Université et immigration dans mon château au Danemark
Published on
Translation by:
Gilles PansuPlus indépendants qu’ailleurs, les étudiants danois sont payés pour faire leurs études. 5000 couronnes mensuelles et l’opportunité de devenir adulte tout en douceur. Au royaume d'Andersen ou du prince Hamlet, il y a bien peu de choses « pourries » pour les jeunes. Enquête babélienne.
Le Danemark est vraiment le pays des contes, et pas seulement à cause de Hans Cristian Andersen : économie stable, équité et justice sociale sont la clé du succès du peuple le plus heureux du monde. Malgré la mélancolie des ciels plombés, la pluie fine persistante, les nuages poussées par un vent implacable, le petit royaume du Danemark attire l'attention de nombreux curieux qui, fascinés par l'image d'une société équilibrée et moderne, décident d'y suivre des études ou carrément de s'y installer définitivement.
Extrémité Nord de l'Europe, le Danemark est un pont culturel entre le continent et les royaumes scandinaves auxquels il ressemble, non seulement à travers son histoire et sa culture, mais aussi grâce à l’Etat providence, un concept populaire, dont les Danois ne sont pas peu fiers : une pression fiscale élevée (48,9 % en 2008 selon l'OCDE), liée à une faible évasion fiscale, permet d'entretenir un secteur tertiaire enviable mais très coûteux, et qui offre un service public de rêve.
Etre étudiant au Danemark
Au Danemark, l'université est gratuite pour les citoyens de l'UE et les structures sont très bien équipées : salles spacieuses, zones de détente et accès aux ordinateurs, centaines de photocopies gratuites chaque semestre pour tous les étudiants. « Ici, ils ont des équipements et des laboratoires de recherche qui n'existent que dans les rêves des étudiants de Bologne », résume simplement Alessandro, étudiant italien à Aalborg. L'Etat danois investit des millions de couronnes chaque année non seulement dans les structures, mais aussi directement dans ses étudiants, qui reçoivent des subsides de l'Etat, le « SU » qui prévoit 5000 couronnes mensuelles (environ 700 euros) d'aides aux études. Il suffit alors de faire un petit boulot, avec un contrat pour étudiant de quinze heures hebdomadaires, pour être autonome et financièrement indépendant.
Lorsqu'on commence l'université, on abandonne donc le cocon familial pour faire sa vie, mais toujours sous l'aile protectrice de l'Etat social-démocrate : les jeunes Danois sont choyés, et même mieux, ils sont accompagnés en douceur vers l'âge adulte. Les erreurs sont admises, car quoi qu’il arrive, une sécurité permet de retomber sur ses pieds. Pour cette raison aussi, les jeunes ne sont pas pressés de terminer leurs études, on peut se permettre de prendre une ou plusieurs années sabbatiques, et il n'est pas rare non plus de reprendre les études à la trentaine, après cinq ans passés à travailler ici ou là de par le monde.
« Tu dois boire au moins cinq bières avec eux pour te lier d’amitié, ou parfois simplement pour les approcher »
Au Danemark, la logique de compétition n'est pas enracinée. Les enfants grandissent dans la sérénité, sans pressions, conscients du fait qu'« il y a de la place pour tous » et il n'est pas nécessaire de marcher sur les plates-bandes du voisin ou de faire des faux papiers pour obtenir un travail. Les jeunes Danois ont la possibilité de suivre leur propre parcours de vie : ils ont le temps de voyager, faire des découvertes avant de devenir adultes et de créer une famille. Un style de vie raisonnable qui fuit le luxe et privilégie les plaisirs simples comme passer du temps en famille et faire du sport : c'est le secret de la grande qualité de vie du Danemark.
Cette modération n'est pourtant plus de mise en ce qui concerne la consommation de bière, une des plus élevée au monde ! Comme le reste de la Scandinavie, le Danemark aussi souffre des problèmes sociaux liés à la consommation d'alcool excessive, raconte Moritz, étudiant allemand en programme Erasmus : « Tu dois boire au moins cinq bières avec eux pour te lier d’amitié, ou parfois simplement pour les approcher. » La cuite hebdomadaire n'est pas seulement une tradition mais aussi une méthode répandue pour vaincre les inhibitions et se « laisser aller », comme le confirme Asta, étudiante lituanienne depuis trois mois au Danemark.
Un équilibre précaire
Certains étrangers pensent que les Danois sont gâtés et qu'ils ne se rendent pas compte de la chance qu'ils ont. D'autres, au contraire, considèrent que les Danois sont bien conscients de leur chance, et même plus : pour eux, ce sont des droits qu'il faut défendre à tout prix. La position tiède du Danemark par rapport au projet européen vient justement de la crainte qu'une citoyenneté commune mette en péril, ou carrément décrète la fin du fameux « modèle danois ». C'est un équilibre précieux et délicat, mis à rude épreuve par les vagues migratoires des dernières décennies : le 9 novembre dernier, le quotidien Politiken écrivait au sujet de l'affectation par le gouvernement danois d’un budget de 2,7 millions d'euros afin de payer les dépenses de rapatriement de citoyens extra-communautaires qui renonceraient à un nouveau permis de séjour, pour ainsi dire, à rester dans le pays. Depuis 2007, une année record pour l'immigration dans les pays scandinaves, des règles plus strictes ont été statuées concernant le permis de séjour au Danemark et la demande de nationalisation. Des décisions qui ont réjoui le parti nationaliste Danske Folkeparti (parti du peuple danois).
Le royaume des fables est constitué de sujets beaux, heureux, gentils et disponibles, même si leur excessive réserve semble rendre plus difficile les relations personnelles et l'intégration. Les Danois ne manquent pas d'ouverture d'esprit et sont modernes : on peut seulement souhaiter que le château ne devienne pas une forteresse, et que la réputation légendaire de civilité et d'équité qui règne au Danemark continue de régner sur ce beau pays.
Translated from Vivere in Danimarca tra fiaba e realtà