Vers un modèle énergétique et environnemental ambitieux pour l'UE ?
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Lors d’un débat sur l’environnement et l’énergie le 7 novembre dans le cadre des journées de Bruxelles, les présidents des groupes Total et GDF-Suez ainsi que le président de Greenpeace Belgique ont joué la carte de la franchise tout en endossant pleinement l’image qu'on leur attribue traditionnellement dans la sphère publique.
La franchise au rendez-vous
Cafébabel s'est rendu le 7 novembre à la deuxième édition des journées de Bruxelles. Pour ceux qui auraient raté le débat sur l’énergie et le climat, en voici un compte-rendu : Patrick Pouyanné (Total) aura concédé que les intérêts économiques et la compétitivité de son entreprise continueront de primer tout en insistant sur les efforts considérables engagés par Total en matière d'efficacité énergétique et d'investissement dans des ressources énergétiques alternatives. Étienne Davignon (GDF Suez) aura quant à lui relevé que malgré « l'intérêt structurel » de telles grandes entreprises dans la lutte contre le changement climatique, on ne pouvait empêcher celles-ci de raisonner « comme des chefs d’entreprise ».
Michel Genet (Greenpeace Belgique), qui s'est auto-présenté comme « l'intrus du jour », a lui souligné l’insuffisance et le manque d’ambition des objectifs du parquet européen pour l’énergie et le climat. Il a néanmoins reconnu que certains efforts avaient été accomplis par les entreprises européennes en matière d'efficacité énergétique. Michel Genet a d’abord tiré quatre conclusions intéressantes sur la présentation du cinquième rapport du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) sur le changement climatique au Parlement européen le 4 novembre dernier : la réalité des effets du changement climatique ainsi que ses origines, l'importance du fonds vert pour le climat pour soutenir financièrement les efforts engagés par les pays en développement, le rôle peut-être plus proactif attendu de la Chine au prochain sommet climatique, et enfin le possible freinage des quatre fers des États-Unis après la victoire des républicains au Sénat, traditionnellement « climasceptiques ».
Le débat s’est ensuite porté essentiellement sur les conclusions du Conseil européen des 23 et 24 octobre dans les domaines de l'énergie et du climat et les perspectives de la Conférence des Parties COP-21 prévu en décembre 2015 à Paris. Dans un second temps, les orateurs ont entre autres évoqué les modalités d’engagement de la société civile dans ces débats, dont l’extraction de gaz de schiste en Europe.
L’UE doit montrer la voie au reste du monde
A propos de la prochaine conférence à Paris, on retiendra un consensus général sur le rôle de chef de file exemplaire que l'UE se doit de continuer d'endosser en matière de lutte contre le changement climatique et de promotion de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables. Comme l’a réitéré le représentant Greenpeace, cette responsabilité se révèle d'autant plus importante à la table des négociations internationales, où l’UE est attendue au tournant comme l'acteur primus inter pares, tirant les autres puissances vers le haut et déjouant le statu quo via des propositions législatives ambitieuses. Un rapide historique de la politique environnementale européenne permet de constater que l’UE a mené des stratégies au caractère hautement sophistiqué et novateur, même si elle fait l’objet de vives critiques. Davignon et Pouyanné ont quant à eux rappelé la nécessité pour l'UE de coordonner de tels efforts, au risque de faire cavalier seul dans la lutte contre le changement climatique et pour l'efficacité énergétique.
Concernant plus précisément les objectifs fixés par l’UE dans son paquet énergie climat, les participants étaient en désaccord sur leur niveau d’ambition et la possibilité de les mettre en œuvre : les uns les jugeant à la fois trop modestes et insuffisamment contraignants, les autres estimant ces objectifs contradictoires et précisément trop contraignants du fait du peu de liberté accordée aux entreprises pour les atteindre. À titre d'exemple, Pouyanné a évoqué la création d'un consortium d'entreprises pétrolières et gazières ayant récemment proposé de développer ensemble des initiatives climatiques. Sur les perspectives de la réunion du COP-21, une certaine confiance semblait régner quant à la capacité de l'UE d'arriver déterminée et unie à la table des négociations, avec des objectifs clairs et ambitieux, même si, d'après Genet, les grandes décisions politiques ne tomberaient historiquement que lorsque les gouvernements se trouvent véritablement« au pied du mur ». Davignon a insisté sur l'importance de défendre unanimement l'Union énergétique européenne qui recélerait des solutions à la « balkanisation » et à l'incohérence progressive des politiques énergétiques des États membres.
Et la société civile dans tout ça ?
La question de l’implication du « grand public » dans les questions énergétiques et de lutte contre le changement climatique s’est enfin posée. Selon le représentant GDF-Suez, il faudrait davantage mobiliser le public sur l'Union énergétique européenne que sur la lutte contre le changement climatique. Selon lui, l’Union énergétique européenne mobilise déjà de nombreux citoyens. Pourtant, l'intérêt démontré des citoyens européens à ce sujet reste discutable.
Lors d’un sondage d’opinion dans la salle, une minorité s'est montrée en faveur de l’extraction de gaz de schiste en Europe. Davignon et Pouyanné ont quant à eux manifesté leur inquiétude quant à la « frilosité » et « l’arrogance » européenne devant de telles opportunités de découverte scientifique. Des arguments qui s'opposent assez radicalement au principe de précaution prôné par l’UE ainsi qu'aux effets négatifs de l'extraction de gaz de schiste sur l'environnement et la santé humaine. Genet a résumé la controverse en affirmant que développer l'extraction de gaz de schiste en Europe équivaudrait à « changer pour ne pas changer ». Un bon débat en somme, durant lequel les participants ont joué la carte de la franchise, nous épargnant l'écueil des faux-semblants prévisibles, sans cesse répétés par les mêmes acteurs et dans les mêmes fora : de l'espoir pour l'élaboration démocratique d'un modèle énergétique et environnemental ambitieux pour l'UE.