(W)allons, devenez français !
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Par Maxence Peniguet Le week-end dernier, les Fêtes de Wallonie ont attiré des milliers de visiteurs venus commémorer dans la bonne humeur la révolution de 1830. Au milieu de la foule, une centaine de rattachistes du Rassemblement-Wallonie-France (RWF) a manifesté son désir de voir le rattachement de leur région à la France – et donc son désir d'en terminer avec la Belgique. Reportage.
Samedi 17 septembre, 14h30, Namur. La foule a déjà envahi le centre-ville et de l'autre côté de la Meuse, à Jambes, les manifestants qui se sont rassemblés à l'appel du Rassemblement-Wallonie-France (RWF), un parti politique qui milite pour le rattachement de la Wallonie avec la France, peinent à se faire remarquer. Ils sont pourtant facilement trouvables ; place de... la Wallonie. Plus de 100 personnes sont présentes. Ici, une pancarte qui accuse la RTBF, chaîne de télévision francophone publique, de censure. Là, une autre contre la prétendue flamandisation de la Belgique.
Un pupitre est disposé pour que les potentiels franco-wallons puissent écouter quelques discours. Gilbert Tripnaux, en charge du RWF pour l'arrondissement de Dinant Philippeville, annonce la couleur : le premier ministre démissionnaire du gouvernement chargé des affaires courantes, Yves Leterme, vient d'être recruté à l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), ce qui prouverait que la Belgique n'aurait pas d'avenir. Aussi, bien sûr, l'accord, qualifié d'historique par la presse belge, sur la scission de l'arrondissement électoral Bruxelles-Hal-Vilvorde. Premier round de négociations : première victoire de la Flandre ! BHV est scindé sans compensation. Cela promet pour la suite..., résume un tract pour Gilbert Tripnaux, qui finira par annoncer l'arrivée d'une dépêche imaginaire sur la création d'un gouvernement. Loin du pupitre, il nous confiera être du RWF aussi pour la culture française et la république, seule modèle à même de protéger les avantages sociaux des Wallons.
Nos couleurs, c'est noir, jaune et rouge !
Après d'autres discours et le chant de la Marseillaise (qu'Yves Leterme prenait en 2007 pour l'hymne national belge), le cortège démarre en direction de la place du théâtre, où doivent se retrouver les chefs de partis en charge des négociations en vue de former un gouvernement, pour observer le spectacle des échasseurs, un classique des fêtes de Wallonie. La consigne est claire : sur le chemin, ne pas répondre aux provocations.
À peine après avoir parcouru 50 mètres, une piétonne est saisie de dégoût. C'est dégueulasse, c'est pas nos couleurs ça, nous c'est noir, jaune et rouge ! lance-t-elle à la vue des drapeaux français des manifestants. Tout le long des 2 kilomètres de marche jusqu'à la place du théâtre, des remarques se font entendre et les regards sont hagards. Au détour d'un arrêt de bus, une femme interpelle même à un photographe de presse : Vous êtes aussi un vendu vous ? Vous n'avez qu'à y aller en France, mais ici, c'est la Wallonie.
La Belgique n'aurait donc plus qu'à crever
Ce n'est toutefois que véritablement devant le théâtre que les manifestants se font verbalement prendre à partie. Des hués, beaucoup de vive la Belgique ! et quelques débats passionnés. Amory, par exemple, est un belge convaincu et ne comprend pas ce que font les gens ici. Les Fêtes de Wallonie sont culturelles, pas politiques, et là, ils s'imposent alors qu'ils ne représentent rien (1,37 % des suffrages pour le parlement wallon en 2009, NDLR), explique-t-il. Il débattra avec le RWF jusqu'à montrer à la télévision flamande, la VRT, que le RWF n'est pas ici chez lui. Plus loin, l'expression qui fâche est lâchée. Elle peut crever, ta Belgique ! jette un militant à un de ses interlocuteurs belges.
Le but de cette action pour le RWF était d'attaquer les élus par des cris tels Wallonie française. Un échec, comme à l'arrivée d'Elio Di Rupo, le formateur de gouvernement, beaucoup plus applaudi par les visiteurs à Namur ce jour-là. Pour expliquer cette situation, Marie Leblanc, 22 ans, membre du parti depuis 4 ans, parle de la peur. Les gens ont peur du changement, car pour eux, la France, c'est le mal, l'envahisseur.
Elle est, comme l'explique le maître de conférence à l'université de Liège, Jean-Sébastien Jamart, une rattachiste de raison qui voit que la Belgique n'a pas d'avenir.Lui est un rattachiste de coeur, car il a grandi dans un environnement francophone absent de référence belge et a découvert sa nationalité avec l'élection de François Mitterrand en tant que président de la République française.
Le cortège s'est royalement dissous à 17h15, laissant toute la place aux Fêtes de Wallonie.
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