Visa Vie pour les sans-papiers
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"Migrant", "clandestin", "sans-papiers" : quelle réalité humaine recouvrent ces termes ? Loin des discours sécuritaires et criminalisants, le festival Visa Vie est une initiative citoyenne visant à sensibiliser le public à la condition de ces personnes privées de vie et de citoyenneté, qui luttent dans l'ombre pour leur droit à une vie meilleure. Rendez-vous du 23 au 28 février à Louvain-la-Neuve.
Le festival Visa Vie, organisé à l’initiative d’étudiants et d’habitants de Louvain-La-Neuve en solidarité avec les Sans-Papiers, fait partie de ces initiatives citoyennes visant à humaniser la figure du migrant, trop souvent criminalisé dans les discours. Dans le climat actuel de repli et de méfiance à l'égard de l'étranger, le migrant fait systématiquement l'objet d'un a priori de culpabilité dont il doit se défendre pour être un «bon» immigré, qui peut « renforcer la société » et non « peser sur le pays et la sécurité sociale ».
En opposition à ce discours dominant, certains acteurs de terrain appelent à sortir de ce point de vue légaliste. « L’objectif de ce festival est de mettre l’humain au centre du débat», explique Bertrand Vandeloise, un des organisateurs du festival.
Débat politique : quelles perspectives pour les sans-papiers?
Le premier jour du festival se clôturait lundi soir par un débat politique autour de la question: « Quelles perspectives pour les sans-papiers ? La gestion de l’immigration et la régularisation en Belgique et en Europe. » Celui-ci s'articulait autour de deux questions principales : « quel avenir pour les sans-papiers » et « et si on fermait les centres fermés? ».
Différents partis politiques belges étaient représentés et invités à proposer des pistes pour améliorer les politiques publiques en matière de gestion de l’immigration : Stéphane Crusnière (PS), Zoé Genet (Ecolo), Serob Muradyan (CDH), Riet Dhont (PTB) et Jean-Jacques Flahaux (MR) – la présence de ce dernier suscitant un débat vif sur la politique sécuritaire menée par le gouvernement fédéral belge en matière d’immigration depuis l’arrivée au pouvoir de la suédoise. Un représentant du collectif la Voix des Sans-Papiers, Thierno Ball, était également présent à la table des orateurs et a lu une carte blanche à destination des politiques appelant à plus d'humanité et de solidarité à leur égard.
Dans un premier temps, c'est l’avocate Sylvie Sarolea, spécialisée en droits de l’homme et droits de l’immigration qui s'exprime sur l’insuffisance de la législation en matière de politique sur l’immigration en Europe. Le terme de « migrant » recouvre selon elle une réalité plurielle et complexe qui appelle des réponses juridiques spécifiques. Or, le « mur administratif » auquel sont confrontés les migrants débarqués sur le sol européen ne permet pas ce traitement au cas par cas nécessaire à la production d’un véritable projet. En Belgique, l’Office des Etrangers s’apparente à une énorme machine silencieuse et arbitraire. L’appareil juridique actuel, dans son inefficacité à débloquer les situations administratives des migrants, constitue selon elle une véritable «machine à produire des sans-papiers. »
Zoé Genot souligne quand à elle la nécessité de changer notre regard sur l’immigration : opposée à l’attitude nationaliste et sécuritaire, elle invite à revoir dans le migrant un exilé menacé dans son propre pays, auquel il faut pouvoir garantir l'asile et le droit à la vie de famille. Riet Dhont, militante de longue date engagée au service de la cause des sans-papiers, considère que la première priorité consiste à mettre en place en Belgique une législation claire basée sur des critères non-arbitraires, avec une Comission indépendante de contrôle. Le caractère arbitraire des procédures encadrant la gestion des immigrés en Belgique fut dénoncé à plusieurs reprises au cours du débat, invitant à mettre en place en urgence des dispositifs juridiques et institutionnels adéquats.
La vivacité des échanges qui suivirent le débat entre le public et les intervenants, notamment sur les prises de position de M. Flahaux et de M. Muradyan, témoignait du caractère sensible de la question. La confrontation directe du corps politique avec des sans-papiers et des personnes en attente de régularisation a permis un dialogue nourrit de témoignages sur une réalité vécue au quotidien, dont la complexité semble parfois échapper à ceux qui font les lois. Mais au-delà de l'action politique, c'est à la mobilisation citoyenne qu'invitait cette première journée de festival. Une mobilisation qui doit passer par la déconstruction de l'image du migrant illégal, donc criminel, effet indésirable de la mondialisation. Les médias ont leur rôle à jouer dans cette lutte : fournir un vrai travail de terrain, informer sur les parcours de vie et les conditions d'existence de ces individus, leur offrir la parole et l'occasion d'exister en dehors des discours qui les condamnent.