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Universels, indivisibles et interdépendants

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Bruxelles

Par Céline REMY Michel Tilemans est le Directeur des Droits de l'Homme et de l'action humanitaire au ministère des Affaires étrangères. En tant que tel, il a présidé le Groupe de travail du Conseil sur les droits de l’Homme (COHOM) durant la présidence belge de l'UE.

Ce 17 juin 2011, le Cercle de Réflexion Transnational de la Gauche Européenne l'invitait à s'exprimer sur la politique européenne de défense des droits humains. Une occasion pour lui de mettre en lumière les menaces qui pèsent actuellement sur ces droits.

« La défense et la promotion des droits de l'Homme, parce qu'ils portent justement sur un modèle de société et le système même des relations internationales, sont au cœur d'une lutte d'influence, dont l'enjeu stratégique dépasse de loin les questions de principes pour toucher à notre sécurité politique, économique et sociale ». M. Tilemans affirme ainsi l'actualité du combat pour les droits de l'Homme face à de nouvelles remises en cause portées par un ensemble de pays, souvent (si pas toujours) autoritaires. C'est principalement au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU que les tensions entre ce qu'on appelle « l'axe souverainiste » et les démocraties parlementaires se font le plus sentir. « Il faut souligner la capacité grandissante des pays opposés aux droits de l'Homme à se coaliser pour former des majorités qui peuvent mettre en échec toute avancée, voire renverser les acquis ».

La sacro-sainte non-intervention dans les affaires intérieures des États

Certains États remettent donc aujourd'hui en cause le caractère universel, indivisible et interdépendant des droits humains. Il s'agit principalement des pays qui font partie du « groupe souverainiste » : Algérie, Belarus, Égypte (jusqu'il y a peu), Myanmar, Chine, Cuba, Corée du Nord, Indonésie, Iran, Libye (jusqu'à présent), Malaisie, Pakistan, Russie, Somalie, Soudan, Syrie, Ouzbékistan, Vietnam et Zimbabwe. « Le fait que des démocraties de pays émergents rejoignent parfois ces coalitions est préoccupant. Pour certaines d'entre elles, les relations Sud-Sud et le leadership régional priment sur la promotion d'un modèle commun de société, fût-il le meilleur. »

Les opposants aux droits humains affirment notamment que tous les hommes n'ont pas les mêmes besoins fondamentaux ni les mêmes aspirations et qu'ils peuvent donc être régis par des règles alternatives, concurrentes (parce que contraires) à celles des droits de l'Homme. Certains estiment que l'expansion économique passe avant les libertés individuelles. D'autres sont partisans des « valeurs traditionnelles », « un concept vague qui peut justifier, par exemple, les meurtres d'honneur, la position inférieure de la femme, ou encore les persécutions des homosexuels ». D'autres encore rejettent les droits de l'Homme comme l'expression de l'impérialisme occidental postcolonial. « Il faut être attentifs à ces arguments car le respect, l'impartialité, l'objectivité et l'égalité de traitement de tous les États sont des conditions nécessaires pour une mise en œuvre commune des droits de l'Homme. Mais ces arguments ne doivent pas servir à remettre en cause l'universalité des droits de l'Homme. »

Des perspectives auxquelles beaucoup ne croyaient plus

Mais l'actualité internationale réserve aussi de bonnes surprises au club des « droits-de-l'hommistes » occidentaux. « Les soulèvements dans le monde arabe montrent que les peuples réclament la matérialisation de leurs droits sociaux et économiques, demandent le respect de leurs droits civils et politiques, exigent liberté et dignité et qu'ils refusent, tôt ou tard, l'arbitraire, la corruption, l'impunité et les atteintes à la dignité humaine.» Ces événements montrent que les valeurs portées par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) ne sont pas l'apanage d'un petit groupe de pays et que les aspirations à exercer ses droits fondamentaux sont présentes dans toutes les populations et dans toutes les régions du monde, quelles que soient leur religion, leur culture, leur système politique et leurs conditions économiques et sociales.

Un combat universel, européen et permanent

« Les progrès en matière de droits de l'Homme prennent des années, voire des décennies, mais ils sont, au bout du compte, autant le résultat d'une évolution interne des sociétés que le produit des engagements des gouvernements. » Les pressions exercées par la « communauté internationale », les sanctions européennes visant des dictateurs et les dialogues concernant les droits humains entre l'UE et ses partenaires ont, M. Tilemans en est convaincu, « un effet réel, à long terme. Le modèle européen a une influence effective : que l'on regarde seulement en Amérique latine, ou, encore une fois, dans les pays arabes... » Un élément à notre avantage : la globalisation, qui apporte avec elle une accélération de l'information et une démultiplication des possibilités de rassemblement et d'échange des idées. Ces facteurs « rendent de plus en plus difficiles les politiques de censure et de répression de la liberté d'expression, de réunion et d'association ». Des dynamiques communes et solidaires qui, on l'a vu, peuvent renverser le cours des choses.