonne et cautionne volontiers. Laissant place à une revue délurée, excentrique, foutraque.
Le premier tableau, très significatif, donne le ton, les danseurs apparaissent chacun leur tour en haut d'un escalier et le dégringolent sous les vivats des autres convives, parés des atours les plus improbables. Perruque jaune poussin, couvre-chef conique super-élancé, collants multicolores et combinaisons en latex. Ils déambulent par couple puis se séparent et s'acoquinent avec d'autres dans une bonne humeur et un joyeux bazar chorégraphique.
Les quelques premiers actes s'enchaînent avec logique avant que les repères ne volent en éclats. Foin alors de la vraisemblance, seul compte le spectacle, à notre plus grand enchantement. Un véritable plaidoyer en faveur de l'action pure, l'hédonisme et l'inconséquence, là où l'on prône plus habituellement le repli intellectuel et les intrigues retorses.
On ne peut résister à l'évocation de la prodigieuse scène où la dulcinée et son clone apparu à la faveur d'une partie de colin-maillard s'affrontent. À la tête d'un escadron d'hoplites en armure - mini-jupe et plume rose au casque, les deux furies en tutu rouge s'intimident à grands coups de chenille effectuée en marche arrière et de défilés « militaro-macarenesques1 ».
Les « zoops » torturent et décousent les clichés de la revue jusqu'à la rendre méconnaissable, se rient des embûches techniques, dénigrent les conventions « scénaristiques » et élèvent finalement l'art supposé médiocre et populeux de la revue à plus haut qu'il n'était avant. Ils proposent un objet chorégraphique hybride.
Ce qui frappe particulièrement, c'est la bande son, mélange de jazz rythmé et conceptuel inchangé d'avec la version de 1985, et qui apparaît comme terriblement moderne.
Le spectacle, pour être chatoyant est cependant assez inégal. Si on hurle de rire durant le tableau marin où étoile de mer, coquillages et mollusques traînent leurs palmes pataudes sur la scène, on reste plus circonspect face au – pourtant incontournable – passage égyptien. La chanson de clôture apparaît à ce titre comme une faute de goût.
Finalement, si on ne ressort pas marqué à jamais par Zoopsie Comedi, c'est que ce n'en est simplement pas l'objectif. On en sort égal, mais diverti. Et c'est déjà beaucoup.
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1 Oui, c'est une référence à la Macarena, la danse de l'été, parce qu'il en faut parfois. Crédits photographiques : © Christian Lacroix – © Dan Aucante