Winston Churchill, premier europatriote ?
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Comme vous l'avez certainement remarqué, ce n'est pas jean Monnet qui trône dans le bandeau de ce blog, mais Winston Churchill...Un Anglais ? s'exclament, ahuris, les plus virulents de nos visiteurs "souverainistes" autoproclamés, prompts à trouver la confirmation d'un complot contre la langue de Molière, le Pain Bagnat, les Assedics et tout ce qui fait notre beau pays.... Las!
ce n'est pas Churchill l'anglais que je célèbre ici, mais Churchill le héros européen, celui qui, promettant du sang et des larmes, se dressa seul dans les heures les plus sombres contre la lèpre nazie, transformant les iles britanniques en dernier refuge de l'espoir...mais aussi celui qui fut le père spirituel oublié de notre Union Européenne .
Après les tentatives avortées d'Union Européenne d'Aristide Briand dans les années 20, les lutte fratricides de "l'Europe des nations" s'était prolongée, comme chacun sait, par le chaos et l'extermination. En 1947, tous les européens étaient désormais égaux... dans les ruines et la misère.
Ce fut la dernière grande "victoire" des "souverainismes" nationaux.
Bien que viscéralement Britannique, Churchill lui même ne pouvait songer à ce que cela se répète encore et encore. L'après guerre est pour un temps d'urgence,: il faut nourrir les européens, mais il ne faut pour autant pas manquer l'opportunité de re-construire un nouveau monde, sur des bases non viciées:
La mission de l'Europe est-elle parvenue à son terme ? N'a-t-elle rien d'autre à apporter au monde que la contagion de la peste ? Ses peuples vont-ils continuer à se déchirer et à se tourmenter les uns les autres par la guerre et la vengeance jusqu'à ce que tout ce qui entoure la vie humaine de dignité et de confort ait disparu ? Les Etats de l'Europe vont-ils continuer éternellement à gaspiller les meilleurs fruits de leur labeur pour l'érection de nouvelles barrières, de fortifications militaires, de murs, de tarifs et de réseaux de passeports ?
il fallait en finir pour de bon, et pas comme avec "la der de der". De 1946 à 1948, dans son discours à l'université de Zurich , puis à la Haye, il exhorte les européens à se penser comme tel, sur la base de leur héritage et de leurs intérêts communs: comme il le dit lui même :
Si l’Europe pouvait s’entendre pour jouir de cet héritage commun, il n’y aurait pas de limite à son bonheur, à sa prospérité, à sa gloire, dont profiteraient ses 300 ou 400 millions d’habitants
Logiquement, il propose une nouvelle organisation politique :
Il nous faut édifier une sorte d’Etats-Unis d’Europe. Ce n’est qu’ainsi que des centaines de millions d’êtres humains auront la possibilité de s’accorder ces petites joies et ces espoirs qui font que la vie vaut la peine d’être vécue. On peut y arriver d’une manière fort simple. Il suffit de la résolution des centaines de millions d’hommes et de femmes de faire le bien au lieu du mal, pour récolter alors la bénédiction au lieu de la malédiction'
Ne nous leurrons pas: le vieux lion pense clairement que le Royaume-uni doit être associé à ces Etats-unis d'Europe, mais en marge d'eux. L'inde est encore le joyaux de la couronne, et le vainqueur de la seconde guerre mondiale vit encore dans l'illusion que l'empire britannique durera et restera la grande puissance mondiale.
Nous savons que ce ne fut bien sur pas le cas. il n'empêche que Churchill voit clairement au delà des nations. C'est la qu'il lance explicitement la possibilité d'une identité et d'un patriotisme européen :
Et pourquoi n’y aurait-il pas un groupement européen qui donnerait à des peuples éloignés l’un de l’autre le sentiment d’un patriotisme plus large et d’une sorte de nationalité commune ? Et pourquoi un groupement européen ne devrait-il pas occuper la place qui lui revient au milieu des autres grands groupements et contribuer à diriger la barque de l’humanité ?
il ne s'arrête pas la, puisque il avait deja avant ce discours devant l'université de Zurich exprimé la chose en termes de résurrection d'un passé et d'une citoyenneté commune :
Nous espérons voir une Europe libérée de l'esclavage des jours passés, une Europe dans laquelle on sera aussi fier de dire : Je suis Européen, qu'on l'était jadis de dire : Civis Romanus sum. Nous espérons voir une Europe où des hommes de tous les pays seront aussi fiers d'être Européens que d'appartenir à leur terre natale, et qui, où qu'ils aillent dans ce vaste domaine, pourront vraiment se sentir « chez eux ». Combien tout cela serait simple et couronné de gloire, si cela pouvait un jour arriver !
En grande partie, cela s'est réalisé. Du moins le projet européen a-t-il deja réussi à balayer les malheurs issus du nationalisme, au point que nous en oublions dangereusement les errements. Partout en Europe les petits enfants du Vieux lion, par milliers, par millions, sont désormais les héritiers conscients de ce combat et gardent eux le souvenir de temps plus sombres.
Que ces europatriotes gardent en mémoire, chaque fois que leur luttes traversent des jours difficiles, ces paroles prophétiques du vieux lion :
Si le succès nous vient de bonne heure, nous nous réjouirons. Si notre entreprise subit des retards, si nous rencontrons des obstacles et de l'inertie, nous ferons encore bon visage parce que, dans une cause dont la justice sera proclamée par la marche des évènements futurs et par le jugement d'âges plus heureux, nous aurons fait notre devoir, nous aurons fait de notre mieux.
Références:
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