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Voxe : la plateforme qui veut sauver la politique

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Politique

Finaliste du prochain Google Impact Challenge, Voxe a déjà conquis 3 millions d’utilisateurs dans le monde avec sa plateforme d’initiative civique. Pensé comme un Wikipédia de la politique, le projet entend faire glisser le pouvoir des instances « tradis » de décisions jusque dans les mains des citoyens. Entretien avec Léonore, la cofondatrice.

cafébabel : Qu’est-ce que Voxe ?

Léonore de Roquefeuil : Voxe est une initiative civique qui permet de faciliter l’accès à une information politique de qualité afin que l’engagement citoyen soit plus simple. En gros, on rend l’information politique plus claire. Pour ce faire, 9 personnes travaillent à Paris et une équipe de volontaires est mobilisée et rassemblée au sein d’une soixantaine de communautés dans le monde entier.

cafébabel : Quels outils utilisez-vous pour mener à bien l’initiative ?

Léonore de Roquefeuil : En 2012, nous avons crée une plateforme de comparaison neutre et internationale de programmes politiques, qui est active pendant les élections. Avec cette plateforme, on est présent dans 12 pays et on a déjà convaincu 3 millions de personnes dans le monde. Elle a aussi la particularité d’être en open-source et de fonctionner avec le crowdsourcing, comme le ferait un « Wikipédia des élections ». Autrement dit, n’importe qui – y compris les candidats eux-mêmes - peut entrer les propositions des candidats, et ajouter du contenu enrichi.

cafébabel : Comment contrôlez-vous la véracité des informations ?

Léonore de Roquefeuil : Dès que l'on reçoit une suggestion, on contrôle bien évidemment la source. Lorsqu’il s’agit de propositions, on ne poste par exemple que celles provenant des manifestes officiels des partis. 

cafébabel : Pourquoi ?

Léonore de Roquefeuil : Quand on a créé VOXE, on pensait que tout le monde nous proposait un peu la même chose. Mais en fait, quand on se penche sur les programmes, on se rend compte qu'il existe encore du clivage et que les idées brutes sont matière à débat. On ajoute ensuite d’autres données publiques pour que la compréhension soit optimale. Admettons qu’un candidat se positionne en faveur de TAFTA, il faut que les citoyens sachent de quoi il s’agit. Par conséquent, notre équipe et nos volontaires vont chercher des informations sur des sites comme vie-publique.fr ou regardscitoyens.org afin de fournir un complément, le plus neutre possible. 

cafébabel : Voxe s’est-il fondé en réaction à un déficit démocratique ?

Léonore de Roquefeuil : Oui et non. On voulait surtout essayer de combler le fossé entre élus et citoyens et rétablir une certaine confiance en la politique. Aujourd’hui, les citoyens ne s’engagent plus. Ni par le vote puisqu’il y a de plus en plus d’abstention, ni via les partis politiques qui n’intéressent plus personne. D’une part, le citoyen a l’impression de ne plus avoir d’impact dans la société. D’autre part, il ne comprend pas l’information qui lui est transmise. Nous, on agit sur ces deux gros problèmes. En rendant l’info plus claire au moment des élections. Et ensuite, en allant plus loin, en se disant qu’améliorer la démocratie ce n’est pas simplement améliorer la façon dont les gens votent. Si on veut améliorer la démocratie, il faut travailler sur l’engagement au quotidien. Concrètement, on travaille sur une appli depuis le début de l’année qui va permettre au citoyen d’être informé, de se positionner puis d’avoir des missions d’engagement réelles.

cafébabel : Type ?

Léonore de Roquefeuil : Admettons que je sois propriétaire d’une auto-école. Je m’abonne sur l’application à la rubrique qui concerne mon corps de métier (réforme du permis conduire etc...). Dès qu’il y a quelque chose de nouveau, je reçois une alerte avec le décryptage de la loi, une infographie avec les chiffres du secteur, une carte avec les acteurs principaux qui portent le dossier, un espace pour savoir si mon député est en faveur du projet... Une fois que je suis informée, l’application va me demander de me positionner en tant que « pour », « contre » ou « ça m’est égal ». Selon la réponse, on va proposer aux personnes de s’impliquer dans des actions, qui peuvent aller de la manifestation à la pétition. 

cafébabel : Avec ce fonctionnement, vous n’avez pas peur que les gens s’engagent uniquement par intérêt ?

