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Versus et Mr Blue : Kiss Kiss Bang Bang

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BrunchCulture

Versus, c’est d’abord un pari. Celui de monter un groupe à neuf et de réhabiliter un genre qui n’existait presque plus depuis L’Inspecteur Harry : la musique de film. Qu’on le veuille ou non, le groupe français a réussi son challenge avec la sortie de leur premier album en avril dernier : Mr Blue. Rencontre avec le fondateur de Versus à Rock en Seine entre Superfly, la Motown et Keyser Söze.

« Le coup le plus rusé que le diable ait réussi, c’est de convaincre tout le monde qu’il n’existe pas. » Cette réplique d’Usual Suspects est sûrement l’une des phrases les mieux répétées par toute une génération qui a grandi avec les films de Bryan Singer, Martin Scorsese ou Quentin Tarantino. Les gangsters tout ça, ça faisait bien en soirée. Et les « punchlines » que comportaient tous ces films à suspense servaient aussi bien à jouer les cowboys entre potes qu’à épater les filles.

Mais certains d’entre eux ont décidé de faire plus qu’amuser la galerie. C’est le cas du groupe français, Versus. Passionnés entre autres par les ripoux, les joueurs de poker avinés, les caïds et les ruelles opaques, les neuf membres du groupe ont décidé de raconter leur propre histoire de bad-ass sur fond de black-music old school avant de rassembler le tout sur un premier album intitulé Mr Blue.

Blaxploitation

« L’idée de base, c‘était de faire une B.O de film qui n’existe pas. »

« L’idée de base, c‘était de faire une B.O de film qui n’existe pas. » En ce dimanche ensoleillé, Sébastien Charpiot alias « Lawkyz » essaie de faire retomber la pression. Dans quelques heures, son groupe va jouer sur la scène du festival Rock en Seine auquel il a pu participer grâce au concours SFR Jeunes Talents. Béret en laine feutrée, petites lunettes carrées et sacoche en bandoulière, le contrebassiste et fondateur de Versus a tout du gavroche de Brooklyn. Il faut dire que depuis qu’il rumine le projet, Sébastien vit carrément dans un film de série B. « Je pense qu’est arrivée naturellement l’envie de faire une BO imaginaire. C’est parti d’une vanne où l’on se donnait des noms. Mr Blue est arrivé très vite. On se demandait même si on ne pouvait pas appeler le groupe comme ça. Puis après, on a écrit un scénario et décidé de créer toute une histoire blaxploitation. »

Pause. La Blaxploitation est un courant culturel propre au cinéma des années 70 visant à revaloriser l’image des acteurs afro-américains qui en avait un tout petit peu marre d’être les mecs que l’on tue en premier. Sébastien poursuit : « Ils ont alors monté des films où 95% des personnages étaient noirs en mettant à l’image la réalité de meurtres et de violences qui sévissait dans leurs quartiers. Et ils ont décidé de le montrer sur fond de black-music. » C’est ainsi que les membres de Versus – qui ont par ailleurs tous une origine différente – se toquent de Shaft (Les Nuits rouges de Harlem en français, 1971), Superfly (1972), Sweet Sweetback's Baadasssss Song (1971). Autant de films qui feront la nique aux « babtous » en érigeant un personnage noir hyper-charismatique au rang de héros qu’il soit détective, gangster ou PIMP.

« Les bons quartiers undergrounds de Londres, un soir d’été, à Brooklyn »

PIMP my ride.De cette personnification de la culture noire - plus souvent bandit que gentil – est né Mr Blue. « C’est le personnage principal de l’histoire. Personne ne le connaît, on ne l’a jamais vu. Et forcément, il a un coup d’avance sur tout le monde », explique Sébastien avec un regard de midinette. Comment ne pas penser à Keyser Söze, le criminel fictif d’Usual Suspects ? « C’est un mélange d’Usual Suspects, des films de Quentin Tarantino dont on a pioché la référence, Mr Blue, dansReservoir Dogsmême si lui-même l’a emprunté àThe Taking of Pelham, One, Two Three (film réalisé par Joseph Sargent en 1974, ndlr) » L’amas de références aurait pu conduire Versus à la pisse-copie. Mais le groupe s’est assuré une histoire propre rédigée par le Dj, Mr Tos, dont le hobby est l’écriture. Le pitch s’apprécie comme suit : « Le barman, Donnie Bass, a rendez-vous à midi dans son bar pour rencontrer Mr Blue (c’est le titre « Almost Noon »). Donnie trouve une lettre dans laquelle Mr Blue lui donne une mission : réunir toute une équipe pour qu’elle devienne le nouveau groupe du bar. » Le premier album du groupe se contente alors de faire une description en musique de tous les personnages (le barman, le flic véreux, le chauffeur…) qui deviendront un à un les nouveaux membres du groupe. « Je ne veux pas présenter les personnages et les abandonner à la fin. Donc on part sur un triptyque. Dans le deuxième album, on va se rendre compte qu’un coup se monte. Dans le troisième, on se doute que ça se passera pas forcément très bien. »

Toutefois, et même si on se fait désormais une idée du tableau, Sébastien ne plante aucun décor. Il tient à ce que Mr Blue ne soit ni daté, ni situé. « Ce serait la réunion des bons quartiers undergrounds de Londres, un soir d’été, à Brooklyn mais voilà, je me tais. La ville, l’époque, faites-en votre idée. » Justement. C’est bien en écoutant attentivement les 12 morceaux de l’album de Versus que l’on perçoit toute leur puissance narrative. Quelque part entre le jazz, la soul et le hip-hop, Mr Blue s’apprécie comme un sincère héritage aux références Motown et Stax (compagnies de disques américaines, ndlr) des années 70 tout en empruntant à des projets récents comme ceux des Roots ou de The Herbaliser. Mais Versus ne serait pas si la bande-originale de film n’avait pas existé. Sébastien se souvient : « Les BO m’ont tellement mis de claques en matant certains films. C’est pour ça que l’on a un attachement particulier envers des mecs dont le travail n’était pas simplement d’accompagner un univers visuel mais d’en créer un. Des mecs comme Tarantino ou Lalo Schifrin (compositeur argentin des thèmes tels que Mission Impossible ou l’Inspecteur Harry, ndlr) » Un mec qui disait : « J’ai découvert peu à peu que la musique de film avait un objectif principal : l’émotion. » Bang !

Sur la scène du festival Rock-en-Seine, le dimanche 26 août 2012.

Illustration © Adrien Le Coarer ; Photos-texte : Superfly  courtoisie de Heritage comic, Bruce Sherfield © Victor Picon  Vidéo (cc)  versusmrblue/YouTube

Story by

Matthieu Amaré

Je viens du sud de la France. J'aime les traditions. Mon père a été traumatisé par Séville 82 contre les Allemands au foot. J'ai du mal avec les Anglais au rugby. J'adore le jambon-beurre. Je n'ai jamais fait Erasmus. Autant vous dire que c'était mal barré. Et pourtant, je suis rédacteur en chef du meilleur magazine sur l'Europe du monde.