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Zoé Valdès : « Ca suffit ! avec le politiquement correct »

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Zoé Valdès, 47 ans, écrivaine cubaine exilée à Paris et auteur notamment de ‘La douleur du dollar’, évoque son opposition au régime castriste et la nécessité d’en finir avec le « politiquement correct ».

Auteur engagée, Zoé Valdès est née à La Havane l'année où Fidel Castro prend le pouvoir à Cuba. Dans l'un de ses premiers livres, ‘Le Néant quotidien’, publié en 1995, elle dénonce les faillites économiques du régime et les privations de libertés des habitants de l’île. Elle est depuis déclarée 'persona non grata' par le régime cubain.

Vous avez des attaches cubaines, la nationalité espagnole et vous vivez à Paris : vous sentez-vous Européenne ?

Je suis Cubaine, de nationalité espagnole et française depuis quelques mois. Si je me sens Européenne, c'est surtout parce que dans le métissage cubain coexiste un héritage espagnol et français très important. Je vis d'ailleurs en France et j'aime la culture de ce pays. J'aime sa littérature, sa pensée, la rigueur qu'impose la langue française. L'exil est parfois une source d'inspiration mais cela reste une punition et non un cadeau du ciel. Surtout quand il s'agit d'un exil forcé.

Vous êtes interdite de séjour à Cuba depuis 1995, que pensez-vous de la politique de l'Union européenne vis-à-vis du régime castriste ?

Je crois que Bruxelles doit agir sérieusement avec Fidel Castro, parce que c'est un véritable tyran qui s'en tire toujours. Il profite de l'embargo économique des Etats-Unis, de la décision européenne de rétablir les échanges commerciaux et de la levée des sanctions. Ce qu'il faut exiger, c'est la libération de tous les prisonniers politiques, sans exception et sans conditions. Puis rapidement, trouver une solution pacifique pour que Castro laisse la place à d'autres leaders politiques et à une vraie démocratie.

Comment voyez-vous le futur du continent sud-américain ?

Je ne suis ni une experte en politique internationale, ni une astrologue. Je peux seulement vous affirmer que je n'aime pas du tout Hugo Chávez et Evo Morales, des leaders populistes qui soutiennent Castro, un dictateur reconnu comme tel. L'Amérique Latine a une réputation de « caudillismo » [habitude des dictatures militaires] et de corruption assez grande. Je crois que l'Amérique, du Nord au Sud, doit s'ouvrir au monde. Les relations entre les pays du continent doivent s'améliorer : il est temps que leurs gouvernement cessent de s'insulter ou se bagarrer pour des broutilles. Nous, les Cubains, avons beaucoup de l'Europe mais aussi de l'Amérique du Nord. Je pense que l'Union européenne doit envisager ses liens avec l'Amérique en général d'un point de vue plus humain, commercial certes, mais humain avant tout. Aujourd'hui encore certains Cubains travaillent comme des esclaves pour des entreprises -la plupart européennes- pour un salaire misérable, payés en pesos et non en euros. La dictature de Castro rend les gens esclaves et d'autres abusent de cette situation.

Vous êtes très engagée politiquement contre Fidel Castro : considérez-vous que l'engagement fait bon ménage avec la littérature ?

Si je n'hésite pas à exprimer mes opinions dans la presse, je ne suis membre d'aucun parti politique ou organisation anti-castriste. Mon engagement est personnel et passe par ma souffrance, ma vie, mon expérience de Cubaine et d'écrivain, le regard que je porte autour de moi et ma solidarité avec les gens de mon pays. D'autres auteurs latino-américains se sont également engagés contre les dictatures le moment venu. Gabriel García Márquez -sauf que lui témoigne en faveur d'un dictateur [Fidel Castro]-, Isabel Allende ou Luis Sepúlveda. Certains écrivains européens et nord-américains ont aussi milité ou militent contre la guerre, voire contre tout : Arthur Miller, Paul Auster, Susan Sontag… La liste est interminable. L'engagement est une chose, la littérature en est une autre : il est possible de les mélanger mais pas en permanence. Aujourd'hui on respecte et on admire les gens qui s'engagent contre George W.Bush ou contre la guerre. Ce sont des causes politiquement correctes. Ce qui est plus difficile, c'est de nommer les choses par leurs noms. Dire « ça suffit ! » avec la dictature de Castro, « ça suffit ! » avec le terrorisme quelqu'il soit ou « ça suffit ! »  avec le politiquement correct.