Vernissage de l’exposition « Paul à Paris » en présence de l'auteur, Michel Rabagliati
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Lors du 37ème Festival d’Angoulême, Michel Rabagliati s’est vu décerner le Prix du Public pour son album « Paul à Québec ». Le Centre Culturel Canadien en profite donc pour exposer, jusqu’au 29 avril, quelques planches de cet album et des cinq autres qui l’ont précédé.
Le lundi 29 mars, le bédéiste québécois était présent à Paris pour inaugurer l’exposition. Les visiteurs, journalistes, fans de Michel Rabagliati ou lecteurs charmés par « Paul à Québec », ont découvert un auteur très humble qui s’est même dit « intimidé par les caméras » au moment d’entamer son discours de remerciements. Et, parmi les fans, on pouvait croiser Pénélope Bagieu dont la Vie tout à fait fascinante est suivie par de nombreux internautes. Bédéiste elle-même, Pénélope Bagieu a bien sûr raconté cette rencontre sur son blog, en croquant avec humour la timidité de Michel Rabagliati.
Il explique que, bien que ce personnage soit son "alter ego" littéraire, « tout n'est pas 100% vrai » mais qu'il ne s'agit pas pour autant « d'autofiction ». En fait, Michel Rabagliati cherche avant tout à écrire pour ses lecteurs. Il a donc crée un personnage "un peu naïf", "simple" afin que son public se reconnaisse à travers lui et ses petites aventures. "Paul à Québec" s’inspire très largement de l'histoire de la belle-famille de Michel Rabagliati, qu’il a toujours trouvée « formidable ». Paul est à la fois témoin, spectateur, personnage et bien sûr narrateur du récit. L'album raconte donc cette famille et la mort du grand-père par exemple, sans jamais sombrer dans ce que Michel Rabagliati appelle le « pathos ». Ceci dit, on n'éclate jamais vraiment de rire en lisant ses albums parce que, dit-il, "le sourire m'intéresse plus que le rire" : le sourire "parle plus aux gens".
Quant à son style graphique, Michel Rabagliati rappelle avoir commencé son activité de bédéiste à seulement 38 ans. Il en presque 50 aujourd'hui : son style a donc beaucoup évolué. Dans son dernier album -il préfère d'ailleurs parler de "roman graphique"- son style est selon lui vraiment très personnel. Certes, l’auteur n'oublie pas ses influences majeures (notamment Robert LaPalme, un caricaturiste et peintre québécois) mais son style s'émancipe peu à peu de celui de ses modèles. L'important est pour lui de "faire rire et rêver" et surtout d' "émouvoir". Il a ajoute même que "le plus beau compliment qu'on puisse lui faire, c'est d'avoir pleuré en lisant ses albums".
A un lecteur qui lui demande si ses albums comportent un message politique, Michel Rabagliati répond qu’il y a une vraie "vision sociale" dans ses textes. Il y évoque ainsi plus particulièrement la « vie des classes moyennes » parce qu'il la connaît bien. Mais il tient à réfuter, à nouveau, le terme d'autobiographie. Une façon, peut-être, de nous dire de ne pas confondre « vision sociale » et engagement personnel de l'auteur… Lorsque Paul et ses amis s’exclament « Vive le Québec libre ! », il faut y voir le portrait d’une certaine jeunesse québécoise militante, celle du début des années 80. Les albums « Paul » sont ainsi des photographies de moments importants de l'histoire du Québec. Cette dernière est un élément-clé dans ce sixième album qui replace la (petite) histoire de sa belle-famille dans la grande, des années 1930 à nos jours.
Enfin, en tant qu'écrivain, Michel Rabagliati s'intéresse particulièrement au "parler québécois". Ses livres sont très marqués par la culture et par la langue québécoise, ce qui est intéressant dans la mesure où, on l’a dit, les personnages chantent parfois "Vive le Québec libre!". Revendication d’une langue nationale et émancipation politique seraient-elles donc indissociables ? Cependant, au-delà de l’approche politique, il faut savoir écouter la langue québécoise, ses sonorités, sa musicalité. Pour nous, lecteurs français, cette langue est une découverte, une expérience poétique à part entière.
L’auteur a également écouté avec un intérêt manifeste deux des membres du jury qui lui a attribué le Prix du Public lors du dernier Festival d’Angoulême. Les deux lecteurs, âgés d’une vingtaine d’années, ont salué un "vrai roman illustré", une "histoire qui fait rêver", un album dont la "lecture est très fluide". La grande force de l’album « Paul à Québec » est donc de placer l’émotion au cœur de son écriture et de son graphisme -qui ravit d’ailleurs à la fois les vrais passionnés de BD et les simples amateurs du genre-. Dans ce sixième album, Michel Rabagliati explore des thèmes universels – la mort, le deuil, le poids des souvenirs- et réussit à susciter chez son lecteur sourire et larmes.
Mélodie Labro
Pour en savoir plus :
Le site de l'expo (jusqu'au 29 avril)