Union Européenne pour la Méditerranée : la jeunesse européenne s’interroge
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Après deux ans de son institution et alors que le sommet prévu pour juin vient d'être reporté à décembre, un premier bilan de la part de jeunes européens révèle une criante inefficacité pour la « créature de Sarkozy ».
Samedi 24 avril 2010 s’est tenue la conférence « Union pour la Méditerranée et Traité de Lisbonne : de nouveaux modèles pour une politique étrangère commune ? » Cette rencontre a eu lieu dans le cadre du séminaire « Regards croisés sur le Processus de Barcelone et l’Union pour la Méditerranée : défis et perspectives », organisée par l’association Jeunes européens-France à la Cité universitaire à Paris.
Après l’institution en 2008 de l’Union Européenne pour la Méditerranée, à laquelle participent 44 Etats riverains du bassin méditerranéen, la question de sa réelle utilité et de son efficacité a tout de suite pris pied dans le débat politique international. En effet, au début, les intentions étaient de faire face aux problèmes du développement des échanges économiques, de l’implémentation de politiques énergétiques coordonnées et de la sauvegarde de l’environnement marin. Cependant, certains points controversés, comme le respect des droits de l’homme ou les normes relatives à l’immigration et à la sécurité, ont été mis de côté pour des raisons diplomatiques.
Selon Alexis Prokopiev, porte-parole des Jeunes Verts, au moment de la fondation de l’UE pour la Méditerranée, la présence de régimes non démocratiques comme la Lybie « ont pratiquement empêché l’établissement de règles précises sur des thématiques épineuses ». Du même avis, Thomas Friang, représentant des Jeunes Démocrates, affirme que l’Art. 21 du Traité de Lisbonne « est clairement contradictoire avec la politique de plusieurs pays de l’UE pour la Méditerranée, notamment Israël et la Tunisie, car cet article lie l’action externe des Membres de l’UE à des jalons bien précis, comme le respect de la démocratie, de l’état de droit et de la dignité humaine » .
La question fondamentale concerne l’attribution des fonds pour le développement et la coopération économique; à ce propos T. Friang considère comme une nécessité « l’institution de sièges et d’organes qui aient le rôle de garantir les projets financés par l’UE pour la Méditerranée, de façon à ce que les fonds ne soient pas assignés sans scrupule, risquant ainsi de financer des activités illicites de la part de gouvernements non démocratiques ». A. Prokopiev souligne le risque que la collaboration dans le domaine énergétique se transforme en une exploitation des ressources africaines ou que certains principes de défense de l’environnement ne soient pas respectés : « le projet d’installation au Sahara de centrales solaires est une mauvaise idée, car le transport énergétique comporterait un gaspillage en termes d’énergie exploitable et surtout finirait par être une infrastructure plus utile aux européens qu’aux pays africains » .
Th. Friang synthétise le cœur du problème en affirmant que « beaucoup des manques de l’UE pour la Méditerranée sont le produit du conflit entre un certain penchant pour le cynisme économique et la volonté de faire respecter les valeurs éthiques sur lesquelles l’UE se fonde. ».
Selon les conférenciers, le péché originel de cette nouvelle organisation réside dans la tentative du président Sarkozy de faire de l’UE pour la Méditerranée un moyen pour donner un nouveau souffle à la position diplomatique française, notamment par rapport aux allemands. À cause de cette ambivalence, il y aurait un écart important entre les objectifs déclarés et la possibilité réelle de les atteindre. Cependant pour Brando Benifei, vice-président de ECOSY (les jeunes socialistes européens), l’UE pour la Méditerranée pourrait représenter un bon instrument si seulement on ne la concevait pas comme le lieu idéal pour résoudre les points critiques de politique internationale, comme la guerre en Palestine, ou les questions identitaires et culturelles. « L’UE pour la Méditerranée, étant une institution caractérisée uniquement par le principe intergouvernemental, les questions stratégiques ne peuvent pas faire partie de ses devoirs. On obtiendrait plus de succès si on se concentrait plutôt sur des projets spécifiques avec une portée limitée ». En ce qui concerne la solution des nœuds fondamentaux qui occupent la politique étrangère des pays riverains de la Méditerranée, Br. Benifei précise que « l’UE pour la Méditerranée peut jouer un rôle comme appui des autres institutions internationales qui la précèdent. Dans ce sens, elle peut représenter un cadre où il est possible d’établir des rapports de confiance réciproques entre les pays membres. À travers un travail de "moral persuasion" et de "soft power", il serait possible de développer progressivement des rapports de bon voisinage. C’est dans ce cadre que j’estime que des projets concrets pourraient devenir plus efficaces, par exemple dans le domaine social, et la rencontre des différentes cultures ».
La sensation qui ressort du débat est que cette nouvelle organisation internationale est orpheline d’un appui politique fort qui l’amènerait à trouver une plus grande cohérence et à redéfinir son objet et ses enjeux. Une bonne idée, mais pour le moment, pas grand chose de plus.
Par Giulio Marseglia
Photos : En une ©Andres Rueda/Flickr ; Mediterranean evening ©derpunk/Flickr