Léonore de Roquefeuil : Le but, ce serait de faire tomber ces barrières entre ces groupes d’intérêts et de construire des groupes de lobbys citoyens qui vont bien au-delà des professions réglementées. C’est tout l’intérêt de la plateforme qui propose plusieurs choses et où les citoyens ne seront pas uniquement informés sur leur secteur d’activité. Ainsi, ils pourront s’engager pour une cause qui ne les concerne pas directement. Concrètement, même un interne en médecine pourra donner son avis sur la réforme et se retrouver sur un terrain commun avec l'auto-école.

cafébabel : Dans votre manifeste, vous affirmez que nous sommes tous des femmes et des hommes politiques qui s’ignorent. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Léonore de Roquefeuil : Ça reprend un peu l’idée de la campagne menée par Pierre Rabhi et l’artiste JR en 2012, « Tous candidats », pour laquelle ils avaient réalisé des portraits d’anonymes en noir et blanc. Le but était de montrer que dans une élection, on peut tous être candidat. Aujourd’hui, on passe notre temps à nous dés-éduquer, à nous dire qu’il y a des gens qui vont s’occuper des affaires publiques pour nous. Du coup, on ne croit plus en la légitimité de notre opinion. On ne va plus voter la tête haute. Mais en réalité, tout est politique, et ça commence peut-être par votre conversation le matin avec un voisin. Et si tout est politique, nous sommes tous des femmes et des hommes politiques. 

cafébabel : Vous croyez au pouvoir de la technologie pour donner aux citoyens l’accès à l’information la plus neutre, ramener les jeunes vers la politique, lutter contre l’abstention... En quoi la technologie peut faire ce que les moyens traditionnels ne peuvent pas ?

Léonore de Roquefeuil : Les moyens traditionnels utilisés par l’administration ne correspondent plus à la manière de penser des citoyens. Aujourd’hui, on a des administrations qui nous parlent comme au XIXème siècle, qui utilisent un vocabulaire d’avocat. À aucun moment, les technologies ne sont utilisées par les gouvernements actuels, sauf pour faire du top-down c’est à dire nous balancer de l’information. Certes, il y a des tentatives qui vont dans le bon sens mais elles restent marginales. Pourtant, on a vu, durant le Printemps Arabe par exemple, que l’on pouvait mobiliser des millions de personnes avec la technologie. Le pouvoir de la technologie est immense. Le problème, c’est qu’elle ne nous a pas encore permis de proposer des alternatives viables à la politique rejetée par beaucoup de mouvements sociaux. 

cafébabel : Voxe a-t-il une couleur politique ?

Léonore de Roquefeuil : Non. Surtout pas.

cafébabel : Vous êtes vous inspirés d’un modèle semblable en Europe ?

Léonore de Roquefeuil : Pas vraiment même si nous ne sommes pas le seul comparateur dans le monde. Par contre, Voxe est la seule plateforme qui fonctionne avec une approche crowdsourcée et la seule à être en open-data. Après, on sait qu’il y a des efforts à faire sur notre design. On travaille avec des développeurs volontaires qui trouvent l’idée géniale.

cafébabel : Vous êtes en finale du Google Impact Challenge, avec 500 000 euros à la clé. Qu’est-ce que vous en feriez ?

Léonore de Roquefeuil : On ferait une refonte totale du site et on développerait l’application. On ajouterait aussi quelques fonctionnalités comme l’adaptation de la plateforme à toutes les langues (Voxe en compte 5 pour l’instant dont le français, l’espagnol, le portugais, l’anglais et le roumain, ndlr). On veut aussi laisser la possibilité aux citoyens d’interpeller les politiques lorsqu’ils ne se positionnent pas sur la question. Ça leur mettrait un peu la pression.

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Vous pouvez encore voter pour Voxe dans le cadre du Google Impact Challenge

Story by

Matthieu Amaré

Je viens du sud de la France. J'aime les traditions. Mon père a été traumatisé par Séville 82 contre les Allemands au foot. J'ai du mal avec les Anglais au rugby. J'adore le jambon-beurre. Je n'ai jamais fait Erasmus. Autant vous dire que c'était mal barré. Et pourtant, je suis rédacteur en chef du meilleur magazine sur l'Europe du monde.