Une future mosquée insulaire
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Mireille VachaumardUne nouvelle mosquée devrait être construite à Séville d'ici 2010 dans un quartier de bureaux et de facultés, loin du cœur de la ville et de son minaret, souvenir de l’empreinte arabe.
« Séville aura à nouveau une mosquée. 750 ans après la transformation de l'ancienne en église sous la domination chrétienne », raconte Emilio Carillo, chargé de l'urbanisme pour la capitale andalouse. Pas dans le quartier de Bermejales, lieu initial de ce projet, mais sur « l'île » de la Cartuja, située entre les deux bras du Guadalquivir. La Cartuja93, urbanisée à l'occasion de l'exposition universelle de Séville en 1992, est devenue un parc technologique constitué de grandes entreprises, de facultés, d'organes de presse, de centres de recherche ainsi que de bureaux administratifs. La mosquée, qui sera construite à l'Ouest de l'île, du côté de l'avenue Carlo III, occupera une surface de 6 000 mètres carrés et abritera également un centre culturel.
Mosquée isolée sur une île
Le quartier choisi n'est pas très central. Et surtout, il est éloigné du cœur vivant de la ville. Alors, pourquoi un tel emplacement ? « Nous voulions générer le moins de tensions possibles », explique Carillo. Le projet de l'an dernier, situé dans le quartier des Bermejales, a été annulé suite aux protestations des habitants qui s'étaient regroupés en une association sous le nom « Bermejales 2000 ». Selon Carillo et Emilio Gonzales Ferrín, islamologue à l'université de Séville, ce mouvement de protestation est davantage dû à la vocation du quartier qu'à l'islam proprement dit.
Même si la mairie a gagné le procès que lui ont intenté les opposants à la mosquée, elle a décidé de se mettre en quête d'une zone éloignée des noyaux habités. C'est ainsi qu'elle a choisi la Cartuja93 dont le terrain, qui appartient à la région autonome d'Andalousie, est géré par l'Epsa (entreprise publique du sol). L'association des entrepreneurs de la Cartuja93 n'a pas manqué de faire connaître son désaccord et a « sollicité » la mairie en avril dernier pour qu'elle révise son choix. Carillo minimise la situation : « Nous n'attachons aucune importance à ce refus dans la mesure où il ne s'agit que d'une minorité ».
Le minaret, relique au cœur de la ville
En fait, la construction d'une nouvelle mosquée est l'occasion, pour Séville, de se rapproprier son histoire. Après avoir vécu sous la domination arabe de 712 à 1248, elle en a conservé l'empreinte. Le Real Alcazar (palais royal) y a été bâti durant cette période avant de devenir le siège de la monarchie après la Reconquête. Une promenade à travers ce Versailles espagnol permet de se rendre compte de la façon dont le passé islamique a été assimilé et digéré. Idem pour la tour de la Giralda qui, du haut de ses 103 mètres, surprend le promeneur au détour d'une rue. Cet ancien minaret est devenu le symbole de Séville.
Selon Carillo, le nouvel emplacement de la mosquée répond à un choix urbanistique précis. « Nous ne voulons pas d'une zone à vocation purement résidentielle ni commerciale. Le modèle de notre ville repose sur la mixité ». Par ailleurs, promouvoir la liberté de culte est un devoir constitutionnel et l'administration tient à « promouvoir cette liberté comme elle l'a déjà fait pour d'autres confessions. L'église catholique en a largement bénéficié, tout comme les Mormons, les Témoins de Jehovah et les Evangélistes. »
L’Opus Dei de l’islam
Emilio González Ferrín est formel : « La ville de Séville a besoin d'une mosquée. En effet, cela répond à une demande de la part des Musulmans, lesquels représentent une part non négligeable de la population. Mais ce doit être une mosquée sévillane ». Et l'islamologue de préciser qu'après avoir examiné plusieurs demandes, la mairie a décidé d'accorder le permis de construire à un groupe qui gère la mosquée de Grenade et dont les sources de financements proviennent de l'Emirat de Sharjah, l'un des sept Emirats arabes unis.
Selon Ferrín, « l'administration a choisi un groupe peu représentatif de la communauté musulmane de Séville » : « En négociant avec une seule communauté, la municipalité ignore toutes les autres, explique le professeur. Il s'agit des Murabit, appellation moderne des Almoravidi, lesquels veillent à ce que l'islam soit appliqué comme il se doit, même s'il manque parfois d'ouverture ». Ferrín poursuit : « Cela ne signifie pas que ce courant est bon ou mauvais. Je connais ces gens. Ils ont un esprit positif. Tout comme je connais des personnes positives au sein de l'Opus Dei. Mais c'est une sorte d'Opus Dei de l'islam. A mon avis, l'Europe a besoin d'un islam moins rigide pour pouvoir établir un dialogue interculturel. »
Une mosquée sans Musulmans ?
Alors, pourquoi refuser d'accéder à une requête de la communauté sévillane dont l'existence est reconnue ? Pour Ferrín, il s'agit soit d'un problème d'ignorance de la part de l'administration, soit « d'une question d'argent », dit-il estimant qu’une « mosquée pour tous » est une solution viable. Ainsi, il a été proposé à l'administration d'utiliser le pavillon du Maroc provenant de l'exposition ibéro-américaine de 1929, lequel abrite désormais des bureaux municipaux. Cette solution serait parfaite. « Car cet édifice est suffisamment central, connu et économique pour ne pas être utilisé par un seul groupe. »
Fatima Mohamed Kaddur, Musulmane et conseillère municipale du Parti populaire à Gines, village proche de Séville, partage l'opinion de Ferrín. « En tant que Musulmane pratiquante, je suis d'accord pour qu'une mosquée soit construite à Séville. Mais pour tous les Musulmans. Sans exception. » Fatima Mohamed Kaddur rejette la responsabilité de cet incident sur le PSOE, parti socialiste au pouvoir à Séville et en Andalousie. Et tout comme Ferrín… elle alimente quelques doutes sur l'origine des financements de cette nouvelle mosquée.
La population sévillane d'origine islamique compte environ 8000 personnes, principalement dans le quartier de la Macarena où il existe déjà quelques petites mosquées. Nous avons essayé de savoir quelle était son opinion. Impossible de contacter la Fundación Mezquita de Sevilla : nos e-mails sont restés sans réponse. Quant au numéro de téléphone indiqué sur leur site internet, il n'existe pas. Le portail de l'islam espagnol, Web Islam, donne Abdulasib Castiñeira, directeur de la mosquée, comme point de contact dans la ville de Grenade. Et là non plus, aucune réponse.
Translated from Siviglia riavrà la sua moschea