Visa : l'Europe ouvre ses portes aux Ukrainiens
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Florian PeetersHier, les ministres de l'UE ont approuvé le vote du Parlement européen en faveur de l'exemption de visas pour les Ukrainiens. Le mois dernier, 521 députés européens avaient appuyé cette proposition, 75 d'entre eux l'ont refusée, et 36 se sont abstenus. Elle entrera en vigueur en juin après sa publication dans le Journal officiel.
La décision du Parlement européen et son approbation par le conseil de l'UE représente les dernières étapes vers la suppression du visa. Les différents débats et autres procédures à ce sujet avaient commencé en 2008 dans le cadre du lancement des négociations d'un accord d'association entre l'Ukraine et l'Union.
Par la suite, un plan d'action pour la libéralisation du régime des visas avait été présenté lors du sommet UE-Ukraine à Bruxelles en 2010.
En 2013, le président pro-russe Viktor Ianoukovitch avait refusé de signer l'accord d'association, ce qui a eu pour conséquence des manifestations majeures, plus connues sous le nom d'Euromaïdan. Ces dernières avaient conduit à la démission du gouvernement, à la fuite de l'ancien président en Russie, mais également à la montée en puissance de l'opposition pro-UE. C'est en 2014 que l'accord a finalement été signé. Plus tard, dans le cadre de la ratification par les États membres, les Pays-Bas ont toutefois rejeté la proposition lors d'un référendum organisé conformément à la législation locale. Les Néerlandais finiront par accepter l'accord, notamment grâce à quelques garanties politiques.
En avril 2016, la Commission européenne a décidé d'ajouter l'Ukraine à la liste des pays dont les citoyens peuvent circuler librement dans les pays de l'espace Schengen pour une période ne dépassant pas 90 jours par an. Toutefois, cette décision devait d'abord être approuvée par les autres institutions du Vieux Continent. Jusqu'à présent, la date d'entrée en vigueur de cette mesure n'était pas non plus très claire.
Oksana, traductrice à l'ambassade de Pologne à Kiev, pense que la possibilité de voyager et de s'ouvrir au monde n'est pas seulement importante d'un point de vue touristique.
« L'opinion qu'on a de notre patrie et le comportement qu'on y adopte dépend du regard qu'on porte sur les autres pays. Les Ukrainiens pourraient prendre modèle en voyant comment certains problèmes sont résolus dans les pays de l'UE. En URSS, les initatives du peuple étaient étouffées, aujourd'hui, le problème réside dans le fait que les gens ne peuvent pas exercer leurs droits en tant que citoyens. Par exemple : quelqu'un se rend en Europe et voit qu'il n'y a pas d'affiche publicitaire sur les bâtiments historiques. Quand cette personne rentrera chez elle, cette situation dans sa propre ville pourrait l'énerver », explique-t-elle.
Une fois, un grand restaurant avait affiché une bannière publicitaire sur un bâtiment historique du centre-ville dans la capitale. Les réactions ne se sont pas faites attendre, des pétitions ont été envoyées au conseil municipal et les médias locaux s'étaient emparés de l'affaire. Le même jour, les propriétaires ont été forcés d'enlever la publicité et de s'excuser. « Je pense que ce genre d'initiative locale est important pour les Ukrainiens », ajoute Oksana.
Le projet d'un régime sans visa pour l'Ukraine a été abordé le 5 avril au Parlement européen. Le vote, qui a eu lieu le lendemain, a été appuyé par une majorité d'eurodéputés malgré le rejet de l'extrême droite et de l'extrême gauche .Cette décision du Parlement a suscité de nombreuses réactions. Michaël Chtchour, journaliste, affirme sur Facebook : « Une ère sans visa va bientôt commencer. Je souhaite des voyages exceptionnels à tous. Ne gâchez pas cette chance. Parce qu'une telle mesure peut être facile à supprimer ». Andriy Andruchkiv, fondateur de l'association Centre UA, plaisante : « Du coup, ça veut dire que les gens vont arrêter de publier des photos de leurs visas sur Facebook ? Vraiment ? »
Selon Andreï Gavrilov, pianiste suisse d'origine russe, cette décision provoquera de grands changements en Ukraine dans 30 à 40 ans. L'artiste, qui avait quitté l'Union soviétique pour Londres, vit maintenant en Suisse et possède pas moins de 4 nationalités. « Je veux que vous compreniez l'importance de cette révolution qui est un signe de confiance de la communauté internationale envers vous (...) Ces 4 dernières années, j'en ai parlé avec de nombreuses personnes et j'ai défendu vos intérêts. (...) C'est aussi en partie le résultat de mon travail. » Gavrilov cite également les commentaires négatifs sur le fait que peu de personnes peuvent se permette de voyager malgré la suppression des visas en raison d'une situation économique difficile. « Malheureusement, ce sont des victimes des 75 dernières années. Ils n'arrivent plus à se réjouir de rien. Les plus jeunes sauront en profiter », explique-t-il.
Sur Internet, les Polonais pensent que cette suppression va pousser les Ukrainiens de Pologne à aller travailler dans les pays d'Europe de l'ouest. N'oublions pas que la suppression du visa n'est pas synonyme de suppression du permis de travail (il en faut toujours un, différent dans chaque pays, comme avant), et seuls les titulaires de passeports biométriques pourront circuler dans les pays de l'UE sans visa, que ce soit pour le tourisme, les affaires, ou la famille.
Ludmyla, salariée de l'Université polytechnique de Kiev, pense que cette suppression lui offrira plus de liberté : « Dans mon entourage, de nombreuses personnes ont renoncé à passer des vacances dans un pays de l'UE à cause de tout le processus qu'il fallait affronter pour avoir un visa. Cette bureaucratie est assommante : un certificat de travail, un certificat bancaire, et encore un certificat pour l'hôtel... On se sent humiliés. Pour obtenir le fameux sésame, vous devez absolument prouver que vous ne comptez pas rester dans le pays, que vous ne serez pas un immigrant : vous devez acheter à l'avance un billet de retour et posséder un certificat de l'hôtel dans lequel vous avez déjà payé une chambre pour votre séjour. Beaucoup de gens trouvent toutes ces obligations dégradantes », explique-t-elle.
La suppression du visa pour la Géorgie et la Moldavie prouve bien qu'une telle décision n'a pas d'impact sur le nombre d'émigrants, argument principal des sceptiques. Pour une période plus longue (pour les études ou le travail par exemple), il est toujours nécessaire de demander un visa. Cet accord ne comprend pas l'Irlande ni le Royaume-Uni, ne faisant pas partie de l'espace Schengen. Par ailleurs, les pays qui en font partie mais qui ne sont pas membres de l'UE n'ont pas non plus besoin de visa : l'Islande, la Norvège, la Suisse et le Liechtenstein.
Comme pour la Géorgie, l'approbation de cet accord par le Conseil ne devrait être qu'une formalité. En tout cas, l'Ukraine a déjà franchi l'étape décisive, c'est-à-dire le vote du Parlement européen et celui du Conseil de l'UE.
Translated from Koniec wiz dla Ukrainy do UE