Violence...
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Le hasard du calendrier médiatique fait que je me replonge dans la lecture des Unes grecques au moment où de nouveau la violence fait parler d'elle. Déjà, dans le sillage des événements du mois de décembre, on avait signalé une vague de micro-attentats revendiqués par des groupes auto-définis comme anarchistes. Cette semaine encore, des groupuscules de ce genre ont frappé.
Remontons le fil du temps. Le 3 février, une attaque avait été lancée contre un commissariat, revendiqué par le groupe "Secte des révolutionnaires" qui avait eu le bon goût de déposer une lettre de revendication sur la tombe du jeune Alexis Grigoropoulos abattu en décembre par un policier. Mardi, une bombe était lancée contre les studios de la chaîne télévisée Alter, cependant que des coups de feu étaient tirés sur des voitures stationnées à l'entrée. Un technicien qui passait par là faillit être tué (à lire dans Eleftheros Typos). Or, on apprenait samedi que le même groupe revendiquait cet acte par le biais d'une lettre dont Ta Nea du 21 février a publié l'intégralité. A travers la prose des rédacteurs de la missive se fait entendre un mélange de pensée anti-capitaliste (qui stigmatise le comportement des néo-Grecs perdus dans les affres de la société de consommation occidentale) et anti-journalistique, puisque la cible principale du groupe semble être les journalistes et les connexions qui existent entre nombre d'entre eux et le pouvoir. La lettre promet surtout du sang, du sang de journaliste, pour les semaines à venir.
Par ailleurs, on découvrait mercredi que 60 kilos d'explosifs avaient été placés dans un véhicule piégé devant une banque de la banlieue d'Athènes à Kiphissia, faisant a posteriori frémir devant les dégâts que l'explosion aurait pu produire (voir Makedonia).
(photo: université Aristote, Thessalonique)
Or, ces événements suivent de près le violent passage à tabac d'un universitaire, Yannis Panoussis, commis quelques jours plus tôt alors qu'il prononçait un discours public dans une université athénienne. Sa prise de parole concernait apparemment la remise en cause de l'asile universitaire, très discuté en cette période de violences favorisées, semble-t-il, par l'immunité dont bénéficie toute personne située dans l'enceinte d'une université grecque et qui permettrait à un certain nombre d'actes de cet ordre d'être préparés en toute tranquillité.
Dans la presse de cette fin de semaine, trois types de réaction apparaissent face à ces convulsions violentes de la société: inquiétude, colère, mépris.
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Inquiétude des forces de sécurité pour qui "les activistes voulaient tuer. Ils n'ont pas de cible précise, ce qui les rend encore plus dangereux." (à lire dans Eleftheros Typos). Par ailleurs, les responsables n'excluent pas que cette 'Secte des révolutionnaires' soit un avatar du groupe 'Lutte révolutionnaire' mais dont le mode d'action se serait radicalisé.
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La colère est palpable à travers la réaction de Nikos Xydakis, qui s'insurge, dans les colonnes de Kathimerini, contre cette violence en expansion "qui n'est qu'une violence aveugle à l'intérieur de la société, produite par la société et contre elle". Il en expose les causes génétiques possibles: "les plaies ouvertes, réelles ou imaginaires, qui polluent le corps social d'une haine terrible". Et l'on en revient au fameux "malaise" qui minerait la société grecque à différents niveaux. Dans Kathimerini, encore, Adonis Karkayannis ne comprend pas comment tous ces groupes qu'il apparente de près ou de loin à des casseurs, peuvent encore sévir impunément à Exarchia et dans les universités alors même qu'ils agissent en groupes, repérables de loin, et souvent en plein jour. Même son de cloches ou presque du côté de To Vima dans lequel Yannis Pretédéris s'emporte contre la mollesse de la réaction des acteurs du milieu universitaire face au lynchage de leur collègue, qui, s'il semble les avoir secoués, a fait dire à certains que cet acte ne devait pas justifier une augmentation de la répression policière. Indignation du côté du chroniqueur: "Si le proverbe 'Tel maître, tel élève' est vrai, alors je comprends mieux pourquoi les universités sont remplies de casseurs et dialoguent à coups de poings".
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Enfin d'autres ont choisi de répondre plutôt par le mépris intellectuel de ces groupes qui occupent le devant de la scène médiatique. Gérasimos Moschonas, universitaire également, écrit ainsi dans Ta Nea que "ce mouvement anti-capitaliste, ou révolutionnaire, ou romantique (tous ces termes renvoyant aux différentes tendances représentées au sein de ce bloc d'extrêmistes) s'est transformé en un mouvement de casse généralisée presque risible. Leur tentative d'assumer un rôle politique a mis à jour la nullité de leur pensée politique et l'immoralisme violent des acteurs de ce nouveau jeu." Il souligne également la perte de contact avec la réalité que subissent ces groupes grisés par leur succès médiatique et le nombre grandissant de leurs troupes.
De fait, si le mouvement fait fleurir bon nombre de slogans anti-médias, n'est-ce pas en partie grâce à la couverture médiatique exceptionnelle qu'ils ont acquis une telle publicité et que la menace de leur action se dresse encore plus grande ? C'est décidément un paradoxe des temps modernes de l'hyper-information.