Valence : la télé publique s'éteint
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Sarah RICHARDIERLe 27 novembre dernier, le Parlement valencien a approuvé la liquidation de RTVV, la télévision publique autonome de Valence. La décision survient alors qu'un vaste plan social est déclaré nul par la justice et que plusieurs cas de corruption éclaboussent certains représentants. Cette décision porte atteinte au principe même de l'indépendance et menace de mettre fin à 18 ans de gouvernance.
Nous écrivons ces lignes quelques minutes seulement avant la fin de cette chronique de mort annoncée : la liquidation de la « Radio Televisió Valenciana » par le biais du Parlement aux mains du Parti Populaire (la liquidation a été entérinée le 29/11/2013, cet article a été écrit la veille - un jour après le vote, ndlr). Ce même parti qui, pendant ces dix-huit années de gouvernance ininterrompue s’est servi de la radio et de la télévision publique des Valenciens pour créer une gigantesque machine de propagande au service de leurs propres projets.
une audience ridicule
Le résultat d’une telle utilisation est un organisme public originellement conçu comme la pierre angulaire de l’autonomie, converti en une agence d’emploi avec plus de 1600 travailleurs, 1200 millions de dette accumulée, une audience ridicule qui ne dépasse les 4% qu’en de rares occasions (grâce à des séries autoproduites, nda) et un manque total de crédibilité.
La manipulation de l’information et la censure pure et simple ont dépassé la limite de l’absurde. Les informations se sont petit à petit converties en « No-Dos »(Noticias Documental, journal sous la dictature, nda), destinées à faire l’éloge des présidents au pouvoir et à les faire passer pour les représentants de l’identité valencienne. Présidents qui, pour certains, n’en maîtrisaient même pas la langue. L’important était de faire semblant, en même temps qu’ils vendaient Valence comme un paradis de luxe, avec des inaugurations pharaoniques et de grands évènements censés augmenter le rayonnement de la ville (l’aéroport de Castellon, la Formule 1 …).
Canal 9, le produit-phare de l’organisme, n’a pas correctement informé lors de l’accident du métro de Valence de 2006 qui a fait 43 morts. Qu’il s’agisse de l’un des accidents ferroviaires les plus graves de l’histoire du pays n’a pas été un motif suffisant pour interrompre un programme sur la visite du Pape.
La fin s’est fait pressentir lorsque le gouvernement a annoncé le licenciement collectif de plus des deux tiers du personnel de l’organisme public, selon des critères discutables. Il s’agissait de 1200 employés. Six mois ont suffi au Président Alberto Fabra – nommé par le gouvernement central après la démission de son prédécesseur Francisco Camps accusé de corruption – pour adopter cette décision radicale.
la mort d'un gouvernement
Toutefois, les personnes affectées se sont organisées collectivement, ce qui a permis à la justice de prendre le dossier en main. Le 5 novembre dernier le Tribunal Supérieur de Justice de la Communauté Valencienne a déclaré le licenciement collectif mené par le gouvernement valencien comme nul. Sept heures plus tard, le Président déclarait la nécessité de fermer RTVV, invoquant l’impossibilité de réadmettre tous les journalistes touchés par le licenciement. Il s’agissait d’une excuse parfaite pour se débarrasser d’une télévision qui, faute de crédibilité, ne pouvait même plus prétendre à servir d’outil de propagande. Face à la décision totalitaire de Fabra, les employés de l’organisme qui avaient conservé leur emploi ont immédiatement réagi. Le résultat a pris les traits d'une journée historique pendant laquelle tout ce qui avait été caché durant les années de censure a été divulgué.
L’exercice de pluralité réalisé par les journalistes pendant ces heures pose la question de savoir pourquoi ne l’ont-ils pas fait plus tôt. Pour quelle raison leur éthique professionnelle ne les a pas poussé à réagir face à tant d’absurdité ? Ils sont les seuls à pouvoir répondre, et il est légitime qu’on leur demande des comptes sur leur passivité toutes ces années de désinformation durant. Même si mieux vaut tard que jamais... Cette nuit-là, les quatre forces politiques représentées au Parlement valencien ont débattu sur la question suivante : la télévision valencienne est-elle nécessaire ?
Malgré le fait que ses défauts dépassaient ses qualités, et même pendant les périodes les plus sombres de son histoire, la RTVV avait une fonction symbolique. Personne ne s’y intéressait, mais tous savaient qu’elle existait et qu’elle pouvait encore devenir ce pour quoi elle avait été créée : fédérer, en tant qu’instrument structurant, de cohésion du peuple valencien et de promotion de sa langue et sa culture. C’est un paradoxe que dans un monde du « penser global, agir local » une télévision qui avait pour mission d’y jouer un rôle essentiel disparaisse.
Ce n'est pas la première fois et ça ne sera peut-être pas la dernière. En juin dernier déjà, le gouvernement grec avait décidé de fermer la ERT, télévision publique du pays, licenciant 2500 employés. Certains ont résisté en continuant à émettre sur Internet jusqu’à ce que la police ne les déloge au début du mois. Les journalistes de RTVV auront-ils la même obstination que leurs collègues de l’Egeo ? Le temps nous le dira.
Les conséquences de la décision ne peuvent pas encore être évaluées. La liquidation parlementaire de RTVV a été votée, ce qui est facile à obtenir lorsque l’on a la majorité absolue. Mais peut-être que, comme l’a souligné la députée Mónica Oltra, chef de l’opposition, « aujourd’hui ce n’est pas l’histoire de la mort d’une télévision qui s’écrit, mais celle de la mort d’un gouvernement ». Un fait qu'à l'heure actuelle les enquêtes confirment.
Translated from RTVV: la maté porque era mía