Une rencontre ratée
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Ce soir, j'avais rendez-vous avec l'histoire européenne. Mme Simone Veil, juive déportée à Auschwitz, rescapée des camps de la mort, Européenne de la première heure, ancienne présidente du Parlement européen, était invitée à participer à un débat avec une soixantaine de lecteurs du quotidien belge Le Soir triés sur le volet.
J'allais pouvoir écouter une des personnalités féminines préférées des Français, auteur de la loi sur l'interruption volontaire de grossesse (IVG), ancien membre du conseil constitutionnel français.
Et bien, j'ai été déçue, terriblement déçue. Parce que ce soir, Mme Veil s'est présentée comme une femme aigrie, réactionnaire et passéiste. Profond sentiment de malaise.
Que s'est-il passé? Mme Veil était invitée à Bruxelles dans le cadre de l'exposition C'est notre histoire qui se déroule à Tour et Taxi jusqu'au 23 mars 2008. Elle n'a apparement pas aimé l'expo. Le débat devait porter sur L'Europe des citoyens et les moyens de la réaliser. Mal préparée, son discours sonnait creux. En dépit des efforts des modérateurs, Béatrice Delvaux, rédactrice en chef du Soir, et Elie Barnavi, directeur du Musée de l’Europe et ancien ambassadeur d’Israël à Paris, Mme Veil n'a jamais vraiment répondu aux questions des citoyens venus la rencontrer ce soir. A la question, que pensez-vous de la candidature de la Turquie, la réponse cingle: "la Turquie n'a rien à faire dans l'Europe, à la rigueur s'ils veulent nous donner Istambul. Mais toutes ces femmes voilées!"
A Elie Barnavie qui mentionne son projet de manuel d'histoire européen qui viendrait compléter les manuels d'histoire nationaux, Mme Veil répond qu'il ne faut pas "falsifier l'Histoire". Qu'un livre scolaire veuille donner un éclairage européen aux évènements nationaux n'a rien de falsificateur, bien au contraire! Et sous prétexte que l'Irlande et la Pologne soient catholiques, il ne faudrait pas froisser la susceptibilité de ses pays en parlant de libéralisation de l'IVG?
J'avais apporté l'exemplaire de votre autobiographie Une vie. Je ne vous ai pas demandé de le dédicacer. J'avais l'impression que la personne qui avait écrit ses pages pleines de courage, d'humanisme et d'optimisme n'était pas celle que j'avais devant moi. Mme Veil, probablement plus habituée aux débats feutrés des cénacles parisiens, n'a semble-t-il pas apprécié la fraîcheur de ton des participants belges et expats. De grâce, Madame, descendez vite de votre piédestal et acceptez de dialoguer ouvertement avec des personnes d'opinions différentes.
C'est cela la démocratie.