Violences policières : un récépissé pour des contrôles apaisés ?
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En réponse à certaines violences policières, des candidats à l’élection présidentielle proposent la mise en place du récépissé de contrôle d’identité. Ce document améliorerait non seulement l’efficacité des forces de police dans leur quotidien mais aussi leurs relations avec la population. Analyse.
Pratique courante au sein des forces de police, les contrôles d’identité se déroulent généralement sans heurt. Des abus sont néanmoins dénoncés régulièrement. Des études et des témoignages relevés par des associations font état de contrôles au faciès, de profilage ethnique ou de brutalités. Ces pratiques qui ressurgissent comme lors de l’affaire Théo en février 2017 focalisent l’attention et détériorent les relations entre la police et la population.
Une étude du défenseur des droits révèle que les contrôles d’identité dans l’espace public sont rares. Sur l’ensemble des sondés, 16 % rapportent en avoir fait l’expérience au moins une fois au cours des cinq dernières années. Principalement sans suite, seuls 5,9 % des contrôles d’identité sont suivis d’une conduite au poste. Dans la majorité des cas, les personnes contrôlées notent que les policiers ont été polis et courtois et relèvent très peu de manquements à la déontologie. Le tutoiement est le plus répandu et concerne 16,3 % des cas.
Le manque d’information est le souci majeur rapporté par les personnes soumises à un contrôle d’identité. Dans 59 % des cas, elles expliquent qu’elles n’ont reçu aucune information sur les motivations de la vérification. Ce défaut de pédagogie a un impact direct sur la qualité des liens entre la police et la population. La confiance accordée à la police est plus élevée chez les personnes ayant eu une explication (82,4 %) que chez celles qui n’en ont eu aucune (62,1 %).
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Des populations ciblées
Cette perception souvent compréhensive de la police change du tout au tout selon le profil des personnes interrogées. Par rapport au reste de la population, les contrôles fréquents (plus de cinq fois) sont le plus souvent rapportés par des personnes vivant dans une cité. Le caractère ethnique apparaît comme un élément de choix pour ces contrôles : avec une surreprésentation des jeunes issus des minorités ou un risque de contrôle 20 fois supérieur à celui de la population pour les hommes de moins de 25 ans issus des minorités. Une étude menée par la fondation Open Society montre qu’à Paris ces populations peuvent être contrôlées plusieurs fois par mois.
Bien que le choix des policiers repose sur d’autres critères que la seule couleur de peau, comme l’apparence générale (vêtement, attitude…), la fréquence de ces contrôles renforce le sentiment de harcèlement souvent exprimé. Les réactions collectées par Open Society vont de la résignation à la colère. Selon ce rapport, « de nombreuses personnes interrogées ont indiqué avoir l’impression d’être visées en raison de leur apparence ». Elles dénoncent une distance entre elles et les agents et regrettent parfois la police de proximité avec laquelle « il y avait plus de dialogue ».
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Des contrôles plus efficaces
Plusieurs solutions ont été apportées dont plus de transparence dans les rapports entre les forces de l’ordre et la population et le port du numéro de matricule, ou d’une caméra piéton… Une autre piste envisagée est le récépissé de contrôle d’identité. Il s’agit d’une attestation remise à une personne contrôlée comportant au moins des informations personnelles (nationalité, sexe, âge), sur le contrôle (durée et motif), la pratique d’une fouille et l’éventuelle révélation d’une infraction.
L’expérience menée entre 2007 et 2008 à Fuenlabrada, dans la banlieue de Madrid, a montré un gain d’efficacité de la police. Le nombre de contrôles a fortement diminué sur la période de l’essai et leur efficacité (contrôles débouchant sur des poursuites) a triplé. Les pratiques également ont évolué puisqu’en 2007, les personnes d’origine marocaine avaient 9,7 fois plus de risque d’être contrôlées. Ce chiffre est tombé à 3,4 en 2009.
Ces expériences n’aboutissent pas toujours. À Gérone, elle a dû être stoppée car des officiers y voyaient une mesure punitive suite à un événement au cours duquel des policiers avaient frappé une personne en détention. En Bulgarie, la fondation Open Society a remarqué le manque d’information de la population qui prenait les formulaires comme des procès-verbaux leur demandant de payer une amende. Ainsi, même si le récépissé peut aider à améliorer les rapports entre la police et la population, il ne règle pas à lui seul le problème des contrôles discriminatoires. Il doit, pour aboutir, faire l’objet d’un travail commun entre les forces de l’ordre, la population locale et les élus.