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Une Roumanie riche en pauvres

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Politique

L'économie en plein essor de la Roumanie n'empêche pas une répartition des richesses encore très inégale.

Ioana Konstantin vend du chou blanc en Roumanie. Préparé avec du hachis, le chou farci est le repas dominical typique. Chaque jour, Ioana qui ne veut pas « manger son chou toute seule, ni le laisser gâter »fait le trajet de son village, Brezoaia, jusqu'à la capitale Bucarest avec son étal. Elle vend ses choux sur un parking, directement depuis sa camionnette. Un kilo coûte 10 cents tout rond. Vendre deux tonnes de chou lui rapporte 200 euros, mais si l'on enlève essence et autres frais, il ne lui reste plus que 30 euros, le même montant que sa retraite mensuelle. Une somme plutôt maigre.

Penser positif

Le son de cloche est différent chez Iulian Bortos, rédacteur en chef du magasine économique Capital qui regrette que son pays soit encore considéré comme le refuge des pauvres du Vieux continent.« La Roumanie passe souvent pour le mouton noir de l’Europe, alors que nous abritons depuis longtemps un marché lucratif. » Bortos travaille dans une rédaction moderne, dans laquelle les journalistes écrivent beaucoup d’articles positifs : cette année, ils se réjouissent que le taux de croissance roumain atteigne 7%.

Et ce n’est pas fini : dans une brochure imprimée sur papier brillant, la rédaction du journal a présenté sa sélection des 300 Roumains les plus riches, dont la fortune cumulée atteint 17 milliards d’euros. « Ce n’est pas la peine de dresser la liste des 300 Roumains les plus pauvres. Nous voulons que les gens pensent positif et prennent ces personnes en exemple », justifie son rédacteur en chef.

La publication de cette liste des millionnaires 'Made in Romania', dont fait partie Ion Tiriac, l’ancien manager de Boris Becker et beaucoup de personnalités politiques, a relancé le débat sur la répartition des richesses dans le pays. Comment peut-il y avoir des millionnaires, « alors que de mon côté, je ne peux même pas me payer les produits de première nécessité ? », se demande Ioana Constantin.

L’argent sale, un second salaire

Victor Alistar ne s’étonne pas que la majorité des Roumains, qui gagne en moyenne 230 euros net mensuels, soupçonnent de corruption et de chantage politique ces fortunes montées en peu de temps. Chef de la section roumaine de l'ONG 'Transparency International', qui combat la corruption dans le monde entier, il affirme que « les différents gouvernements roumains parlent depuis des années de lutter contre la corruption mais qu'aucune décision de justice n’a jamais été prise jusqu'à aujourd'hui.»

Pourtant, le parquet de Bucarest vient de déposer plainte contre un homme politique de premier plan, l’ex-premier ministre roumain Adrian Nastase : durant son mandat, il aurait accepté plus de 1,4 millions d’euros de pots-de-vin. Malgré cette mise accusation, Victor Alistar reste sceptique : «Dans le quotidien des Roumains, un pot-de-vin est encore considéré encore comme un second revenu nécessaire, et pas comme un symptôme de la corruption contre laquelle il faut lutter »

Où est la classe moyenne ?

L’ingénieur économique Ioan Gheorghiu a fait une carrière de rêve en Roumanie. Avant 1989, il travaillait dans une entreprise d’état spécialisée dans le secteur de l'énergie. Peu après la chute du mur, il est nommé chef de cette même compagnie, qui emploie désormais près de 800 employés. A 60 ans, l’entrepreneur se lance rapidement dans la privatisation, afin de soutenir le rythme imposé par le capitalisme. « La Roumanie a construit 170 km d’autoroute dans les 17 dernières années, soit en moyenne 10 km par an. Si j'avais gardé cette cadence, je n’en serais jamais là où je suis aujourd’hui »

L’entrepreneur assure avoir « toujours été rapide » dans son travail : pour la privatisation mais aussi pour la recherche de contrats à l’Ouest ; aujourd'hui, il va obtenir des fonds structurels de l’Union européenne. Ghiorghiu est convaincu qu’en Roumanie, « on peut aussi réussir sans être corrompu ». S'il ne fait pas partie des 300 Roumains les plus riches retenus par Capital, il a depuis longtemps échangé sa Dacia et son appartement contre une villa et une BMW. Gheorghiu voit d’un bon œil le fait que d’autres soient plus riches que lui. La seule chose qui le dérange, c’est qu’il n’y ait quasiment aucune classe moyenne. « Il nous manque un équilibre social », lâche t-il, « et c’est pour cela que l’on court en boîtant derrière l’Europe. »

Depuis le 1er janvier 2007, la Bulgarie et la Roumanie sont membres de l’Union européenne. Pour les découvrir, cafebabel.com vous propose ces prochaines semaines une chronique sociétale de ces nouveaux venus. Ces articles sont écrits par les auteurs du réseau de correspondants n-ost. L’association n-ost, fondée à Berlin en 2005, fédère depuis 2003 un réseau de journalistes de plus de 20 pays, désireux d'établir des ponts entre l’Est et l’Ouest. Ces journalistes s’engagent pour la démocratie et la liberté de la presse et souhaitent par leur travail contribuer au renforcement de l’Europe.

Translated from Rumänien: Reich an Armen